
Festival Soy 2008
Six Organs of Admittance, l’impossible quête d’un passé mythique
Entretien avec Ben Chasny, octobre 2008
Avec Six Organs of Admittance, Ben Chasny arpente depuis dix ans les contrées méditatives du folk psychédélique et celles, abruptes, du noise. Quête inlassable de la sonorité parfaite, son travail est a la fois réminiscence et re-création du “disque mystérieux venu du Nord de la Californie” qu’il a passé son adolescence à chercher sans jamais le trouver. Aussi énigmatique que sa musique, Ben Chasny a joué le jeu de l’interview sans jamais vraiment apporter de réponses à nos questions. Il faudra se rendre au Muséum d’Histoire Naturelle, le 2 novembre prochain, pour espérer lever une partie du voile.
Fragil : Six organs of Admittance a récemment fêté ses 10 ans. Quel bilan fais-tu de ces années de travail ? Le projet a-t-il évolué ? Comment a-t-il commencé, et qu’est-il devenu aujourd’hui ?
Au début, je voulais seulement enregistrer une sorte de disque mystérieux venu du Nord de la Californie.
Ma musique a peut-être un peu changé sous certains aspects, mais sous d’autres elle est restée la même. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus à l’aise avec les studios d’enregistrement, alors qu’auparavant, je n’enregistrais qu’à la maison, sur un quatre pistes. J’ai aussi voyagé un peu plus, rencontré plus de gens. Au début, je voulais seulement enregistrer une sorte de disque mystérieux venu du Nord de la Californie. Au fil des années, le mystère s’est estompé, mais j’ai commencé à prendre conscience de la profondeur réelle de la musique. J’imagine que c’est aussi bien comme ça.
Fragil : Comment catégoriserais-tu ta musique en termes de genres, et pourquoi ?
Difficile à dire. Six Organs of Admittance, ce sera parfois une guitare acoustique solo, parfois un assaut noisy, parfois quelque chose entre les deux. Le problème, avec les gens qui essaient de catégoriser la musique, c’est qu’ils induisent des attentes forcément déçues. Parfois, ceux qui viennent à un concert de Six Organs of Admittance s’attendent à un truc de hippie mielleux, parce que c’est ce que leur a asséné une source désinformée, et ils sont découragés par tant de feedback. Ou bien, ils s’attendent à du noise et s’endorment parce que c’est un concert très calme. Alors je ne sais pas.
Fragil : Tu as joué avec des musiciens d’horizons très différents, et l’on parle souvent de ta musique comme faisant fusionner noise et folk. Te considères-tu comme venant du noise, ou bien du folk ? Comment décrirais-tu la parenté de ces deux traditions ?
Je ne vois pas de distinction entre les deux. Qu’est-ce que le noise, le “bruit”, de toute façon ? Est-ce que Cage n’a pas redéfini ce paradigme ? Il y a un tas de solos de guitare acoustique que je considérerais comme du “bruit”, tout simplement parce que je n’ai pas envie de les entendre ! Je ne crois pas que l’on devrait considérer tout cela en terme de “bruit”. J’utiliserais plutôt le mot “intensité”. Ou “texture”.
Fragil : Quelles sont tes influences présentes ? Ont-elles changé au cours des années ?
Tout le monde parle de Fahey. Faux. Dites plutôt Organum, Nurse With Wound, Talking Heads, This Heat et Sun City Girls.
Mes influences présentes sont les mêmes que celles de mes tout débuts. Bien que je les aie mentionnées par le passé, personne ne s’en souvient, soit parce qu’on ne me croit pas, soit parce qu’on est trop occupé à écouter ce que les autres disent à propos de mon projet plutôt que ce que moi, j’en dis ! Tout le monde parle de Fahey. Faux. Dites plutôt Organum, Nurse With Wound, Talking Heads, This Heat et Sun City Girls. Si je devais mentionner une influence nouvelle, ce serait sans doute David Allan Coe.
Fragil : On te considère souvent comme l’un des pionniers du revival psychédélique actuel, qui coïncide également avec un regain d’intérêt pour les traditions musicales orientales. Comment expliquerais-tu ton attirance pour ces traditions musicales ? De manière plus large, comment expliquerais-tu l’attirance d’une grande partie de notre génération pour ces musiques ?
Je n’ai pas la moindre idée de pourquoi quelqu’un voudrait former un groupe psyché aujourd’hui. Ça me semble plutôt rétrograde.
Je ne sais pas pourquoi les gens sont attirés par cela. Sans doute parce qu’un faiseur de modes quelconque a décidé que c’était cool. Demain, ce même faiseur de modes entraînera l’opinion dans une autre direction, personne ne s’en souciera, et rien ne changera. Je me fiche bien de tout cela. En ce qui concerne la musique psychédélique, je crois que cela vient plutôt du fait de collectionner les vinyles. Les meilleurs vinyles, les plus sacrés et les plus chers sont généralement ceux de musique psychédélique, et en particulier ceux à faible pressage. Quand mes amis et moi étions plus jeunes, et écoutions quelque trésor que nous avions trouvé, c’était cool de se dire, “hé, formons un groupe comme celui-là !”. Aujourd’hui, n’importe quel disque peut se trouver sur Internet, presque sans chercher. L’idée du disque “trésor” n’a plus lieu d’être. Je n’ai donc pas la moindre idée de pourquoi quelqu’un voudrait former un groupe psyché aujourd’hui. Ça me semble plutôt rétrograde.
Fragil : À quelle formation pouvons-nous nous attendre pour ton prochain concert à Nantes ?
Cette fois-ci, je serai avec Elisa Ambrogio à la guitare lead, et Alex Neilson à la batterie. La dernière fois que j’ai joué à Nantes, c’était en solo. Je suis vraiment impatient de revenir avec cette nouvelle formation.
Propos recueillis par Sophie Pécaud et Emilie Friedlander
Photos : Delilah Winter
Six Organs of Admittance sera en concert à Nantes le dimanche 2 novembre, à 15h, au Muséum d’Histoire Naturelle, dans le cadre du Festival Soy. Infos pratiques sur le site de Yamoy.
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