Nicolas Sarkozy n’est pas Le Pen : le futur président de la République n’est jamais tombé dans ses niaiseries racistes. Mais en flirtant avec les positions du leader d’extrême droite, en disqualifiant une partie de la population, Nicolas Sarkozy a réussi le tour de force de scinder la France en deux. Deux camps s’affrontent frontalement. Et les événements dans les rues de Nantes, de Bordeaux ou de Paris en sont l’inquiétante confirmation. Dimanche, à Nantes, les partisans de Nicolas Sarkozy, champagne aux lèvres, narguaient les manifestants du haut de leur balcon, tandis que ses détracteurs cherchaient ostensiblement la confrontation. Tout un symbole (voir le portfolio).

Peu de militants politiques ou syndicaux, pas de mots d’ordre : ce sont pour la plupart des électrons libres qui ont garni les rangs d’une manifestation anarchique. De la place Royale, le défilé, près de 800 personnes selon les RG, a rejoint la rue du Calvaire, s’est engouffré dans les rues étroites du quartier Bouffay... Avant de virer à l’affrontement avec les forces de l’ordre, devant la préfecture. Rarement, on aura vu un tel déchaînement de violence à Nantes. Il n’est pas question ici, de nier les responsabilités des manifestants. Mais une fois de plus, les CRS, symbole chez les anti-sarkozystes de l’autorité arbitraire du futur président, n’ont pas hésité à user de méthodes particulièrement brutales, insultant et frappant parfois sans distinction des individus pacifistes.

chaque fois que la violence prend le dessus, l'autorité l'emporte

Malheureusement, on le sait : chaque fois que la violence prend le dessus, l’autorité l’emporte, renforçant un peu plus la légitimité des tenants de l’ordre. Les échéances législatives ne sont, à ce titre, guère rassurantes pour la gauche. Et l’on se méprend à penser que, contrairement à ce que voudrait laisser croire Nicolas Sarkozy, rien n’a vraiment changé depuis les manifestations de l’entre-deux tours en 2002. Les élus, la presse, chaque citoyen s’est félicité, à juste titre, de l’exceptionnel taux de participation enregistré lors des deux tours de l’élection. La démocratie sort-elle grandie ? Rien n’est moins sûr. Nicolas Sarkozy n’a pas rénové la politique. En cinq ans, il a joué sur les peurs, emmenant dans son sillage des électeurs déboussolés par un climat d’insécurité. Il a attiré des électeurs prompts à rompre avec le modèle économique français. Et il a surtout instrumentalisé la précarité en opposant d’un côté les « assistés », de l’autre, ceux qui retroussent leurs manches au bénéfice des premiers.

Habile calcul politique dont on risque de subir les conséquences plus qu’hasardeuses. Nicolas Sarkozy serait désormais bien inspiré de ravaler son arrogance. Et de travailler dès les prochains mois à apaiser les tensions. En clair, il devra rassembler avec des actes forts et pas seulement avec des mots. Qu’un président à peine arrivé au pouvoir fédère autant de mécontents augure mal de ce que seront les négociations sociales de demain.

Article : David Prochasson

Reportages sonores : Renaud Certin

Photos : Stéphane Mahé