
Hellfest les 19, 20 et 21 juin 2009
Clisson au cœur du brasier, les festivaliers sur des charbons ardents
Un festival de Metal exemplaire. La quatrième édition du Hellfest est une véritable réussite, tant du point de vue de la qualité des 108 groupes présents, que de la fréquentation – 60 000 personnes en trois soirs –, de l’ambiance et de l’organisation.
Aujourd’hui la France, grâce au Hellfest, à Clisson (44), peut se targuer d’avoir l’un des meilleurs festivals de Metal au monde. Les médias spécialisés s’accordent pour reconnaître qu’au vu de la qualité et de l’éclectisme de sa programmation, le Hellfest est devenu cette année le plus pertinent, concurrençant le Download en Angleterre, le Wacken Open en Allemagne, ou le Grasspop en Belgique.
Au vu de la qualité et de l’éclectisme de sa programmation, le Hellfest est devenu le plus pertinent des festivals de Metal.
A quoi tient ce succès ?
Cette réussite provient d’une organisation sans faille menée par l’équipe de Benjamin Barbaud, responsable et programmateur du Hellfest. Celle-ci a permis, durant trois jours, d’offrir de la musique de 11h jusqu’à plus de 2h du matin, sans aucun temps mort ni souci. Les groupes se sont enchaînés, avec seulement dix minutes de pause, sur les deux impressionnantes grandes scènes, tandis que sous les chapiteaux on assistait à des concerts intenses pour une programmation plus pointue. Sur le magnifique site du Val de Moine de Clisson, le festival a su s’implanter et créer divers espaces des plus conviviaux. Outre les quatre scènes, on pouvait trouver de multiples restaurants et bars, dont une mention spéciale pour les très beaux bars à vin et leurs architectures en métal rouillé ; un grand marché, l’Extreme Market, où l’on découvrait toute la panoplie du parfait fan de Metal, des t-shirts aux badges, en passant par le tatoueur et les disquaires ; et un chapiteau spécial où se succédaient chaque soir des spectacles de catch, de strip-tease, ou de bondage…
D’autre part, l’organisation du Hellfest a su s’intégrer sur la commune de Clisson, passée une première année empreinte d’inquiétudes et de préjugés, en permettant à toutes les bonnes volontés de venir participer à la préparation de la manifestation : les habitants, les commerçants, et les associations clissonnaises se sont, ainsi, prêtées au jeu.
Enfin, cette réussite émane de son succès public. De part sa spécificité et son intégrité, le festival charrie un public connaisseur et exigeant, d’une vingtaine de nationalités. Mais ce grand rassemblement se veut surtout un lieu de plaisir pour ses 60 000 spectateurs. Loin des préjugés et des a priori, ils peuvent laisser libre cours à leur plaisir aussi bien musical que vestimentaire et s’octroyer un espace de libération des tensions intérieures et extérieures. Hellfest s’apparente, dès lors, aux traditions carnavalesques des pêcheurs du Nord de la France. Les carnavals s’organisaient et servaient d’affranchissement, de véritable exutoire, de défoulement, avant ces pêches au long court, ces voyages pour de long mois, dont ils n’étaient pas sur de revenir. Ainsi, dans une ambiance absolument conviviale et fraternelle les festivaliers ont pu se laisser aller à leur passion commune, le Metal, et à ses us et coutumes : slams (body surfing), pogos, headbanging, air guitar…
Les festivaliers ont pu se laisser aller à leur passion commune, le Metal, et à ses us et coutumes : slams (body surfing), pogos, headbanging, air guitar…
Quid de la musique ?
108 groupes, venant du monde entier, du Brésil à la Norvège en passant par le Canada et l’Australie se sont produits pendant ces trois jours. On ne peut que saluer l’éclectisme et l’excellence de cette affiche où se succédait des groupes undergrounds comme God Seed, Pestilence, Vader, certains plus mainstream comme Manowar, Mötley Crüe, Marilyn Manson, et de vieilles gloires comme Heaven and Hell, Cro-Mags ou Misfits. Difficile en quelques lignes de faire un commentaire exhaustif de cette programmation… Voici donc, en quelques lignes, nos coups de cœur, déceptions et surprises de ce Hellfest.
Les coups de cœur de cette année iront pour les infatigables et impétueux Suicidal Tendencies, qui ont livré un spectacle d’une énergie folle dans un esprit punk - skate - metal. Le public investira la scène, sous l’injonction de leur leader Mike Muir, dans une joyeuse cacophonie. Les suisses de Samael ont renversé le chapiteau avec leur son mêlant le black metal et l’électronique. Les américains de Machine Head ont encore démontré qu’après eux rien ne repousse, et que leur power metal est d’une efficacité tellurique. Le Brésil avec Soulfly, conçu autour de Max Cavalera, co-fondateur avec son frère Igor de Sepultura, a impulsé des éléments tribaux à ce trash metal impeccable. Les anglais de Napalm Death qui amalgament le punk, le death metal et le grindcore, ont offert une prestation tendue, enragée et engagée politiquement. Et enfin, Heaven and Hell réunion de la formation initiale de Black Sabbath : Tony Iommi, Geezer Butler et Vinny Appice avec Ronnie James Dio au chant, en lieu et place d’Ozzy Osbourne, ont donné un show héroïque, puissant, sublime, qui laissera les jeunes générations pantoises.
Les déceptions se porteront vers des têtes d’affiche mythiques du festival, Mötley Crüe et Marilyn Manson, qui à une époque ont su déchaîner, conquérir, choquer les fans de hard rock mais qui, durant ce week-end, n’ont été que des caricatures d’eux-mêmes, ne donnant à voir qu’un spectacle déstructuré, plein de temps mort, et de poses pour Mötley Crüe, et une suite de caprices et de fausses notes vocales pour Marilyn "La Castafiore" Manson.
Une suite de caprices et de fausses notes vocales pour Marylin "La Castafiore" Manson.
Les surprises du Hellfest viendront d’un énergique groupe parisien de punk hardcore, Kickback, qui, avec une prestation sans concession et doté d’une bonne dose de provocation, a littéralement mis à sac un des chapiteaux. Le public en est sorti lessivé et poussiéreux. Le death metal des suédois d’Amon Amarth a soulevé et conquis un public d’aficionados de ce death mélodique alliant le chant guttural et les mélodies brutales et harmoniques. Les âmes vikings étaient nombreuses et enchantées. Enfin la plus belle surprise fut le coup de bluff du programmateur avec la programmation des survivants d’Europe. Mais si, souvenez-vous de ces suédois permanentés et bien à l’étroit dans leur pantalon qui chantaient, en 1986, sur The Final Countdown, 45 tours n°1 dans toute l’Europe, "We’re heading for Venus and still we stand tall" ! C’est avec une certaine nostalgie empreinte d’émotion que les festivaliers attendaient fébrilement leur prestation. Il était étonnant de constater que toutes les chapelles du Metal attendaient ce concert avec autant d’anxiété palpable. Et ils ne furent pas déçus. Europe n’a rien perdu de sa superbe, les synthés et les guitares jouent toujours à l’unisson ce Hard FM, comme on l’appelait à l’époque. Et le chanteur, Joey Tempest, virevolte toujours autant et joue encore du pied de micro avec beaucoup de dextérité. Une bien belle madeleine metallique.
Kickback a littéralement mis à sac un des chapiteaux.
La polémique !
Cette réussite est cependant entachée par une campagne de diffamation rondement menée, pour faire perdre ses subventions à ce festival “maléfique”. En effet, dès le 18 juin, une cabale à l’encontre du Hellfest a été lancée via le blog des jeunes du Centre National Indépendants), parti politique de droite classique, qui fut associé à l’UMP de 2002 à 2008. Les Jeunes du CNI demandent le retrait immédiat des subventions accordées au Hellfest, et une condamnation des incitations à la haine et au meurtre supposément véhiculées par le festival ("le Hellfest permet à des groupes satanistes de diffuser des messages d’une extrême violence à l’encontre des chrétiens", dixit le CNI). Notons que Christian Vanneste, le vice-président du CNI, connu pour ses prises de position conservatrices, avait été attaqué en justice par Act Up pour injures homophobes. Il avait déclaré que "l’homosexualité est inférieure à l’hétérosexualité" ou qu’"elle est dangereuse pour la survie de l’humanité". De plus, il est aussi l’auteur d’un sous-amendement à la loi du 23 février 2005, pour que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord". Malgré cette réputation sulfureuse, le lobbying du CNI est assez fort, puisque leur discours fut repris par beaucoup de médias dont les grands Europe 1 et Journal Du Dimanche. Le Hellfest a en conséquence déjà perdu l’un de ses partenaires, Monster, une marque de boisson énergétique distribuée par Coca Cola, et Ouest France a décidé de réduire sa couverture du festival. Une campagne de soutien s’organise via le blog du Hellfest Libre.
D’une manière plus anecdotique il faut noter que des groupes d’intégristes religieux, un peu moins dangereux ( ?), ont organisé des messes à l’Eglise de Clisson – sans pour autant avoir été cautionnées par le prêtre de la paroisse –, ainsi qu’à Saint Clément, à Nantes, dans l’objectif de protéger les âmes contre le malin – le préjugé sataniste lié au Metal est tenace.
La cinquième édition du Hellfest, en 2010, aura cependant bien lieu, et elle se tiendra encore une fois à Clisson. Les rumeurs allaient en effet bon train qui laissaient sous-entendre une envie de la municipalité de se débarrasser du festival. Sur le site du Val de Moine est prévue la construction d’un nouveau lycée pour 2012-2013, et Benjamin Barbaud s’inquiétait de la réelle volonté politique de la nouvelle Mairie et de la Communauté de commune de vouloir garder le festival. Les élus ont cependant rassuré l’organisation en maintenant la disponibilité du site pour 2010 (et peut-être 2011), et en assurant de leur soutien pour la recherche d’un nouvel espace pour les années suivantes, les besoins d’un nouveau lycée étant essentiels compte tenu de la fermeture prochaine de celui de Vallet.
Après cette quatrième édition magnifique du Hellfest, où la fraternité a côtoyé l’énergie, rendez-vous est pris pour la cinquième anniversaire du festival les 18, 19 et 20 juin 2010.
Le Portfolio Clisson au cœur du brasier, les festivaliers sur des charbons ardents est disponible ici.
Vincent Hallereau
Photos : Adeline Moreau et Vincent Hallereau
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