CINEMA ESPAGNOL
El Zulo : au fond du gouffre
Pour son premier long métrage, Carlos Martin Ferrera nous plonge dans un univers angoissant. "El Zulo" ou "La Cache" est l’histoire d’un homme qui se fait enlever par un groupe terroriste et séquestrer dans un puits durant des mois. Pendant une heure et demie, on assiste à la dégradation morale et physique de cet homme, qui tente de se battre contre la faim et la folie. Rencontre avec leréalisateur.
Fragil : Comment êtes-vous venu au cinéma ?
Carlos Martin Ferrera : Depuis tout petit, j’ai cette envie de faire du cinéma. Dans mon village, mon grand-père était celui qui gérait le cinéma en plein air. Dès l’âge de 6 ans je le suivais partout et observais tous ses faits et gestes. Vers l’âge de 14, 15 ans, j’ai eu l’envie de tourner des petits films avec mes amis. Et l’été, j’avais un petit boulot de placeur : c’est celui qui accompagne, au cinéma les gens pour les placer. C’est là que j’en profitais pour regarder les films. A cette époque, il n’y avait pas d’écoles de cinéma, donc pour moi, il était difficile de savoir comment y arriver. J’ai alors fait des études d’architecture. Puis, j’ai appris qu’une grande école de cinéma venait d’ouvrir mais elle était beaucoup trop chère. J’ai alors travaillé dans un cabinet d’architecture et aussi dans un bar, afin de pouvoir payer cette école.
F : Comment vous est venue l’idée du film El Zulo ?
CM F : Tout simplement l’envie de faire mon premier film. Mais le problème, c’est qu’il est difficile de faire son premier film en Espagne. J’ai alors créé ma propre maison de production. J’ai choisi de traiter d’une petite histoire car j’avais un petit budget. Le sujet de ce film m’a été inspiré par ma famille, notamment mes parents qui sont tombés dans la dépression. El Zulo est donc une métaphore de la dépression. Le terrorisme n’est pas le sujet principal dans ce film, il sert juste de prétexte pour montrer cette séquestration, qui est plus mentale que politique.
F : Vous avez affirmé avant la projection qu’il n’y avait aucun engagement politique dans ce film, mais n’y a-t-il pas tout de même en engagement moral ?
CM F : Oui, en quelque sorte. Je voulais montrer qu’il faut toucher le fond pour mieux remonter après. Et même si on parvient à sortir de la cage que l’on se crée soi-même, on la porte quand même sur soi, une fois sorti. Ce puits dans lequel évolue Miguel, le personnage principal, illustre bien l’état dans lequel se trouvent les personnes en dépression.
C’est aussi une métaphore de la société actuelle qui tend à nous enfermer dans une cage pour ne plus avoir de conscience et d’esprit critique.
Pour la fin du film, je voulais que le spectateur soit actif et interprète à sa façon. Certains y verront une fin optimiste et d’autres préféreront une fin plus pessimiste où le personnage ne s’en sort pas vraiment et continue à porter cette cage sur lui.
F : Pourquoi avoir choisi une telle mise en scène : filmer dans un puits, en huis clos, centré sur un seul personnage, quasiment anonyme… ?
CM F : Tout d’abord, il faut savoir que cette cache (le puits) est un espace réel, je ne l’ai pas créé. Ceci est fait exprès, je ne recherche pas la vérité mais juste à transmettre des émotions aux spectateurs. Tout intervient dans ce film pour représenter la dépression : chaque mouvement de caméra fait passer des sensations, ainsi que la musique et le montage. Je voulais montrer que la dépression nous faisait toujours faire refaire le même chemin. C’est aussi une métaphore de la société actuelle qui tend à nous enfermer dans une cage pour ne plus avoir de conscience et d’esprit critique.
F : Tourner dans un puits de 6 mètres de hauteur sur 5 mètres de large n’a pas dû être facile, comment s’est passé le tournage ?
CM F : C’est vrai que ça a été difficile pour toute l’équipe. C’était étouffant et oppressant pour l’acteur, qui devait parvenir à interpréter tout en étant serré. J’ai eu la chance de pouvoir répéter avec lui un mois avant le tournage. Il fallait tout donner car je n’avais pas le droit à l’erreur à cause du petit budget. Avant de tourner El Zulo, je me suis beaucoup renseigné sur les états psychologiques de la séquestration afin que l’acteur puisse bien interpréter un personnage qui traverse tous les états psychologiques et physiques de la dépression.
F : Comment El Zulo a-t-il été reçu par le public espagnol ?
CM F : Ce n’est pas un film grand public mais il a reçu de très bonnes critiques. Au départ, il n’y a pas eu beaucoup de projections, mais par la suite, j’ai reçu beaucoup de demandes et le DVD marche très bien ! El Zulo est même devenu un film culte en Espagne et même à l’étranger.
F : Avez-vous d’autres projets de films ?
CM F : Oui, je prépare un film, dont le tournage débutera en octobre. C’est aussi un film psychologique mais plus commercial. Il y a aussi une double lecture mais il sera plus facile pour le spectateur d’interpréter la fin.
Propos recueillis par Céline Anton et Marie Delhaye
Le site du Festival du Cinéma Espagnol 2008
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