Les femmes d’hier et d’aujourd’hui
Mais qu’est ce qu’elles veulent ?
Les femmes et la création d’entreprise
Avec la projection du documentaire "Mais qu’est-ce qu’elles veulent ?", sorti en 1975, qui trace différents portraits de femmes des années 70, l’Eco du ciné a prouvé qu’il avait encore une fois des choses à dire. Afin d’actualiser le débat sur la place des femmes dans la société et dans l’entreprise, l’association a invité deux femmes créatrices d’entreprise venues témoigner de leur parcours professionnel ainsi qu’une représentante de la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) de Nantes, pour animer le débat.
S’il y a une chose qui ressort de ce documentaire, 30 ans après, c’est que les mouvements féministes des années 70 ne se sont pas constitués par hasard mais sont nés de la situation économique et sociale faite aux femmes. Situation qui a de quoi nous faire sursauter et qui paraît à mille lieux de celle des femmes d’aujourd’hui.
Voix de femmes
Derrière la caméra, Coline Serreau n’intervient pas et se contente d’écouter ces femmes très différentes qu’elle a rencontrées et qui témoignent de leurs regrets, de leurs envies et de leurs révoltes. Jamais on n’entend la voix de la réalisatrice, seule celle des femmes interviewées, et de quelques hommes, résonnent.
Qu’elles soient agricultrices, ouvrières en usine, femme au foyer issue d’un milieu bourgeois, actrices de film porno, anorexique, pasteur ou veuve, une frustration les unit malgré tout, celle de n’avoir "pas fait ce qu’elles auraient aimé", et quand elles ont pu choisir, de n’avoir pas vraiment réussi à se libérer. Bien souvent, c’est par manque de moyens financiers qui leur auraient permis de faire des études et d’accéder à de meilleures situations, à ces métiers dont elles avaient rêvé petite fille. Parfois, elles ont pu accéder à des études d’assez haut niveau mais les inerties sociales les ont rattrapées et enfermées dans un rôle de mère avant tout. Ou bien encore, elles ont pensé se libérer et vivre leur corps différemment par le biais du porno (nous sommes après mai 68) mais se sont senties utilisées pour satisfaire des fantasmes d’hommes, dans une économie dirigée par des hommes.
Dans tous les cas, les rapports de force économiques, sociaux et culturels entre les hommes et les femmes paraissent encore nettement déséquilibrés au détriment de ces dernières. Selon les situations, le travail, synonyme d’indépendance financière, n’est pas forcément vécu comme une libération personnelle. C’est en particulier le cas de ces ouvrières en usine textile qui viennent d’un milieu où les femmes ont toujours dû travailler. Opératrices à la chaîne soumises à des cadences élevées et à des pauses chronométrées, elles disent clairement leur mal être et le mépris qu’elles ressentent de la part d’une direction obsédée par les gains de productivité et de la part de contremaîtres, des hommes essentiellement, qui se conduisent comme des petits chefs.
Une frustration les unit malgré tout, celle de n'avoir pas fait ce qu'elles auraient aimé, et quand elles ont pu choisir, de n'avoir pas vraiment réussi à se libérer
Et aujourd’hui ?
Venues prolonger le débat, les deux créatrices d’entreprise présentes au Katorza font partie des ces 30 % de femmes parmi les créateurs d’entreprise à l’heure actuelle. Cette proportion a presque doublé en 15 ans : de 18 à 30%, tandis que le taux d’activité des femmes est passé de 35 à 48% depuis la fin des années 60. [1] Agées respectivement de 51 et 36 ans, Nicole et Laure Emmanuelle ont bénéficié des avancées en matière de droits des femmes et présentent un parcours bien différent de celui des femmes du film. Elles ont toutes deux eu accès à des études supérieures de commerce et par la suite à des emplois très qualifiés. Rien à voir donc, avec les situations évoquées dans le film...
Pourtant, Nicole raconte qu’à son époque, les femmes faisaient une arrivée encore discrète sur le marché du travail et qu’elles pouvaient être confrontées assez abruptement aux inquiétudes des employeurs face à une possible maternité. Au point qu’elle a vu son futur employeur venir sonner chez elle un samedi matin pour demander à son mari s’ils comptaient avoir un enfant prochainement ! En entretien, il n’avait apparemment pas songé à aborder la question avec elle... Une telle chose ne lui paraît plus envisageable aujourd’hui. Ayant elle-même été Directrice des ressources humaines, les congés maternité lui apparaissent “comme une chose que l’on gère et que l’on peut anticiper sans problème.” Des murmures se font alors entendre dans la salle, laissant entendre que ce n’est pas toujours le cas. De son côté, Laure Emmanuelle confie avoir été souvent recrutée par des hommes. De plus, le secteur pharmaceutique dans lequel elle travaille emploie beaucoup de femmes, la question des congés maternité semble donc une chose assez banale.
Des spécificités liées aux femmes créatrices d’entreprise ?
Leur point de vue sur la création d’entreprise reste pratique et lié à leurs expériences personnelles. Nicole raconte y être arrivée par hasard, après avoir occupé plusieurs postes importants dans de grandes entreprises. Auparavant, elle n’avait pas spécialement eu envie de devenir chef d’entreprise mais s’est vue proposer la reprise d’une entreprise existante. Pour Laure Emmanuelle, cela correspond plus à une volonté personnelle, celle de créer son propre emploi pour faire face à une absence de postes lui convenant dans la région nantaise. Toutes deux créent ou reprennent une entreprise de petite taille, comme c’est assez souvent le cas chez les créateurs femmes.
Pour ce qui est des obstacles, elles évoquent dans un premier temps des problèmes auxquels se retrouve confronté tout créateur d’entreprise, qu’il soit homme ou femme. Nicole dit avoir été contactée par un groupe de femmes chef d’entreprise. Elle n’a pas donné suite, n’y voyant "pas d’intérêt particulier". Laure Emmanuelle, par contre, fait partie d’un groupe de femmes entrepreneurs. Il y aurait donc des spécificités féminines ? Selon elle, les femmes subiraient une pression importante, en partie autogénérée, par la volonté de “préserver un confort de vie aux enfants et au conjoint.”
Si la préoccupation des femmes des années 70, à la suite de Simone de Beauvoir et du Deuxième sexe, était pour une part de sortir du rôle de mère qui leur était principalement assigné et d’accéder à l’indépendance économique, celle des femmes d’aujourd’hui serait donc plutôt de parvenir à concilier vie de famille et carrière professionnelle de façon aussi harmonieuse que possible.
Le travail, une libération ?
D’une façon un peu provocatrice, un spectateur relance et élargit le débat : "Devenir chef d’entreprise, c’est ça la libération ?" Une façon de demander si les cadences infernales, la pression du résultat, le mépris ont pour autant disparu du monde du travail. "Non, ont répondu des personnes présentes dans la salle, il n’y a qu’à aller visiter certaines entreprises de la région qui emploient des opérateurs à la chaîne ou s’intéresser au secteur des call center, des téléopérateurs".
Pour les ouvrières du documentaire cantonnées à des postes d’opératrices, d’exécutrices, le travail n’était pas vraiment synonyme de libération. Selon leur niveau social, les femmes d’aujourd’hui ont pu accéder à des professions beaucoup plus qualifiées, voire à des postes de dirigeantes. Elles sont alors confrontées aux mêmes problématiques que les hommes. Des problématiques universelles liées au travail, source de liberté ou d’aliénation. C’est sans doute aussi ça, l’égalité homme- femme.
Emilie Le Moal
Programme de l’Eco du ciné
[1] Chiffres cités par le Rucher.com
Voir aussi ceux du Ministère de l’économie et des finances
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