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Décroissance : la solution ?

Publié le 4 octobre 2004

Pascal Couffin


Face aux catastrophes écologiques de plus en plus régulières et vives, la nécessisté de repenser nos modes de vie s’impose aux occidentaux. C’est ce que pensent les économistes de la décroissance. Genèse d’une pensée en mouvement.

Vers les catastrophes

Les catastrophes écologiques surgissent de plus en plus régulièrement avec une intensité sans commune mesure. Bien que débattu avec constance, l’argument que le réchauffement climatique provienne du mode de vie dispendieux des occidentaux commence à gagner les consciences. Loin de nous apporter tout le confort souhaité, notre mode de développement basé sur le modèle économique de la croissance, génère des désagréments forts préjudiciables pour notre survie.

Force est de constater que notre mode de vie est dévoreur de ressources non renouvelables. Certes il faut avoir foi dans le progrès technique pour trouver des solutions mais il est sûr que le dérèglement climatique va engendrer de nombreuses crises : guerre de l’eau, pandémies, disparition d’espèces animales et végétales. Autant d’atteintes à la biosphère que de réelles menaces pour les populations les plus défavorisées car faiblement armées pour lutter contre de tels événements.

De plus le mode de vie des pays du Nord est en passe d’acquérir l’adhésion de pays en voie de développement très peuplés. Si en effet il est louable que ces populations aspirent au confort qu’elles méritent, la généralisation du confort à l’occidental parait inadaptée par rapport aux capacités de la planète. En parallèle à ces problèmes écologiques, le modèle de croissance économique a favorisé le développement des inégalités mondiales.

La décroissance soutenable

Des voix s’élèvent cependant pour dénoncer avec vigueur les gaspillages de nos sociétés. Ainsi les partisans de la décroissance pointent du doigt la mode des marques et les dérives publicitaires. Aussi récemment est apparue en kiosque la revue « La Décroissance » le journal des lyonnais Casseurs de pub qui sous un ton et une mise en forme proche de Charlie hebdo répand de manière populaire les idées des partisans de la décroissance.

La principale attaque formulée par les partisans de la Décroissance vise l’objectif primordial de la croissance fondé sur l’accumulation des richesses. Depuis quelques décennies, les tenantes d’une pensée unique s’accorderaient à rechercher la croissance pour la croissance. En réaction, l’objectif de la décroissance est de permettre l’avènement d’une société fondée sur la qualité plutôt que sur la quantité. « Est-ce que le bonheur doit impérativement passer par plus de consommation, plus de productivité, plus de pouvoir d’achat et donc plus de consommation ? »

Théoriquement, la décroissance c’est : créer d’autres rapports que ceux de l’exploitation, dénoncer la généralisation du bonheur pour tous, prendre conscience du lien entre questions écologiques et questions sociales, remettre en cause le progrès comme seule source de solutions inéluctables.

Concrètement des luttes sont apparues avec le combat consumériste des anti-pub, les politiques de réduction de l’utilisation de la voiture mais aussi les luttes anti-OGM. Depuis quelques années, les nombreuses actions dans l’économie sociale et solidaire, l’importance des SEL sont des exemples de ce que pourrait être l’application d’une politique de décroissance. Les partisans de la décroissance souhaitent aussi développer les logiques de gratuité (avec notamment les logiciels libres), privilégier les productions locales et relocaliser la production ou encore modifier les rapports sociaux de production avec de nouvelles formes d’organisations.

Un désaccord d’idées s’est engagé cependant entre partisans de la décroissance et tenants du développement durable. Alors que la décroissance promet le recul de l’économie monétaire, le développement durable essaie de concilier croissance et écologie. La principale critique formulée contre les militants de la décroissance, est qu’ils assimilent la croissance de l’économie au seul développement des relations marchandes. Selon les partisans du développement durable, la croissance dans les pays en voie de développement permet la mise en œuvre de mécanismes de solidarité non marchands mais également la mutualisation de nombreux services. La croissance sert donc le progrès social. Il faudrait selon eux repenser les services publics et les rendre plus performants pour servir l’intérêt général.

Une théorie décriée

Vaste chantier qu’est la décroissance car cette théorie de la décroissance animée par une poignée de professeurs souvent décriés dans leurs universités, n’a pas encore été validée de manière concrète. « Le projet politique reste à inventer », écrit Paul Ariès dans « la Décroissance ». Les citoyens des pays développés doivent auparavant apprendre à « déconsommer ». Facile à dire, les sirènes de la consommation sont bien séduisantes.

C’est pourquoi ce mouvement de décroissance vise à faire prendre conscience de la nécessité d’un changement. Certains, de manière radicale, comme Serge Latouche, auteur de nombreux articles sur ce sujet, en viennent à compter sur la pédagogie des catastrophes : « les catastrophes sont nos seuls sources d’espoir, car je suis absolument confiant dans la capacité de la société de croissance à créer des catastrophes » et à se féliciter que la canicule ait touché de si nombreuses consciences !

Si l’approche de la décroissance est salutaire en ce qu’elle permet une prise de conscience pour repenser nos modes de vie, il ne faudrait pas qu’elle devienne rigoriste et tente par les idées qu’elles véhiculent, d’imposer l’avènement d’un homme nouveau. Si un changement doit s’opérer, c’est bien dans un cadre démocratique. Aussi l’irrévérence du journal la décroissance et sa liberté de ton peuvent changer un peu nos mentalités et proclamer « la joie de vivre ! »


Interview de Jérôme Gleizes, économiste.

Le Forum Social du Pays Nantais accueillait récemment, Jérôme Gleizes, économiste et membre du comité de rédaction de la revue Eco’rev pour une conférence « Croissance, décroissance, quel mode de vie pour demain. » (La revue Eco’rev est une revue critique d’écologie politique).

Qu’est ce que la décroissance ?

J.G. : La notion de décroissance est assez récente. Elle s’est posée suite aux difficultés des modèles actuels de croissance qui existent sans croissance, ce qui pose énormément de problèmes sociaux. La question de la décroissance, c’est une réflexion pour savoir si le modèle actuel est soutenable, en particulier par rapport aux dégâts écologiques qui peuvent exister. Il y a toute une réflexion sur le fait qu’en occident il y ait une décroissance matérielle.

Quelles sont les modalités de réalisation de la décroissance ?

J.G. : L’intérêt de la décroissance est que cela permet de sortir d’une logique purement économiciste ou de relation d’exploitation mais cela permet de montrer que les dominations peuvent aussi est d’ordre culturel, religieux ou social et qu’elles influent énormément sur les conditions de développement de nos sociétés. La question de la décroissance est surtout qualitative : quel mode de développement veut-on aujourd’hui par rapport à ce que l’on a pu connaître ces trente dernières années ?

La décroissance ne pourrait-elle pas empêcher un progrès social qui aurait plutôt besoin de croissance pour ce réaliser notamment pour financer des services publics de qualité ?

J.G. : Tout le monde est pour le progrès social. Mais derrière le progrès social, on parle du progrès technique, on dit que les nouvelles technologies vont apporter plus de croissance et plus de richesses. Parmi ces produits techniques, on peut citer les OGM mais n’améliore en aucune manière la qualité de la nourriture tout au contraire puisque cela introduit la possibilité que des plantations peuvent s’adapter aux pesticides. La question est : quel progrès social, quelle politique de redistribution des richesses faut-il avoir de nos jours ?

Comment la décroissance peut-elle rencontrer un certain succès populaire sachant que la population se satisfait du système de consommation actuel ?

J.G. : Oui, c’est un problème idéologique au sens où la société capitaliste est une société de consommation et valorise la consommation pour la consommation. C’est sûr, la bataille contre cette logique de surconsommation est très importante ! Ce qui me permet d’être optimiste, c’est que l’on a quand même un mouvement anti-pub assez important qui est ouvertement contre les logiques consuméristes. On a de plus en plus de jeunes qui refusent de rentrer dans une logique de salariat et qui passe de boulot en boulot et de manière tout à fait non contrainte. Les mentalités évoluent, les gens voyagent et se rendent compte des conditions de vie dans le sud et se disent que peut-être il faut modifier notre mode de développement. C’est aussi une prise de conscience du nord, de l’occident par rapport au sud et même les dernières études montrent qu’il n’y a pas d’augmentation de la consommation malgré le fait que les gens puissent avoir des revenus importants.

La décroissance est si je comprends bien, de permettre une prise de conscience dans la population de changement qui pourraient avoir lieu d’ici une vingtaine d’année ?

J.G. : C’est une prise de conscience, un changement de mentalités sur les conditions de sa propre vie : est-ce que je suis heureux avec tout ce que je consomme ? ou est-ce que je pourrais vivre différemment avec moins de consommation et si j’ai moins de consommation, moins de besoins salariaux.

La décroissance est aussi un journal qui paraît maintenant en kiosque depuis quelques mois, de quoi s’agit-il exactement ?

J.G. : La revue Déroissance est très symptomatique de la situation actuelle, c’est le fait que cette notion est portée de plus en plus par un certain nombre de personnes et donc la revue Décroissance montre concrètement ce que peut être la décroissance et montre toutes les apories (paradoxes) du modèle de la croissance. Cela permet de voir que la croissance au lieu d’améliorer toutes les conditions de vie des individus ne fait que les détériorer.

La décroissance est l’enjeu de polémiques et l’on voit parmi les partisans de la décroissance un questionnement sur la notion de développement durable ?

J.G. : Je préfère parler de développement soutenable et pas durable car la question de « soutenabilité » fait référence à la capacité de charge de la planète c’est-à-dire est-ce que notre planète peut continuer à fonctionner avec le modèle de développement aujourd’hui ? Si l’on prend le cas des états unis, il faudrait 6 planètes pour satisfaire la demande américaine. C’est quelque chose qui est mécaniquement impossible ! La critique qui a pu être portée par les tenants de la décroissance, est que le développement durable devient un concept marketing où l’on voit des entreprises comme Total Elf Fina être les champions du développement durable mais en fait c’est une vaste fumisterie ! C’est du marketing qui permet de se construire une virginité sans rien changer dans ses modes de fonctionnement.

Vous n’avez pas peur que ce mouvement de décroissance puisse être récupérer un de ces jours ?

J.G. : Les publicitaires ont repris les thématiques anti-pub pour les renverser, c’est une lutte infinie, il y a toujours une récupération, une contre récupération. On est quand même dans la société du spectacle, tout est une question de mots et les mots peuvent être utilisés, réutilisés, digérés. Il est toujours important de donner la définition des concepts que l’on utilise parce qu’on peut parler de n’importe quoi. Le marketing est fait pour mentir aux gens.

Propos recueillis par Pascal Couffin.


Pistes de lecture :

Casseurs de pub

Le Journal de la joie de vivre : La décroissance

Pour une société de décroissance par Serge Latouche

La Décroissance : renaissance d’un concept

Le chômage et les jeunes

Publié le 4 octobre 2004

Pascal Couffin


Une génération de jeunes salariés précarisés, mal payés et avec des boulots qui n’ont rien àvoir avec leur qualification. Analyse avec Claire Villiers, figure de la gauche syndicale, co-fondatrice d’AC !, du paradoxal chômage des jeunes. Entre révolte et espoir

Depuis le mois de mars je suis élue au Conseil Régional d’Île de France avec la liste gauche populaire et citoyenne, une liste où on a voulu mélanger à la fois des militants politiques (principalement du PC) mais aussi des militants qui venaient du mouvement social (syndicalistes, militants d’associations de l’immigration, altermondialistes) un mélange pour essayer de traiter cette question de la crise de la politique, où on a l’impression que les partis se sont enfermés sur eux-mêmes, qu’ils sont vieux, institutionnalisés, bureaucratisés où on se rend compte qu’il y a plein de gens qui font de la politique partout et surtout dans le mouvement social et il faut que ces gens là arrivent dans les institutions avec la volonté d’y transposer des luttes et non pas de prendre des postes.

Vous avez osé franchir le pas de passer du militantisme à occuper des responsabilités au Conseil Régional d’Île de France ?

Je n’ai pas l’impression d’être passé quelque part. J’espère que les luttes que je mène, on va continuer à les mener. Alors bien sûr on les mène avec des moyens qui sont complémentaires. Par exemple au Conseil Régional d’Île de France, on s’est engagé pendant la campagne électorale à voter les transports gratuits pour les chômeurs. Une fois qu’on est élu, on se rend compte que cela va coûter de l’argent donc le problème, c’est comment va-t-on le trouver ? Evidemment il y en a, notamment au PS, qui disent finalement on va peut-être faire la gratuité mais pas pour tous les chômeurs donc on a réunit les organisations de chômeurs pour voir ce que l’on pouvait faire ensemble. Le problème, c’est d’arriver à combiner la présence dans les institutions, là où on vote les lois, et les batailles dans la rue et aussi que ces batailles dans l’institution soient alimentées par ce qui se passe dans la rue, les entreprises, les quartiers.

Vous espérez que d’autres personnes suivent le même chemin que vous ?

Il faut absolument en finir avec cette coupure entre le champ politique et le champ social parce qu’on l’a trop bien vu par exemple lors du mouvement 2003 avec la réforme sur les retraites, les intermittents, les recalculés de l’ASSEDIC. On a eu de superbes mouvements dans la rue et le jour où cela arrive en débat au Parlement, où il faut voter la loi, il n’y a plus rien. C’est-à-dire que quand les questions deviennent soit disant politique, bien qu’elles l’étaient déjà avant, parce que dans la rue on faisait des contre propositions sur les retraites… évidemment c’est de la politique. Je pense qu’il faut absolument qu’on se ré empare de ce champ politique et qu’on arrête avec cette dépossession, cette confiscation. Alors évidemment il faut garder des contre pouvoirs, il faut pas que le mouvement social soit comptable de la gestion car il faut continuer à revendiquer et faire des choix mais c’est très important que des militants du mouvement associatif et syndical prennent effectivement des responsabilités politiques.

La situation du chômage des jeunes est assez préoccupante puisqu’un jeune sur cinq est au chômage ?

Nous sommes dans une situation très paradoxale parce qu’il y a à la fois un chômage des jeunes qui est très important, il augmente plus que le chômage moyen, le chômage des jeunes filles augmente même plus que le chômage des jeunes hommes, mais en même temps un étudiant sur trois travaille. C’est un chômage assez relatif, c’est surtout une extrême précarité, une très grande difficulté à rentrer dans l’emploi avec un projet professionnel avec l’envie de construire une qualification, un parcours professionnel.

A l’autre bout de la chaîne, les gens au-delà de 55 ans sont énormément au chômage malgré les injonctions de Raffarin de faire travailler les vieux dans les entreprises et bien on se retrouve à l’âge de la retraite avec 2 salariés sur 3 qui n’ont plus d’emploi arrivés à 60 ans. Pourquoi je dis que c’est aux deux bouts de la chaîne, c’est parce qu’avec l’accroissement de la productivité, le temps de travail nécessaire pour faire la même production a diminuée. Il y a plusieurs solutions : soit on baisse le temps de travail pour tout le monde, ce qui avait commencé à être fait avec les 35 heures avec tous les problèmes que l’on a connu : la flexibilité, l’annualisation du temps de travail… Il y a un autre choix qui est de baisser le temps de travail pour tout le monde en reculant l’entrée dans la vie dite active. En fait dans un emploi un peu plus stable ou en jetant les gens plus jeunes avant la retraite. On peut augmenter les périodes de congés. On peut prolonger la scolarité.

Cette affaire de rentrée des jeunes de manière précarisée et, plus tard dans un emploi stable, je dirais d’une certaine manière que c’est une conception de la répartition du travail donc de la répartition des richesses. Aujourd’hui ce qu’on impose aux jeunes, c’est de se mettre au pli d’une norme d’emploi totalement dégradée, c’est-à-dire précarisée, mal payée et avec des boulots qui n’ont rien à voir avec la qualification qui a été acquise. C’est une façon de leur dire et bien maintenant l’avenir c’est : vous acceptez n’importe quoi où ce ne sera rien ! C’est terrible, c’est une injonction à la soumission. C’est ce qui est terrible dans le chômage des jeunes. Puis comme c’est du travail précaire, cela ne permet aucune autonomie, aucune possibilité de construire un projet personnel.

Est-ce que cela ne va pas à terme influencer la population française. Ces jeunes vont devenir adulte, vont être habituer à de plus en plus de précarité et vont s’inscrire dans un schéma d’instabilité ?

Je crois que c’est cela qu’on cherche. C’est ce que cherche en tout cas l’idéologie dominante, le patronat et les gouvernements et même hélas quelquefois les gouvernements de gauche. C’est à ce que les jeunes effectivement soient habitués à vivre avec peu de choses, du temps partiel contraint, on voit tous les emplois Mac Do, la grande distribution… que les jeunes s’habituent à aller travailler le week-end quand les autres ne travaillent pas, c’est vrai chez IKEA, mais aussi à la SNCF. Regardez qui est derrière les guichets quand ils sont encore ouverts le week-end, ce ne sont pas les cheminots au statut ! Et pourtant on aurait pu avoir ce débat : est-ce que le samedi et le dimanche on ne met que des jeunes qu’on paye avec un lance pierre et qui n’ont pas le statut de cheminot ou est-ce qu’on essaye que ce soit que ceux qui ont un statut de cheminots avec de vraies garanties qui travaillent !

Cela aura des conséquences graves : sur la qualification, on construit pas de la qualification avec de l’emploi précarisé, cela a des conséquences économiques car si on ne distribue pas de pouvoir d’achat, on ne peut pas consommer si on n’a pas les moyens de le faire et c’est quasiment dans cette partie de la vie entre 21 et 30 ans où on aurait à la limite besoin d’un salaire le plus important parce que c’est là où l’on s’installe, c’est là où on commence une vie de couple éventuellement, où l’on a des projets, où l’on fait des enfants. On a un truc totalement inversé par rapport aux besoins et encore une fois il y a des tas de jeunes qui voudraient partir, qui ont un métier et qui ne peuvent pas l’exercer ! Quand on écoute le discours des politiques : les jeunes, ce n’est pas une richesse, c’est un problème !

On entend pourtant le gouvernement qui veut réhabiliter l’emploi et s’attaquer au chômage des jeunes sans dire quels types d’emplois proposés. On a un double discours !

Il y a de nombreux rideaux de fumées. Quand par exemple le plan Borloo préconise l’augmentation considérable de l’apprentissage, je ne suis pas contre par principe car cela peut-être un mode d’accès à l’emploi qui est intéressant avec une alternance à condition que la formation soit de bonne qualité et que les salaires suivent ! Aujourd’hui quand on dit que l’on va embaucher de plus en plus dans la fonction publique : plus de facteurs… ou des premiers niveaux d’entrée en apprentissage, cela veut dire tout simplement qu’on n’a pas envie de les payer. Je crois que le choix qui est fait, en fait, est toujours le même : on essaye d’avoir le maximum de productivité avec le minimum de salaire distribué, le minimum de garanties collectives mais à terme cela va poser des problèmes gravissimes !

Aujourd’hui lorsque l’on voit des jeunes qui n’ont pas de protection sociale, qui n’ont pas de garantie pour eux en matière de maladie, de mutuelles… qui ne peuvent pas louer d’appartement car on leur demande des cautions et qui ne peuvent pas les donner mais aussi quand ils ne cotisent pas pour la retraite… on peut se demander à quel âge il va y avoir un départ à la retraite dans 20, 30, 40 ans. C’est un peu « après moi, le déluge ! » Ce n’est plus une gestion sur l’avenir. Il faut que les jeunes trouvent une place et une place de qualité.

Les jeunes ont la propension à consommer la plus importante. Leur consommation génère une certaine forme de richesse pour la société donc comment cela se fait-il que l’on n’arrive pas à les privilégier, leur préférant une autre catégorie de population ?

Le capitalisme est plein de contradictions : à la fois il a besoin de produire et donc de vendre des richesses qui ne sont pas toujours utiles et en même temps il ne veut pas distribuer de pouvoir d’achat et donc c’est comme cela qu’il y a des crises. Il nous dise toujours que c’est une crise de surproduction mais en fait c’est une crise de la demande : il n’y a pas d’argent. Il faut changer de politique. Il y a eu d’autres périodes dans le capitalisme : quand Ford décide de distribuer du pouvoir d’achat pour permettre d’acheter ses voitures, c’est une autre version mais aujourd’hui on n’est pas dans cette version là car je crois qu’on est dans un capitalisme qui privilégie totalement la sphère financière et spéculative.

On va quand même essayer de donner suffisamment de pouvoir d’achat pour faire en sorte que la population n’en vienne pas à se rebeller !

Il y aura ces contradictions internes au capitalisme et qui font qu’il est obligé de changer de temps en temps de stratégie parce qu’autrement on court à la catastrophe. On l’a vu avec l’éclatement de la bulle internet. On a eu des krachs boursiers mais qui n’ont pas eu l’ampleur de la catastrophe de celui de 1929 tout simplement parce que l’on a construit des filets de protection sociale comme le RMI, les allocations chômage qui ont amorti les chocs. Il faudrait que les jeunes montent leur niveau d’exigence qualitatif par rapport à la vie pour ne plus accepter cette précarité imposée, cette discontinuité de l’emploi et de la vie qu’on nous impose. La stratégie actuelle est d’individualiser tout le monde et que chacun essaie de trouver des solutions chacun dans son coin et peut-être les jeunes sont-ils particulièrement victimes de ça. C’est une vraie offensive idéologique grave et qu’il faut retrouver les chemins du collectif et il est absolument normal à 20 ans d’avoir l’envie de réussir sa vie. Ce qu’il faut que l’on comprenne collectivement c’est que l’on ne peut pas réussir à construire sa vie tout seul s’il n’y a pas des cadres forts de protections collectives. C’est ce que dit souvent le sociologue Robert Castel dans son dernier livre sur l’Insécurité Sociale : « si il n’y a pas de cadre collectif, c’est la jungle et la barbarie » Evidemment il y en a qui s’en sorte mais si on veut s’en sortir tous, c’est avec une bonne qualité de vie !

Du fait de l’individualisation, il sera difficile à ces jeunes de retrouver le chemin du collectif et d’avoir la volonté de faire ensemble des actions pour changer le cours des choses ?

Cela a toujours été difficile de choisir les chemins collectifs par rapport au chemin individuel, c’est une bataille de convictions. Mais les conditions de vie des jeunes atteignent un tel niveau d’inacceptable qui moi à mon avis devraient les pousser à bouger, à se révolter. La construction altermondialiste depuis quelques années est très importante, un autre monde est possible. Pour le moment ce que l’on a réussi à faire passer dans les têtes, c’est qu’il était nécessaire. Maintenant il faut travailler pour savoir comment il peut être possible. Les jeunes devraient s’investir sur le champ social, économique mais aussi sur le champ politique. Changer la société, cela appartient aussi aux jeunes générations et il faut que l’on invente ensemble les moyens de le faire avec de vraies ambitions. Dans les années 1900, quand les syndicalistes disaient on veut la retraite à 60 ans et on veut les 40 heures, les gens devaient se dire mais ils sont fous à lier ! Aujourd’hui c’est cela : il faut trouver une ambition de ce genre. On trouve ces questions d’émancipation individuelle et collective autour de ces questions de vraie sécurité économique et sociale.

N’avez-vous pas peur qu’en voulant construire cette ambition, certains médias, certains leaders d’opinion, n’en viennent à casser celle-ci ?

Quand vous voyez les excellentes déclarations de Patrick Le Lay, PDG de TF1, nous expliquant qu’il fait les émissions les plus débiles possibles pour qu’on ne soit apte à capter que les messages publicitaires, ils nous prennent pour des cons ! Mais les gens ne sont pas des imbéciles, et dans la jeunesse il y a aujourd’hui des valeurs très importantes : on l’a vu après le 21 avril 2002, c’était les jeunes ! Contre la guerre en Irak, c’était les jeunes ! Evidemment la question de l’emploi est totalement centrale, quand on regarde dans les cités, les gens survivent comme ils peuvent et cette manière de survivre avec l’économie souterraine, c’est faute de mieux et certains font leur beurre. J’étais au concert, dimanche place de l’Hôtel de Ville à Paris dans le cadre du KO Social, il y avait pleins de groupes merveilleux. Il y avait beaucoup de jeunes mais ce n’était pas les jeunes des banlieues. Il y a là un enjeu très important pour que les associations dans les banlieues arrivent à mener cette bataille afin de mener un projet collectif. C’est cela l’enjeu des années à venir.

L’engagement a cependant changé : c’est désormais un engagement à la carte lors d’une brève période ou un engagement par action. Le fait de s’engager en pointillé n’empêcherait-il pas de construire un mouvement profond pour faire changer durablement notre société ?

Vous avez tout à fait raison. On le constate tous, c’est le zapping où c’est l’effet miroir : dans les entreprises on travaille par projet, on a des contrats d’objectifs et pour le militantisme, c’est un peu la même chose. Cela ne permet pas une mobilisation en continue. Peut-être parce que l’ambition n’est pas assez forte et qu’on arrive pas à la transmettre et que les luttes quotidiennes ne sont pas assez importantes. Peut-être tout est fait pour qu’elles ne soient pas visibles. Par exemple dans la région Île de France, une des choses que j’ai envie de faire est de rendre visibles toutes les actions montées dans les banlieues ou dans les sections syndicales des entreprises. Ce n’est pas vrai ce que l’on nous raconte à la télévision tous les jours, cela n’est pas vrai que les gens ne font rien… Il y a plein de choses dans le sport, dans la culture. Il faut renouveler profondément, peut-être que les manifestations traditionnelles, ce n’est pas ce qu’il faut faire et qu’il faut autre chose ! Il faudrait arriver à ce que des jeunes cherchent et fassent des propositions. Il faut une vraie ambition sans tabous. Un programme politique qui ne s’appuierait que sur le réalisme cela ne va pas du tout.

Il faudrait de l’utopie ?

Absolument, l’utopie n’est pas seulement du rêve, l’utopie est ce qui nous tire en avant et ce qui nous permet de mener des batailles quotidiennes. A Nantes il y a cette bagarre sur les transports gratuits avec François Thonier cela peut paraître un hurluberlu de continuer à mener cette bataille mais cela pose des tas de questions intéressantes sur les transports. Pourquoi tout le monde n’y a pas droit ? La question de la gratuité ? C’est quoi un bien social ? Toutes ces questions sont à re-poser aujourd’hui. L’enjeu aujourd’hui est de savoir si on va survivre sur cette planète ou pas ou ne va-t-on pas à la catastrophe ?!

Mais le fatalisme est bien ancré et les idées de progrès, d’avenir ne sont plus aussi bien présents dans la conscience de la population qu’auparavant.

Ce qui pèse, c’est l’échec des pays de l’est. A la fois c’est très bien, il fallait en finir avec le totalitarisme mais en même temps ce qui s’est aussi écroulé, et on n’a pas finit de le digérer, c’est le fait qu’un autre monde est possible et que le capitalisme peut ne pas régner indéfiniment. Peut-être les forums sociaux, ce sont des endroits où l’on peut construire des solidarités car cette utopie à long terme doit se nourrir de luttes et de réalisations quotidiennes.

Propos recueillis lors du Forum Social du Pays Nantais par Pascal Couffin.

Un peu de musique pour la Palestine

Publié le 20 septembre 2004

Pascal Couffin


Un quotidien marqué par le terrorisme et des enfants qui ne rêvent plus ! Existe-t-il encore un espoir pour tous ces enfants qui vivent entassés dans les camps de réfugiés. On le souhaite. Ramzi Aburedwa fut l’un deux, après avoir étudié la musique classique, il décide d’apporter un peu de musique làoù ne résonnent que les bruits de la guerre.

Rencontré lors du festival les Escales de St Nazaire avec son groupe Dal’Ouna, Ramzi Aburedwan revient sur la volonté de son association « Al Kamandjâti » de remplacer la violence quotidienne subie par les enfants par une éducation musicale. Fournir des instruments de musique et un enseignement à des centres culturels et de jeunesse au cœur des camps de réfugiés en Palestine, sera la mission des mois à venir. Entretien avec Ramzi Aburedwan, le parcours d’un enfant qui a découvert l’alto après l’Intifada.

  Quand avez-vous commencé à apprendre la musique ?

A 18 ans. J’ai croisé par hasard un professeur venu faire des ateliers de musiques pour de jeunes palestiniens. J’étais impressionné par ces instruments. Comme tous les gamins de Palestine, je jetais des pierres, on cassait les voitures des colons. C’était l’Intifada. Il m’a présenté des instruments de musiques dont un violon alto. Puis je suis parti aller au conservatoire de Ramallah pendant un an malgré l’absence de professeur de musique. Un autre professeur est venu donner un concert à Ramallah et après m’avoir donné des cours pendant un mois il m’a aidé à partir aux Etats-Unis pour faire des concerts de musiques de chambres. Je l’ai suivi ensuite 3 mois en Angleterre pour jouer lors de concerts de Noël.

Le Directeur du Conservatoire d’Angers a voulu accueillir 2 jeunes palestiniens pour leur apprendre la musique. Et c’est ainsi que je suis venu à Angers. J’ai créé Dal’Ouna, un groupe à géométrie variable qui joue la musique traditionnelle du Moyen Orient. On vient de faire des concerts dans toute la Cisjordanie. On a voulu aller à Gaza mais c’était trop difficile, il y avait trop de tensions.

  Comment organisiez vous vos concerts ?

Ville par ville. Le premier atelier a eu lieu à Bethléem dans des camps de réfugiés. On a regroupé tous les enfants de 3 camps dans une école tenue par les Nations Unies. Ces ateliers avaient pour but de leur faire découvrir des instruments de musiques car les enfants ne connaissent vraiment rien à la musique.

  Quelles sont les pratiques culturelles dans les camps de réfugiés ?

L’association « Al Kamandjâti » souhaite créer des écoles de musique pour les enfants de camps de réfugiés, dans les villages, là où les enfants sont les plus vulnérables en Palestine car il n’y a aucun accès à la culture. Chez moi, je les voyais dessiner des chars, des fusils, des martyrs…lors de la deuxième Intifada. J’étais choqué de voir que des petits enfants ne rêvent que de tanks, de fusils. J’ai décidé de leur donner un concert et après ça ils ont commencé à apporter à leurs dessins des petits instruments à côtés des armes. Cela m’a donné beaucoup d’espoir.

  Vous avez aussi l’intention de fournir des professeurs dans des centres culturels ?

A partir de septembre 2004. En juillet on a apporté une soixantaine d’instruments dans des salles de musiques.

  Quelles sont les structures dédiées à la culture dans les camps de réfugiés ?

Peu de choses. Il y a la danse folklorique palestinienne car elle ne nécessite peu de moyens. Pour le théâtre, il manque des scènes, des éléments de décorations. Pour la musique, il manque des instruments, et des professeurs, d’où l’idée de les amener et le but de l’association « Al Kamandjâti ». On aimerait que l’année prochaine, des professeurs viennent y enseinger.

On peut changer les choses. Si je n’avais pas connu cet homme, venu faire des ateliers à Ramallah, je ne sais pas ce que je serai devenu. J’étais un révolté, je faisais l’Intifada, je jetais des pierres dans les premières lignes. Quand tu n’as pas de patience, qu’on t’interdit tout, tu n’as plus rien à craindre, plus rien à perdre. Tu n’as pas le goût de vivre.

  Quelle est la situation actuellement ? On voit la construction du mur sur toutes les chaînes de télévisions, mais personne ne réagit !

Le mur sépare tout le monde : les écoles, des enfants ; les malades de leur hôpital, les croyants de leur mosquée… Le mur n’a pas d’yeux : il passe. On a fait un concert à un endroit symbolique près de l’Université de Jérusalem, car ils l’ont coupé presque en deux. Là où il fallait 5 minutes pour accéder aux bâtiments, il faut maintenant deux heures.

  Quelles sont les raisons avancées pour avoir voulu séparer l’université en deux ?

Il n’y a pas de raison ! C’est comme la raison d’avoir virer les grands parents de leur village en 1948 alors qu’il y avait de l’espace pour tout le monde. Les villages sont quasi vides à 80%. C’était juste une question de virer tout le monde ! Quelle est la raison de construire des colonies qui détruisent tout au niveau géographique qu’au niveau du paysage. La Palestine, c’est beau mais quand on voit toutes ces collines et ces colonies. Les gens n’ont plus de vue désormais mais « eux » aussi s’enferment !

Le gouvernement israélien veut de plus en plus séparer les populations pour qu’il n’y ait pas de communication entre elles. Quand l’israélien, le colon passait à l’endroit du mur, il voyait des maisons et se disaient que des êtres humains vivaient ici. Maintenant avec le mur, il va dire : « Oh, il y a des monstres derrières » Et c’est pareil du point de vue palestinien !

  Si tout est caché, beaucoup de fausses informations peuvent circuler puisque personne ne saura ce qu’il se passe de l’autre côté ?

Exactement et ces pauvres gens ne peuvent rien. Mon cœur est avec eux. C’est incroyable que personne ne réagisse. Aujourd’hui le mur et demain ?

  Vous avez le soutien de citoyens israéliens ?

Je connais quelques israéliens qui ne sont pas du tout d’accord mais il s’agit d’une minorité. Ils ont bien souvent peur ! Ils ne disent rien comme les intellectuels d’ailleurs. Ca ne sert à rien d’être un intellectuel si tu n’aides pas à changer le cours des choses. Cela me choque !

  Que pensez-vous des infos véhiculées dans les médias européens ?

Elles sont très gentilles et ne montrent pas ce qu’il se passe. On a besoin de montrer la situation des gens au quotidien. La solution à tous ces problèmes, je la vois venir par les gens du monde entier et non par les gouvernants !

  Quelles sont les structures éducatives existantes dans les camps de réfugiés pour les enfants ?

Je vais expliqué ce qu’est un camp de réfugié : c’est un endroit où des réfugiés se sont installé pour une période de 2 à 3 semaines comme ils le pensaient. Après quelques semaines, quelques mois, l’hiver arrive. On protège sa tente. Puis on construit une chambre en pierre et cette chambre ne suffit pas. Les réfugiés ont donc construits des maisons. Elles sont collées, les une sur les autres. Il n’y a pas de jardins, aucun arbre, que du béton. Les gens n’ont pas améliorés ça car il pense cela comme provisoire. Ils attendent de revenir chez eux.

Dans tous les camps, il a une école des nations unies pour que tous les enfants puissent aller faire des études. On peut aussi y faire du sport. Mais le plus facile est d’aller jouer dans la rue. Souvent quelques dizaines de gamins s’en vont hors du camp pour aménager un terrain suffisamment grand pour y jouer. A partir de la neuvième année, on peut aller dans des écoles gouvernementales pendant 3 ans afin d’y préparer le bac. Tout le monde peut y aller. Il n’y a pas d’analphabètes en Palestine.

Propos recueillis par Pascal Couffin

Mémorable route du rock

Publié le 22 août 2004

Pascal Couffin


Comment conter les mémorables moments passés lors de la 14ème édition de la Route du Rock àSt Malo ? Cette année la programmation dite audacieuse, et donc intéressante àsuivre, n’aura pas déméritée. Coco Rosie, les Kills, Lali Puna, Air, TV on the Radio, Blonde Redhead, Dyonisos et John Spencer Blues Explosion ont réchauffé l’atmosphère d’une route du rock parfois chaotique et pluvieuse.

Qu’on se le dise, à la route du rock, on peut y aller à moto mais s’il est un accessoire indispensable, ce serait la paire de botte. Vous savez les bonnes vieilles bottes portées en région Bretagne par les Loups de Mer. Pour écouter du bon son, nos jeunes petits loups ont du bien ficelé leurs chaussures afin de ne pas les perdre dans la boue après tant de pluie tombée sur le Fort de St Père.

Warm Up L’atmosphère si particulière de la route du rock ne tient pas à ses conditions climatiques aléatoires mais plutôt à l’originalité de la programmation et au caractère si particulier du lieu : un fort vauban. Le premier soir, le Beta Band revêtus de leurs habits de garagistes ont fait un dernier tour d’honneur après l’annonce de leur split prévu à la rentrée. Dans une veine plus rock’n’roll les Kills formés de la fantastique VV et de son compagnon de scène Hotel, ont chauffés de leur riffs primitifs le public. Dans l’univers des groupes à « The », The Kills tirent bien leur épingle du jeu de cette redécouverte de la scène rock qui malheureusement n’est pas enrichie de nouveautés.

S’en suivirent sur scène la nuit tombante, les belges de Deus. Après une absence trop longue, les festivaliers piaffaient d’impatience de réécouter leurs chansons et d’entendre de nouvelles qui annoncent un nouvel album. Quelques titres admirablement interprétés ravirent les foules mais nous sommes ressortis quelques peu déçus de ce concert. Restait au LCD Soundsytem à marteler de leur beat les oreilles des spectateurs avant l’arrivée de RJD2.

Du gros dans les filets Grosse affluence le samedi. Des cohortes de festivaliers sont arrivés sac au dos, duvet sous le bras et pack de bière bien senti à l’autre. Les douves du Fort de St Père Marc en Poulet (et oui ça ne s’invente pas) se couvrirent de tentes. Du gros poisson à l’affiche ce soir : les rescapés de la French Tour et Electro Star avec Air, la dite révélation TV on the Radio et la sulfureuse Peaches. Avant les très attendus Air, Lalipuna, belle signature du label allemand Morr Music a distillé son électronica racée à un public connaisseur quoique un tel lieu soit peut-être trop vaste pour l’écoute d’une telle musique.

Puis virent AIR. Yeap, Yeap. On croyait que le duo snobait l’hexagone préférant les sirènes japonaises ou américaines. Dans la douce tiédeur malouine, AIR égrena de nombreux titres du premier album et de la BO qu’ils réalisèrent pour le film de Sofia Coppola : Virgin Suicide. Dur de résister quand même à « Playground Love » et l’interprétation de « Kelly watch the star ». A se demander si cette route sera vraiment rock’n’roll. Et ce n’est pas la soft pop des versaillais Phoenix qui nous contredira. Phoenix s’est joué des instruments mais aucune originalité et charisme n’arrive à faire décoller ce groupe. Il ferait mieux de suivre l’exemple du Beta Band. Un groupe qui a laissé votre journaliste dubitatif, c’est bien TV on the Radio. Ce curieux mélange de soul et de rock reste une expérience intéressante mais le mélange est surprenant. Ils ont pourtant été encensés par l’ensemble de la presse musicale spécialisée.

Peaches ! La miss pêche qui joue de la provoc à encore frapper. On vous rassure pas les spectateurs. Ca lui arrive parfois quand on est méchant avec elle, quand on l’injurie par exemple. La portée de ces textes Ô combien remarquable : « suck my dick » et autres joyeusetés du même acabit n’ont pas résonnées dans les oreilles du festivalier. C’est plutôt son show provocant bien que linéaire qui a marqué. Enfin une vrai performance rock’n’roll. Côté musicale, il faut l’avouer, c’est oubliable. On s’est quand même bien marré.

Apocalypse road Dimache. La fatigue. La pluie qui vint gâcher la fête. Blonde Redhead tant attendu par un public averti a essuyé un concert dantesque : leur admirable prestation fut écourtée par l’orage grondant. Les jumeaux et Kazu sur son piano ramassèrent des sacrés coups de tabac que seuls de solides marins auraient pu supporter. Une heure de pause, le temps que tout ce petit monde patauge gentiment en sirotant quelques bières bien fraiches et Dyonisos pour leur dernier concert, ont comme à leur habitude tout donné. Ils mériterons leur pause artistique au Maroc où ils sont en résidence pour quelques semaines. Et c’est le John Spencer Blues Explosion qui clôturera réellement les hostilités climatiques avec son blues noir, ces riffs rageurs. Ca a joué fort peut être un peu trop.

Cette 14ème édition fut un succès. On attend avec impatience l’année prochaine. La réussite de cette édition augure sans nul doute de nouveaux paris artistiques.

13, 14 et 15 aoà»t 2004

Publié le 17 juillet 2004

Mathieu Sonet


Cet été Fragil a décidé d’écumer les festivals et en particulier le festival de La Route du Rock de Saint-Malo, qui se tient durant les trois jours du week-end du 15 Aoà»t. 14ème édition cette année d’un festival éclectique qui a décidé de troubler le sommeil des pierres de la vieille ville tous les ans depuis 1991.

Fidèle à l’esprit qui l’anime depuis ses débuts, le festival propose un intéressant mélange de têtes d’affiche et de découvertes, « face à une certaine uniformisation de l’offre musicale ». En témoigne la présence cette année des poids lourds dEUS, Beta Band, Kills, Air, Dionysos et John Spencer Blues Explosion devenu récemment le Blues Explosion, en concurrence avec des artistes moins connus (pour l’instant) mais tout aussi redoutables : RJD2, Peaches, TV On The Radio, Phoenix, Troublemakers, Blonde Redhead… et également la pop fabuleuse des belges de Girls in Hawaii.

La scène nocturne est nichée au cœur d’un site au charme unique, le Fort Saint-Père, qui accueille le public dans ses douves. Au palais du Grand Large situé dans Saint-Malo s’expriment dans l’après-midi les musiques plus expérimentales ou s’accordant mieux à un espace fermé : Coco Rosie, Laura Veirs, Gravenhurst… Mention spéciale pour le trio expérimental suisse Velma, aperçu récemment au festival Scopitone, dont la prestation surprenante risque d’en décoiffer plus d’un.

Enfin pour tous ceux qui voudront se délasser sur la plage avant ou après chacune des folles nuits qui s’annonce, la plage de l’Eventail accueillera cette année les siestes musicales, des mixes down-tempo, pour se détendre au rythme des vagues et des cris des mouettes électroniques : Margo, les nantais de La Kuizine, Nouvelle Vague… Des Djs également, ceux du collectif rennais Magnétic, installeront leur platine juste à côté de la scène principale et assureront des transitions musicales hip-hop, électro, soul, jazz, pendant que les roadies en sueur procéderons courageusement aux changements de plateaux.

De ce week-end fabuleux, Fragil espère ramener et vous présenter quantité d’images, d’interviews, de témoignages ; que l’esprit estival et festival puisse se prolonger un peu au-delà de la rentrée !

Pour les infos complémentaires sur le festival, programmation complète, tarifs, hébergement, une seule adresse : www.laroutedurock.com

Programme des soirées

Vendredi 13 août
-  Now It’s Overhead
-  The Beta Band
-  The Kills
-  dEUS
-  Lcd Soundsystem
-  RJD2

Samedi 14 août
-  Flotation Toy Warning
-  Lali Puna
-  Air
-  Phoenix
-  TV On The Radio
-  Peaches

Dimanche 15 août
-  Mojave 3
-  Girls In Haawaii
-  Blonde Redhead
-  Dionysos
-  Blues Explosion
-  Troublemakers

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