
Banlieue parisienne : des lieux insolites pour une création débridée
Deux visions de la culture : Les Laboratoires d’Aubervilliers et la Villa Mais d’Ici à la Courneuve.
Focus complémentaire au dossier paru dans le numéro 5. En banlieue au Nord de Paris, Aubervilliers et la Courneuve mettent à disposition des artistes des espaces, des univers variés où peuvent s’exprimer leur créativité. Entre ces différents regards portés sur la culture et la création, l’étonnante richesse culturelle de la banlieue éclate au grand jour. Une corrélation existe incontestablement entre cet environnement souvent décrié et l’envie, l’énergie qui fait naître ce besoin indispensable de s’exprimer, de créer. Les lieux de création se multiplient à la périphérie des villes avec l’objectif de déconstruire les codes culturels, de donner un autre souffle à l’art étouffé par les institutions.
Petit détour par la définition des quartiers appelés "banlieue" qui abritent ces salles innovantes. Les détracteurs de ces quartiers l’ont oublié ; le terme « banlieue » est, étymologiquement, un pilier au sens positif. La « banlieue » est, à l’origine, une circonscription territoriale qui s’étendait à une lieue hors de la ville et dans laquelle un juge pouvait exercer sa juridiction. En la définissant aujourd’hui comme « zone de non droit », on oublie son histoire, on ignore son nouveau potentiel qui ne s’exprime plus sur le plan juridique mais culturel.
Remède contre le désoeuvrement : une œuvre, un espace
La culture, et plus spécifiquement la production artistique, serait-elle par définition utopique, attachée à aucun lieu en particulier mais disponible partout, dès que des esprits et des mains s’emparent du processus magique de la création ? La banlieue crée de nouveaux lieux mais ne résout pas le dilemme : un lieu de création conditionne et réalise une certaine vision de la culture. Entre les Laboratoires d’Aubervilliers et la Villa Mais d’Ici, deux conceptions des œuvres et des acteurs culturels s’affrontent.
La banlieue crée de nouveaux lieux mais ne résout pas le dilemme : un lieu de création conditionne et réalise une certaine vision de la culture
Fondés à l’invitation de la Ville d’Aubervilliers par François Verret en 1994, les Laboratoires sont parfois appelés "la petite usine de l’art" par les habitants du quartiers. La direction collégiale est renouvelée régulièrement afin que "cet espace continue à vivre et ne soit pas sclérosé par la personnalité des directeurs". Création dans différentes disciplines, ouvertures publiques, éditions de livres... composent le programme du lieu qui tend à se rapprocher des institutions telles que le centre Georges Pompidou. Cet endroit semble susciter l’enthousiasme des artistes nationaux et internationaux. Ils sont entre 4 et 8 par an à venir se réfugier dans ce cocon blanc, cette terre vierge où tout doit être mise en place pour créer et combler le vide que la nature et l’homme ont en horreur. Les Laboratoires se définissent aussi comme simples murs loués par les associations locales pour leur activités. "Nous répondons ainsi à une vraie pénurie d’espace en région parisienne.".
La Villa Mais d’Ici, lieu fantasmagorique, joyeux capharnaüm est un "pôle de création pluridisciplinaire", installé depuis novembre 2003 au cœur du quartier cosmopolite Vilette-quatre chemins. Les compagnies de spectacles vivant ont carte blanche. Elles louent un local et "développent une programmation ouverte sur la ville pour renforcer le lien social". Cet espace global de travail a aussi pour but de provoquer l’émulation nécessaire à la création mais des situations variées coexistent. "Chaque compagnie a son mode de financement propre, certaines sont parfois en difficulté financière. En général, la Villa passe après, elle est essentiellement là pour fédérer mais l’essentiel reste la solidarité".
La culture sans dessus dessous
Ces deux modèles accouchent d’œuvres singulièrement différentes. Les Laboratoires sont modulables en fonction des projets et veulent garder le lien avec le quartier par des actions ponctuelles comme la radio de quartier. Les habitants sortent alors de leur statut de spectateurs passifs des expériences menées dans ces Laboratoires. Désormais, les créations nées ici sont désormais exposées dans d’autres lieux de diffusions et quittent leur lieu de naissance devenu simple salle de production. Dans cette maternité de l’art, le temps semble flotter. "Nous ne produisons pas sans sens. On ne peut donc pas définir le planning pour chaque projet".
nous recréerons l'identité de la Villa en permanence grâce à nos créations
A la Villa Mais d’Ici, les créateurs affirment que "les lieux sont estampillés par ceux qui les font". "Nous nous sommes réunis par pure affinité et nous recréerons l’identité de la Villa en permanence grâce à nos créations. La composition de l’équipe est éclectique. Les affinités artistiques sont d’abord des histoires humaines". Les Grandes personnes, compagnies de marionnettes, ont élu domicile pour partager comme les autres, les moyens techniques mis à disposition et le lieu. "Notre but est de trouver un champs d’expression pour l’art populaire".
A chaque artiste de banlieue de trouver la source d’inspiration qui s’écoule entre ces quatre murs, à chacun de récolter dans ses friches culturelles les fruits de ses œuvres, mûris sous le soleil de la colère et de l’espoir.
Texte :Chloée Vigneau
Photo : Aurélia Blanc
Renseignements :
Villa Mais d’Ici
77 rue des cités. 93 300 Aubervilliers
Les Laboratoires d’Aubervilliers
41 rue Lecuyer. 93 300 Aubervilliers
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