
Rencontres de Sophie 2008
Une nouvelle culture des images
Serge Tisseron, Lieu Unique, Nantes, 16 mars 2008
Le dimanche 16 mars au Lieu Unique à Nantes, malgré le temps gris, nombreuses sont les personnes à s’être déplacées pour découvrir Serge Tisseron, auteur de nombreux essais sur le rapport de l’homme à l’écran et aux images.
Serge Tisseron ? Ce nom ou bien son visage ne vous semble pas inconnu ? C’est fort possible ! Ses interventions dans l’émission Arrêt sur images étaient fréquentes lorsque celle-ci était diffusée sur l’antenne de France 5.
Serge Tisseron tombe donc à pic aux Rencontres de Sophie, proposées au Lieu Unique à Nantes par l’association Philosophia, dont le thème s’axait autour de notre rapport à l’image. En effet, ce psychiatre et psychanalyste a publié de nombreux ouvrages consacrés à ce sujet. Simple et concis, il propose une réflexion sur la relation de l’homme et de l’image.
Le choix de consacrer les Rencontres de Sophie au thème des images n’est pas innocent. Aujourd’hui, le pouvoir est aux images en tout genre. Pour Serge Tisseron, leur omniprésence a provoqué un véritable bouleversement dans notre façon d’être et de nous comporter. En conséquence, notre rapport à nous-même et aux autres.
Entre réel et virtuel, où en sommes-nous ?
L’homme, pour être et exister dans la société, utilise différents registres. Ceux de la symbolisation imagée, verbale et gestuelle. Autrefois, la symbolisation imagée de chacun existait par l’imaginaire que l’on se créait. Aujourd’hui, l’importance grandissante des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a fait évoluer de façon notable notre rapport à l’image. L’imaginaire présentait un cadre concret, qui limitait l’image et la rendait fictionnelle. Ce cadre permettait de déterminer les limites entre réel et fiction. Or aujourd’hui, les images fixes, les animations, les jeux vidéos, ont rendu cette frontière floue. Désormais, le cadre doit être reproduit mentalement.
Là est le problème : sommes-nous tous capable de produire ce cadre et de rendre à l’image ce qui est à l’image c’est-à-dire l’idée qu’une distinction entre réel et virtuel existe. Bien sûr, il paraît évident de s’interroger sur chaque image qui nous est proposée car nous sommes dans une ère où l’image est devenue spectacle.
L’homme a renoncé à considérer qu’une seule image puisse le représenter. Il crée alors la sienne à travers une identité plurielle. Chacun a donc plusieurs avatars
Les images sont imprévisibles, stressantes. Elles oscillent entre réalité et fiction et changent notre rapport avec elles et, par la même, le rapport à soi. Une image implique une émotion à laquelle on croit, puis dont on se détache et se distancie. Or, l’être humain a une tendance irrépressible à croire aux images, il est ainsi fait. Cette tendance rend les images dangereuses, notamment celles dont le cadre est inexistant -comme les images de jeux vidéos et de mondes virtuels.
Plusieurs images de soi pour plusieurs représentations sociales ?
Le monde qui nous entoure est peuplé d’images. L’homme a donc renoncé à considérer qu’une image puisse le représenter puisque celle-ci est démultipliée. Il crée alors la sienne à travers une identité plurielle qui correspond à ce que la société attend de lui. Chacun a donc plusieurs avatars pour plusieurs facettes de sa personnalité. L’image que chacun a de soi éclate et laisse place à plusieurs images de soi.
Notre image, pour nous ou pour les autres ?
C’est par rapport à autrui que chacun peut se construire. L’image de l’Autre permet de savoir où l’on va, de suivre une voie, parfois à l’extrême, dans laquelle on est remarqué. Ainsi, aujourd’hui, on souhaite être remarqué, vu, avant d’être aimé. Cette tendance a toujours été présente. Désormais, elle prend une dimension sans précédent. Depuis l’arrivée de nouvelles technologies, les possibilités de multiplier ses identités s’amplifient : blog, myspace, vidéos sur you-tube…, la génération actuelle est spectatrice et productrice d’images : chacun produit ses propres images. Cette affluence d’images est telle qu’elles sont peu regardées. Leur intérêt n’est donc pas tant la diffusion aux yeux d’autrui que leur création par le sujet, un moment essentiel de sa construction psychique.
Les images, quelles qu’elles soient, dangereuses ou faussement dangereuses, sont omniprésentes dans la vie publique comme dans la vie privée. A chacun de prendre ses distances pour mieux se construire.
Aurore de Souza Dias
Photo bannière : Aurélia Blanc ; photo colonne : Valérie Pinard ; Son : Renaud Certin
Bibliographie sélective de Serge Tisseron :
Virtuel mon amour 2008
Les bienfaits des images 2002
Enfants sous influence (Les écrans rendent-ils les jeunes violents) ? 2000
Psychanalyse de la bande dessinée 2000
Comment l’esprit vient aux objets 1999
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