Publié le 20 septembre 2004

Pascal Couffin


Un quotidien marqué par le terrorisme et des enfants qui ne rêvent plus ! Existe-t-il encore un espoir pour tous ces enfants qui vivent entassés dans les camps de réfugiés. On le souhaite. Ramzi Aburedwa fut l’un deux, après avoir étudié la musique classique, il décide d’apporter un peu de musique làoù ne résonnent que les bruits de la guerre.

Rencontré lors du festival les Escales de St Nazaire avec son groupe Dal’Ouna, Ramzi Aburedwan revient sur la volonté de son association « Al Kamandjâti » de remplacer la violence quotidienne subie par les enfants par une éducation musicale. Fournir des instruments de musique et un enseignement à des centres culturels et de jeunesse au cœur des camps de réfugiés en Palestine, sera la mission des mois à venir. Entretien avec Ramzi Aburedwan, le parcours d’un enfant qui a découvert l’alto après l’Intifada.

  Quand avez-vous commencé à apprendre la musique ?

A 18 ans. J’ai croisé par hasard un professeur venu faire des ateliers de musiques pour de jeunes palestiniens. J’étais impressionné par ces instruments. Comme tous les gamins de Palestine, je jetais des pierres, on cassait les voitures des colons. C’était l’Intifada. Il m’a présenté des instruments de musiques dont un violon alto. Puis je suis parti aller au conservatoire de Ramallah pendant un an malgré l’absence de professeur de musique. Un autre professeur est venu donner un concert à Ramallah et après m’avoir donné des cours pendant un mois il m’a aidé à partir aux Etats-Unis pour faire des concerts de musiques de chambres. Je l’ai suivi ensuite 3 mois en Angleterre pour jouer lors de concerts de Noël.

Le Directeur du Conservatoire d’Angers a voulu accueillir 2 jeunes palestiniens pour leur apprendre la musique. Et c’est ainsi que je suis venu à Angers. J’ai créé Dal’Ouna, un groupe à géométrie variable qui joue la musique traditionnelle du Moyen Orient. On vient de faire des concerts dans toute la Cisjordanie. On a voulu aller à Gaza mais c’était trop difficile, il y avait trop de tensions.

  Comment organisiez vous vos concerts ?

Ville par ville. Le premier atelier a eu lieu à Bethléem dans des camps de réfugiés. On a regroupé tous les enfants de 3 camps dans une école tenue par les Nations Unies. Ces ateliers avaient pour but de leur faire découvrir des instruments de musiques car les enfants ne connaissent vraiment rien à la musique.

  Quelles sont les pratiques culturelles dans les camps de réfugiés ?

L’association « Al Kamandjâti » souhaite créer des écoles de musique pour les enfants de camps de réfugiés, dans les villages, là où les enfants sont les plus vulnérables en Palestine car il n’y a aucun accès à la culture. Chez moi, je les voyais dessiner des chars, des fusils, des martyrs…lors de la deuxième Intifada. J’étais choqué de voir que des petits enfants ne rêvent que de tanks, de fusils. J’ai décidé de leur donner un concert et après ça ils ont commencé à apporter à leurs dessins des petits instruments à côtés des armes. Cela m’a donné beaucoup d’espoir.

  Vous avez aussi l’intention de fournir des professeurs dans des centres culturels ?

A partir de septembre 2004. En juillet on a apporté une soixantaine d’instruments dans des salles de musiques.

  Quelles sont les structures dédiées à la culture dans les camps de réfugiés ?

Peu de choses. Il y a la danse folklorique palestinienne car elle ne nécessite peu de moyens. Pour le théâtre, il manque des scènes, des éléments de décorations. Pour la musique, il manque des instruments, et des professeurs, d’où l’idée de les amener et le but de l’association « Al Kamandjâti ». On aimerait que l’année prochaine, des professeurs viennent y enseinger.

On peut changer les choses. Si je n’avais pas connu cet homme, venu faire des ateliers à Ramallah, je ne sais pas ce que je serai devenu. J’étais un révolté, je faisais l’Intifada, je jetais des pierres dans les premières lignes. Quand tu n’as pas de patience, qu’on t’interdit tout, tu n’as plus rien à craindre, plus rien à perdre. Tu n’as pas le goût de vivre.

  Quelle est la situation actuellement ? On voit la construction du mur sur toutes les chaînes de télévisions, mais personne ne réagit !

Le mur sépare tout le monde : les écoles, des enfants ; les malades de leur hôpital, les croyants de leur mosquée… Le mur n’a pas d’yeux : il passe. On a fait un concert à un endroit symbolique près de l’Université de Jérusalem, car ils l’ont coupé presque en deux. Là où il fallait 5 minutes pour accéder aux bâtiments, il faut maintenant deux heures.

  Quelles sont les raisons avancées pour avoir voulu séparer l’université en deux ?

Il n’y a pas de raison ! C’est comme la raison d’avoir virer les grands parents de leur village en 1948 alors qu’il y avait de l’espace pour tout le monde. Les villages sont quasi vides à 80%. C’était juste une question de virer tout le monde ! Quelle est la raison de construire des colonies qui détruisent tout au niveau géographique qu’au niveau du paysage. La Palestine, c’est beau mais quand on voit toutes ces collines et ces colonies. Les gens n’ont plus de vue désormais mais « eux » aussi s’enferment !

Le gouvernement israélien veut de plus en plus séparer les populations pour qu’il n’y ait pas de communication entre elles. Quand l’israélien, le colon passait à l’endroit du mur, il voyait des maisons et se disaient que des êtres humains vivaient ici. Maintenant avec le mur, il va dire : « Oh, il y a des monstres derrières » Et c’est pareil du point de vue palestinien !

  Si tout est caché, beaucoup de fausses informations peuvent circuler puisque personne ne saura ce qu’il se passe de l’autre côté ?

Exactement et ces pauvres gens ne peuvent rien. Mon cœur est avec eux. C’est incroyable que personne ne réagisse. Aujourd’hui le mur et demain ?

  Vous avez le soutien de citoyens israéliens ?

Je connais quelques israéliens qui ne sont pas du tout d’accord mais il s’agit d’une minorité. Ils ont bien souvent peur ! Ils ne disent rien comme les intellectuels d’ailleurs. Ca ne sert à rien d’être un intellectuel si tu n’aides pas à changer le cours des choses. Cela me choque !

  Que pensez-vous des infos véhiculées dans les médias européens ?

Elles sont très gentilles et ne montrent pas ce qu’il se passe. On a besoin de montrer la situation des gens au quotidien. La solution à tous ces problèmes, je la vois venir par les gens du monde entier et non par les gouvernants !

  Quelles sont les structures éducatives existantes dans les camps de réfugiés pour les enfants ?

Je vais expliqué ce qu’est un camp de réfugié : c’est un endroit où des réfugiés se sont installé pour une période de 2 à 3 semaines comme ils le pensaient. Après quelques semaines, quelques mois, l’hiver arrive. On protège sa tente. Puis on construit une chambre en pierre et cette chambre ne suffit pas. Les réfugiés ont donc construits des maisons. Elles sont collées, les une sur les autres. Il n’y a pas de jardins, aucun arbre, que du béton. Les gens n’ont pas améliorés ça car il pense cela comme provisoire. Ils attendent de revenir chez eux.

Dans tous les camps, il a une école des nations unies pour que tous les enfants puissent aller faire des études. On peut aussi y faire du sport. Mais le plus facile est d’aller jouer dans la rue. Souvent quelques dizaines de gamins s’en vont hors du camp pour aménager un terrain suffisamment grand pour y jouer. A partir de la neuvième année, on peut aller dans des écoles gouvernementales pendant 3 ans afin d’y préparer le bac. Tout le monde peut y aller. Il n’y a pas d’analphabètes en Palestine.

Propos recueillis par Pascal Couffin