Traité de Lisbonne
L’Europe en catimini
"Un nouvel emballage". Selon Raoul Marc Jennar, spécialiste des questions européennes, le traité de Lisbonne ne modifie en rien le projet que Français et Néerlandais ont rejeté par référendum. Alors que le Congrès se réunit le 4 février à Versailles, le chercheur fustige l’hypocrisie des dirigeants socialistes qui, selon lui, ont renoncé à empêcher la ratification par voie parlementaire.
L’un des motifs du non au référendum de 2005 provenait de la complexité et de la densité du texte. Le traité dit simplifié est-il aujourd’hui plus lisible ?
R. M. Jennar : Il l’est moins. Ce n’est pas un texte coordonné qui ferait une synthèse une fois les modifications apportées. Sur 286 pages, on peut y lire, "article 14 : Les mots… sont remplacés par…". Il y a eu par ailleurs un effort de toilettage de tous les traités antérieurs. Toutes les références à la communauté européenne ont par exemple été remplacées par l’expression "Union européenne". Je respecte ce principe, très louable. Mais il noie l’essentiel des dispositions des parties 1 et 2, que l’on retrouve dans le présent traité.
Que change ce nouveau traité ?
Rien. Seuls deux points ont été modifiés sur les valeurs de l’Union. La référence à l’héritage religieux de l’Europe a été inscrite dans le traité ainsi que la reconnaissance des églises. Ce que le Vatican n’avait pas obtenu de la France de Chirac, il l’a cette fois obtenu de Merkel, de Sarkozy ou de la Pologne.
Un autre point vous inquiète…
Dans le TCE, l’Union garantissait la protection des données relatives à la vie privée des citoyens. A cet article, a été ajouté la mention "dans l’espace européen". Ce qui veut dire que l’Union ne garantit pas la protection en dehors. Ce principe a une portée très lourde. Les Etats-Unis, dans la foulée du 11-Septembre, se sont adressés à la commission européenne pour que les renseignements aux passagers à destination des Etats-Unis puissent être délivrés. Le Parlement européen a déposé plainte auprès de la Cour de justice des communautés européennes qui lui a donné raison. Le traité de Lisbonne est donc en train de légaliser les actes de la commission contre l’opinion majoritaire du parlement qui nous représente et la justice.
L’éventualité d’un référendum est très improbable. Quelle stratégie envisagez-vous pour faire échec au traité ?
J’appelle à manifester le 4 février à Versailles (l’Assemblée et le Sénat se réunissent en congrès pour voter la modification de la constitution française, NDLR) et à ce que les citoyens interpellent les sénateurs et les députés dans leur permanence. Le président est obligé de faire modifier la constitution. Or, il ne dispose pas des 3/5 requis par le Congrès. Avec un scénario a minima, en considérant que toute la droite vote oui, souverainistes inclus, Sarkozy doit compter sur les votes du Modem, du PS et des Verts. La fenêtre est très étroite.
L’appel au boycott lancé par les socialistes révèle une intention délibérée de tromper les citoyens
Que pensez-vous de l’attitude des dirigeants socialistes qui appellent à boycotter le vote du Congrès ?
Ce sont des charlatans ou des pervers. Hollande ou Ayrault veulent faire croire qu’en s’abstenant, il s’oppose à l’absence de référendum. Mais le droit français ne compte que les votes exprimés. Dès lors, boycotter, c’est conforter Sarkozy pour qu’il obtienne la majorité qualifiée. C’est une intention délibérée de tromper les citoyens.
Le déni de démocratie que vous dénonciez en 2005 est toujours intact, selon vous ?
Le sentiment d’impuissance face à la construction de l’Europe sème les graines de ce qui pourrait détruire l’espérance européenne. Si on continue à faire l’Europe ainsi, la parenthèse ouverte en 1957 pourrait se refermer. L’Europe aura déçu et elle provoquera le rejet.
Quelle Europe proposer ?
Il faudra un jour poser la question de quelle Europe les citoyens souhaitent. Quand on s’interroge sur la politique de l’énergie, des transports, la seule réponse est : "Libéralisation". Je suis pour l’Europe mais pas celle qui érige la compétition et l’individualisme en valeurs cardinales. Je souhaite une Europe solidaire, une Europe de la coopération.
Propos recueillis par David Prochasson
R.M. Jennar, Quelle Europe après le non ? Fayard, 180 pages, 14€.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses