
Festival Soy 2008
Why ? Because ! : SOY Ã la Barakason
La Barakason, Rezé, jeudi 30 octobre 2008
Jeudi 30 octobre 2008, 20h. Coup d’envoi de la sixième édition du Festival SOY. Devant la Barakason, l’impatience des bénévoles de Yamoy et celle des habitués de leur festival annuel est à son comble. Cette année, Yamoy a fait fort : plus d’artistes que lors des éditions précédentes –une vingtaine au total–, plus de lieux –une dizaine, disséminés dans Nantes et ses environs–, et des têtes d’affiche dignes de celle des plus grands festivals européens de rock indépendant –les Japonais d’Acid Mothers Temple et les Américains de Why ? en particulier. Au programme de cette soirée inaugurale, Son Lux, Volcano ! et lesdits Why ?, trois groupes qui ont en commun une certaine idée de la mode capillo-faciale, et une conception ambitieuse de la musique pop.
Ryan Lott, aka Son Lux, est l’un des derniers poulains de l’écurie Anticon, collectif et label californien autrefois cantonné au hip-hop, aujourd’hui découvreur de talents pop. Avec Son Lux, Anticon a misé sur un jeune homme pâle au sourire hésitant. Un Mac gavé de samples, un clavier MIDI, un jeu parcimonieux ; Ryan Lott ne semble pas très à son affaire sur scène. C’est pourtant d’une voix non sans charme, une voix folk légèrement écorchée, qu’il fait d’un “don’t be afraid” inlassablement répété le leitmotiv de la première chanson de son set, tout en douceur et en mélancolie. À qui s’adresse le conseil ? On ne le sait pas très bien, mais on se prend à espérer qu’il nous est adressé, à nous qui commençons à sentir poindre une légère angoisse à l’idée que le set entier se déroule sur ce registre. C’est sans compter Ryan Fitch, batteur de son état et complice de Ryan Lott sur sa tournée européenne, qui le rejoint rapidement ; emportée par son jeu, la musique de Son Lux peut désormais se déployer dans toute sa richesse.
Un Mac gavé de samples, un clavier MIDI, un jeu parcimonieux ; Ryan Lott ne semble pas très à son affaire sur scène.
Avec Son Lux, la pop baroque des années 60 entre dans l’ère électronique ; cordes synthétiques rétro, basses techno et beats hip-hop dialoguent en un contrepoint virtuose, soutenus par la batterie expressive de Ryan Fitch. Bien que le contraste soit l’élément central de la musique de Ryan Lott –contraste entre majesté des graves et volubilité des aigus, entre nappes contemplatives et boucles hypnotiques, entre moments calmes et tempétueux–, il résulte de l’ensemble du set une étrange impression de monotonie –Ryan Fitch semble toujours tirer les mêmes ficelles, faire contraster les mêmes éléments et instaurer les mêmes dynamiques. On se laisse volontiers séduire la durée de quelques chansons, mais on finit, lassés, par se focaliser sur les aspects formels les moins convaincants de la musique de Son Lux plutôt que sur son cœur, somme toute réussi : les sonorités cheap du synthétiseur, en particulier dans les aigus, finissent par agacer, et l’on ne peut alors s’empêcher de se dire que la voix de Ryan Lott, systématiquement couverte par les instruments, est plus hésitante qu’écorchée. Un rendez-vous manqué.
Volcaniques Volcano !
Volcano !, ce sont trois nerds qui, comme tous les musiciens ayant traîné leurs basques, leurs guitares et et leurs amplis dans les rues des grandes métropoles américaines –le groupe est établi à Chicago–, cultivent avec soin un ornement capillo-facial plus ou moins développé. Le chanteur et guitariste soliste Aaron With en particulier, arbore une moustache à faire pâlir d’envie Don Diego de la Vega. La moustache n’est pas le seul attribut qui marque son appartenance à la nouvelle génération de musiciens américains ; côté musique également, Volcano ! suit la route balisée par ses illustres aînés –Deerhoof, Animal Collective entre autres–, louvoyant tout comme eux entre ingéniosité pop –la dynamique des chansons évoque celle des chansons de Clap Your Hands Say Yeah– et bordel noise –les envolées de guitare d’Aaron With ne sont pas sans rappeler celles de Parts & Labor.
Volcano! suit la route balisée par ses illustres aînés.
Les Volcano ! tricotent ainsi un set plaisant, à défaut d’être original. L’assise de leurs chansons est définitivement rock –les nappes de guitare claires d’Aaron With sont soutenues par une basse solide, souvent minimale et répétitive, et une batterie énergique, qui sait à l’occasion faire danser les filles en lançant l’un des beats disco chers à la raw pop–, assez rock, en tout cas, pour flatter les instincts festifs du public ; elle offre cependant une liberté certaine à l’expérimentation. Volcano ! cultive certes son côté pop, en soignant ses mélodies et ses riffs, souvent accrocheurs, mais louche sans cesse vers la déconstruction, en élaborant des chansons dont les structures, lâches, refusent la systématisation du schéma couplet/refrain, et se dissolvent parfois dans des jeux de polyrythmies déroutants. Baladant son public entre ravissement pop et inconfort expérimental, Volcano ! compose de la musique pour les pieds… et pour la tête. On aurait tort de bouder son plaisir.
Pourquoi ? Parce que c’était eux…
Avec trois albums et une poignée d’EPs, ce qui était d’abord le projet solo de Jonathan “Yoni” Wolf, génial fils de rabbin né à Cincinnati, dans l’Ohio, est devenu l’un des groupes les plus en vue du collectif Anticon. Des samples fracturés et du flow sans concession de Oaklandazulasylum, opus inaugural de 2003, Why ? est passé sans complexe à une écriture plus légère, offrant avec Alopecia, sorti cette année, un grand album de pop arty, où le flow ravageur fait place à des chœurs argentins, et les guitares lo-fi à des arrangements ciselés. Compromission ? Maturité, plutôt. Le chemin parcouru depuis Oaklandazulasylum marque un apaisement, mais les membres du groupe ne sont pas moins inventifs qu’à leurs débuts.
Les Why? maîtrisent, mais s’effacent derrière leurs chansons.
Sur scène, les Why ? sont tout de modestie, de rigueur et de chaleur. Josiah Wolf, à la batterie, maintient une pulsation vibratoire de la main gauche tout en brodant un contrepoint mélodique de la main droite ; surmontant la grosse caisse, point de toms, mais un vibraphone dont il use avec une virtuosité désarmante –on le soupçonne parfois d’être affublé d’un troisième bras. Plus effacés, mais non moins efficaces, Austin Brown à la basse et Doug McDiarmid aux claviers jouent les sidemen d’un Yoni Wolf surexcité qui, de sa voix nasillarde si caractéristique, épingle nos travers quotidiens avec tendresse et ironie. Voilà quatre artistes véritables, tout dévoués à leur cause : la musique. Sur scène, point d’ego déplacé ni de caprices de virtuoses ; les Why ? maîtrisent, mais s’effacent derrière leurs chansons, échangeant leurs instruments au gré des morceaux pour offrir à leurs textes l’écrin le plus approprié –la guitare notamment, instrument de “rock star” par excellence, ne reste jamais longtemps dans les mêmes mains. Des châteaux de cartes à l’architecture précise et délicate, voilà ce qu’évoquent les chansons qu’élaborent Yoni Wolf et ses amis sur la scène de la Barakason. Des fondations stables, mais oscillantes, une architecture ingénieuse, mais inattendue, une grâce effrontée et éphémère. Pour un moment de ravissement total.
On sort de là le sourire au lèvres et des fourmis dans les pieds. Vivement la suite du festival.
Sophie Pécaud
Photos : Rémi Goulet
À écouter :
Son Lux, At War With Walls And Mazes, Anticon, 2008.
Volcano !, Paperwork, Leaf Label, 2008.
Why ?, Alopecia, Anticon, 2008.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses