Redacted, de Brian de Palma
Facts and fictions
La première victime d’une guerre, c’est la vérité
Après "Outrage" sorti en 1989 qui traitait du conflit vietnamien, Brian de Palma rentre de nouveau en guerre, mais cette fois avec l’Irak. Il reprend quasiment le même thème initial : le viol d’une jeune fille par des soldats américains, mais décide de traiter le sujet de manière très différente. Ici il ne veut pas seulement montrer les ravages de la guerre ; il veut surtout dénoncer les dégâts causés par la manipulation des images, traitées par les médias. Il va alors opter pour une illusion documentaire.
Redacted, nous plonge dans la vie d’un petit groupe de soldats américains perdus en garnison dans un poste de contrôle, en Irak, jusqu’à une tragédie : le viol d’une adolescente de 15 ans et l’assassinat de sa famille. La succession de points de vue permet de confronter l’expérience de ces soldats, à celle du peuple irakien et donc de montrer les conséquences désastreuses que le conflit a eu sur chacun d’eux.
Brian de Palma cherche en filmant le conflit irakien à montrer comment l’information est diffusée. Il veut montrer que l’information officielle montre ce qui l’arrange et nous trompe sur ce qui se passe réellement lors de ces conflits mondiaux. Pour ce faire, il décide d’utiliser plusieurs manières de filmer qui correspondent à plusieurs points de vue différents sur cette guerre.
Un montage de faux documents bruts
Le point de vue américain est retranscrit grâce aux images, filmées par la caméra d’un soldat. Caméra à l’épaule, ce dernier filme tous les moments qu’il vit en Irak. Son but : faire son premier film qui l’aidera à rentrer dans une école de cinéma. Grâce à lui, on rentre dans l’intimité de ces hommes. Sans pudeur, chacun se confie et dit ce qu’il pense sur le conflit et leur place dans ce pays. Avec cette manière de filmer, nous ne sommes pas dans l’information officielle : les hommes sont libres de dire ce qu’ils veulent sans pression médiatique et censure.
A côté de ces images personnelles, le point de vue des journalistes et l’information que tout le monde doit voir. La caméra est alors stable, tout semble avoir été calculé et préparé à l’avance. Les soldats sont montrés en plein travail, sur leur char, arme à l’épaule…garantissant la sécurité des habitants. Dans ce pseudo-documentaire français, les soldats semblent forts et puissants. La musique qui accompagne ses images et la voix off accentue cette impression de puissance, élèvent les hommes au rang de héros tant en qualifiant leur mission de stupide.
Plus qu’une simple dénonciation de la guerre, "Redacted" est une dénonciation du pouvoir et de l’utilisation des images.
Enfin, Brian de Palma, nous montre le point de vue de la communauté irakienne. Ici, il utilise le nouveau médium : internet. En effet, il filme des blogs où l’on voit les conséquences de la présence de l’armée américaine. On assiste en direct à l’offensive irakienne : assassinat de soldats, pièges destinées à l’armée…
Tous ces points de vue vont se superposer. On va passer tour à tour par des images de reportages, de journaux intimes en vidéo, des blogs, des vidéos de surveillance et de documentaire qui vont alors déconstruire le discours officiel et permettre de dénoncer l’information officielle.
Une information officielle coupable de silences et de mensonges
Plus qu’une simple dénonciation de la guerre, Redacted est une dénonciation du pouvoir et de l’utilisation des images déformant la réalité.
En proposant plusieurs supports d’information : vidéo amateur, blogs, documentaire…Brian de Palma casse le discours officiel. Cette manière de filmer permet une véritable réflexion sur les filtres médiatiques à travers lesquels nous voyons et acceptons les conflits mondiaux. Cette mise en scène permet de réfléchir sur le pouvoir de l’image médiatique et sur l’influence de ces images réinterprétées par les médias sur ce que nous pensons et croyons. En passant du documentaire officiel sur les soldats à la vidéo amateur d’un de ces hommes, nous comprenons la grande différence entre l’officiel et le non officiel. On comprend que la vérité n’est pas bonne à dire pour le pouvoir qui a décidé cette guerre, c’est pourquoi tout est manipulé et principalement l’information.
To redact : rendre propre à la publication
Redacted, tout est dit dans le titre. To redact signifie éditer ou rendre propre à la publication. Brian de Palma veut alors nous montrer que la guerre en Irak, telle qu’on la connaît a été éditée par des organes médiatiques. A cet égard, le slogan du film est éloquent : "La première victime d’une guerre, c’est la vérité". En effet, toutes images contenant des informations trop personnelles, trop sensibles souvent pour le pouvoir ont été supprimées. Nous ne savons rien de la réalité de la guerre en Irak en écoutant l’information officielle.
Ce film sur la guerre n’est pas comme les autres : il marque les esprits par la force des images, par l’injustice mise en scène et la violence des propos. Touché, choqué, chacun rentre chez soi la boule au ventre et le souffle coupé, forcé de se faire sa propre opinion.
Céline Anton
Le Katorza, cinéma d’art et d’essai de Nantes
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