initiative citoyenne
Les quartiers "Vu des quartiers"
Le défi est énorme, mais le jeu en vaut la chandelle ! Dépasser les caricatures et les préjugés en associant le temps d’un reportage un journaliste professionnel et un habitant des quartiers populaires. Faire de ce couple improbable un vecteur d’information, telle est l’ambition de « Vu des quartiers  » projet initié il ya plusieurs mois déjà . Le premier projet est en ligne, en attendant les autres. Explication.
Le point de départ est avant tout journalistique. En mars 2007, l’association Journalisme et Citoyenneté présidé par Jérôme Bouvier [1] organise les premières Assises du journalisme à Lille. C’est l’occasion pour les journalistes de tous horizons de se réunir et d’échanger autour de leur profession.
Une profession qui s’interroge et constate qu’une grave crise de confiance sévit entre les citoyens et les journalistes. Et plus particulièrement entre les habitant(e)s des quartiers populaires et les médias, souvent accusés de n’être là que quand ça va mal.
De ces interrogations naît le projet "Vu des quartiers" (soutenu par l’ACSE [2]), et l’idée d’associer un habitant des quartiers populaires et un journaliste professionnel à un projet journalistique.
Il faut sortir de la caricature dans laquelle chacun a enfermé l'autre
Mais la nouveauté ici est bel et bien de dépasser le simple témoignage, en effet le véritable maitre à bord et initiateur du projet c’est bien l’habitant. Le journaliste lui est là pour aider aux techniques de réalisation, accompagner le citoyen dans ses démarches, en somme faire son métier de journaliste mais au service du citoyen.
Ensemble ils élaborent un reportage écrit, vidéo ou photographique, qui est ensuite publié sur le site « Vu des quartiers » et mis à la disposition des medias intéressés. Le « tandem journaliste-citoyen » donne finalement naissance à un véritable travail journalistique.
« Une bouteille a la mer »
Mais Jérôme Bouvier ne le cache pas il s’agit bel et bien d’"une bouteille a la mer". Changer l’image des quartiers dans les médias et regagner la confiance des habitants, le pari est peut être utopique mais il a le mérite d’exister.
L’initiative qui se veut avant tout novatrice, veut donner à chacun les moyens de découvrir l’autre et ainsi espérer évacuer les préjugés."Il faut sortir de la caricature dans laquelle chacun a enfermé l’autre", affirme Jérôme Bouvier.
Mais comment regagner la confiance des habitants quand policiers et journalistes semblent débarquer main dans la main au matin du 18 février ? [3] Comment alors croire à un journalisme honnête et de qualité ?
Les évènements du 18 février dernier à Villiers-le-Bel n’auront pas facilité la tâche à ces journalistes volontaires. A propos de ces évènements, Jérôme Bouvier dénonce une « affaire piégée ». Car si l’obligation de témoigner et de rendre compte est inhérente au travail de journaliste, il s’agissait bien d’une « opération de communication ». Et c’est en tant que telle qu’elle aurait du être présentée, la transparence des journalistes dans ce genre d’affaires est capitale.
Mais comment regagner la confiance des habitants quand policiers et journalistes semblent débarquer main dans la main au matin du 18 février?
Premiers constats
Une quarantaine de projets sont en cours et les problèmes de logement, d’emploi, et de transport sont au cœur des reportages. Le premier sujet radiophonique est d’ores et déjà en ligne, Gounédi Traoré, le citoyen-reporter, aborde la question de l’accès au logement dans la cité des Bosquets à Montfermeil(93). Il a également été diffusé sur France Inter dans l’émission du journaliste Edouard Zambeaux, Périphéries.
Le projet est loin d’en avoir « fini » avec les quartiers, puisque la date butoir initialement prévue au second tour des municipales, est finalement repoussée. Car si les journalistes ont très bien réagi à cette initiative et se sont mobilisés en masse, les habitants des quartiers inscrits, eux sont moins nombreux que ce qui était espéré. Sensibiliser les gens n’est pas si aisé et si le processus est plus lent que prévu, ce sera sans doute le premier enseignement à en tirer pour les journalistes. Montrer patte blanche n’est pas suffisant, il faut aussi donner le temps aux habitants de reprendre confiance.
Article : Morgane Taquet
Photo : Aurélia Blanc
Pour plus d’informations :
le site de l’émission Périphéries
Une autre initiative intéressante, Altermondes et son hors-série sur les quartiers réalisés par une dizaine de jeunes de Seine-St-Denis accompagnés par 8 journalistes professionnels.Altermondes
[1] journaliste, ancien rédacteur en chef de France Culture et RFI
[2] Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances
[3] Dans le cadre de l’enquête sur les émeutes de 2007, le 18 février au matin une vaste opération d’interpellations est organisée à Villiers-le-Bel, les médias présents dès l’aube sont « prévenus » depuis déjà quelques jours
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