
Rencontre avec Seun Kuti
Afro-beat’s not dead !
Egypt 80 en concert à l’Olympic
Seun Anikulapo Kuti vit pour ses convictions, et pour donner le meilleur de lui-même. Fils de Fela Anikulapo Kuti, héritier de l’afro-beat et chanteur-leader du groupe Egypt 80, Seun Kuti modernise le genre et le fait sien. Que cela plaise ou non, pour Seun Kuti, toute vérité est toujours bonne à dire.
Seun Kuti joue de l’afro-beat : issu de rythmes Yoruba traditionnels, l’afro-beat est un mélange de funk, soul et de jazz. Son père, Fela Anikulapo Kuti l’a créé et imprimé dans l’âme du Nigéria par la République de Kalakuta [1], dans les années 70. C’est en faisant les chœurs dans l’orchestre de son père, Egypt 80, que Seun a débuté. Puis, Fela décède et c’est lui, alors âgé de quatorze ans, le plus jeune de sa famille, qui s’impose en leader : “Je n’était pas un leader à proprement parler, on ne peut pas être leader à 14 ans. J’étais plutôt le chanteur principal. Egypt 80 est plus qu’un simple groupe de musique, c’est une unité, ils sont pour moi comme une famille.”
L'art ce n'est pas la vie, l'art imite la vie.
Seun Kuti suit les traces de son père en reprenant ses chansons avec les membres d’Egypt 80. Dix-sept ans de scène, suite auxquelles il sort son premier album, Many Things, en avril dernier. Grâce à ces années passées en tournée, Seun a su apprivoiser la scène et la faire sienne. “J’ai toujours voulu chanter, jouer du saxo, être sur scène comme le faisaient mon père et son groupe… J’avais huit ans, je les voyais sur scène et je me suis dit : allez, je vais jouer mes propres chansons, danser, je veux faire ça ! Puis je l’ai fait, il ne me reste plus qu’à gagner des millions de dollars maintenant”, rit-il. Flamboyant, il met son public en transe, tout en offrant son âme aux chansons. “L’afro-beat est quelque chose en lequel tu dois croire, c’est un moyen d’expression inouï. Pour moi c’est la meilleure musique qui ait été créée.” Les mots, les chansons sont les armes des Kuti. “Je parle juste de ce que je connais. Ce que je recherche ? C’est influencer le plus de gens possible et c’est d’ailleurs ce que l’afro-beat fait depuis toujours. Ses chansons traitent ainsi des différents maux de l’Afrique : la maladie, la misère, la soif du pétrole…
“Levons nous et pensons”
Ainsi, si Seun Kuti réalise pleinement ses rêves d’enfant, il lui faut aussi faire attention à ce qu’il écrit, et parfois s’auto-censurer. “Oui, bien sûr il faut faire attention à ce qu’on met dans l’album. Ce qui est contradictoire c’est que l’on passe des artistes comme Eminem ou Tupac toute la journée à la radio…” Peut-être la violence verbale avec laquelle Seun décrit la situation de l’Afrique dérange-t-elle. Pourtant, aucune incitation au crime ni à la haine dans ses chansons, juste une mise en couleurs des problèmes du Nigeria par un nigérian. Ou peut-être est-ce l’idéologie des Kuti qui fait frémir. “À la sortie de son premier album, mon frère Femi avait ce single appelé Beng, beng, beng, qui fut un boum au Nigeria à cause de ce ‘beng’.”
Certains diront que Seun est plus raisonnable que son père, qu’il donne le bon exemple. “Mon père est l’homme le plus intelligent que je connaisse, il a vécu tant d’oppression, subit des emprisonnements forcés… Il a été physiquement cassé par le gouvernement. Moi j’ai seulement été arrêté une fois, pendant sept heures. C’est tout, alors bien sûr, je suis plus raisonnable, mais le fait est que le contexte politique est autre.” En effet, les choses bougent en Afrique, au Nigéria, mais rien ne change fondamentalement. “Le problème est que nous changeons tout en restant ce que nous sommes. La situation en Afrique est telle que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Il n’y a aucun progrès, c’est juste le nouveau système d’esclavage. Au Nigéria, tout est génial, la vie est belle il y a des beaux paysages, de la bonne nourriture, des fêtes tout le temps et de belles femmes… Mais on ne peut pas vivre sans porter aucune attention à ce qui se passe autour et seulement profiter des bonnes choses. Bien sûr je profite de toutes ces choses, mais je n’ai pas envie de rester les bras croisés alors que mes frères et sœurs d’Afrique sont en train de souffrir. La vie est faite pour être humain et savoir partager. Les gens oublient cela autant que le gouvernement.”
Anne-Line Crochet
Photos : Adeline Moreau
Liens :
Page officielle de Seun Kuti
Page Myspace
[1] Fela érige, en 1974, une barricade autour de sa maison et fonde un État indépendant. Un espace sociopolitique où il entend vivre et faire vivre selon des règles nouvelles, différentes de celles du gouvernement.
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