La vie libre selon Sean Penn
"Into the wild" : la route vers l’Idéal
Pour son quatrième film, Sean Penn se surpasse, en adaptant l’histoire authentique d’un jeune homme idéaliste prêt à tout pour trouver le "cœur sauvage de la vie". Une lecture aussi symbolique que psychologique, qui embrasse les étendues de l’Amérique du Nord, et tente de saisir l’idéal.
Réalisateur, scénariste, acteur, l’américain Sean Penn est célèbre pour sa personnalité marquée et ses positions politiques. Son autre talent est de choisir, et parfois d’écrire lui-même ses scénarios. C’est le cas pour Into the wild. Après The Indian Runner (1991), Crossing Guard (1995) et The Pledge (2001), il se lance dans l’adaptation du roman de John Krakauer qui retrace la vie authentique de Christopher McCandless, clochard céleste et vagabond arctique [1].
L’idéal à l’horizon
Etats-Unis. Christopher McCandless a 22 ans. En apparence, c’est l’archétype du college boy : doué, dynamique, sportif. Il vient tout juste de finir ses études ; comme tout jeune diplômé qui se respecte, il doit se lancer dans la vie active.
Mais Christopher est un jeune homme idéaliste, une forte personnalité animée par une soif de liberté. Il ne peut plus supporter la réalité quotidienne, la société de consommation, l’hypocrisie…Il veut savoir ce qu’est le bonheur quand on ne se crée pas de besoins matériels. Vivre sans attache, sans superflu, et ne devoir rien à personne, retrouver la pureté et la vérité de l’Homme. Alors Christopher décide de tout plaquer et de tourner le dos à une vie confortable et sans surprise. Il prend la route, seul. Son but : atteindre les étendues sauvages de l’Alaska pour vivre en communion avec la nature. Plus qu’une quête de liberté, une quête de soi-même. Now, I’m walking into the wild.
Christopher veut savoir ce qu’est le bonheur quand on ne se crée pas de besoins matériels. Vivre sans attache, sans superflu, et ne devoir rien à personne. Alors il décide de tout plaquer.
Du Colorado, au Dakota, du Dakota au Mexique, en passant par une communauté hippie de Californie, Christopher va rencontrer une galerie personnages. La musique tristement country de Mickaël Brook accompagne lancinement cette longue marche. Une bande-son aux accents de Will Oldham, Dylan, Calexico…Quand la voix de Christopher se tait, Eddie Vedder [2] lui prête la sienne.
Le personnage principal : la nature
Pour Christopher, le but est de se rapprocher cette nature sauvage, qui n’a pas encore été soumise par l’homme. Entre l’utopie et la réalité, la nature sauvage est tout à la fois. Douce et protectrice. Féroce et injuste. Qu’importe, pour celui qui se surnomme ‘Alex le vagabond’ : la vie doit être à l’image de cette nature. Sauvage et libre.
La nature, McCandless s’y plongera de plus en plus au long des deux ans de son voyage. Deux années embrassés en deux heures trente -qui passent en un instant- et que nous vivrons comme si nous les avions vécues. Le mérite en revient largement au jeu naturel de Emile Hirsch, qui interprète le rôle sans artifice, presque avec pudeur.
Dans la réalité comme dans la fiction, le voyage du traveller spirituel se finira dans la carcasse d’un bus abandonné, quelque part dans le Grand Nord, par 63°51’ de latitude nord et 149°24’ de longitude ouest. Après quatre mois à vivre d’une maigre chasse et de cueillette, malade et squelettique, il ne sera pas parvenu à reprendre une dernière fois la route. Son corps congelé sera découvert par des chasseurs de daims.
Sans aucune prétention, ce jeune homme nous livre un vrai message sur la vie. Christopher McCandless a fait ce dont beaucoup rêveraient : rejeter la société actuelle créatrice de besoin, tout abandonner pour vivre librement..
Le film est ponctué d’images stupéfiantes de paysages sauvages. L’esprit des montagnes enneigées de l'Alaska s'insuffle dans la salle.
Dans l’espace et hors du temps
Avec une telle histoire, la mise en scène aura pu tomber dans la mièvrerie ou le sordide. Il n’en n’est rien. Patiemment, scénario et réalisation mettent en avant la pensée du personnage. Ils révèlent sa pensée, sa vision, mais aussi, insidieusement, construisent la nôtre.
Beauté, émotion et réflexion s’associent, car Sean Penn a choisi de faire de la nature le protagoniste du film. C’est elle dont on parle, c’est elle que le personnage aime et nous fait aimer, et c’est elle qui décide de son destin. Tout le film est ponctué d’images stupéfiantes de paysages sauvages. L’esprit des montagnes enneigées de l’Alaska projetées sur grand écran, s’insuffle dans la salle.
Le choix d’une construction en alternance entre moments forts du voyage, moments intenses en Alaska, et instants passés dans la société, efface la chronologie. Cette construction permet de comprendre le choix du personnage et nous rend aussi complices de son destin. Plus le film défile, plus on comprend son envie jusqu’à en être nous-même saisis.
Hazy rider
Par ce film qui marquera sa carrière de réalisateur, Penn parvient à transformer une histoire proche du fait divers en un road movie mystique, et emprunte la route sans fin des Easy Riders. En adaptant la vie de McCandless, il a voulu nous le faire saisir la révolution spirituelle qui l’entraîne. Et y parvient.
Céline Anton
Renaud Certin
[1] Into the Wild / Voyage au bout de la solitude, retrace en le romançant le périple authentique de Christopher McCandless (1968-1992)
[2] Eddie Vedder est le chanteur de Pearl Jam -un autre Kerouac, mais toujours vivant
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