
Festival HIP OPsession (1/6)
Dee Nasty et Sydney retracent l’Histoire du Hip-Hop
Evènement de cette 4ème édition du festival HIP OPsession , la conférence du 14 avril [1] au Pannonica a le mérite de revenir sur les origines de cet art ; incontournable car orchestrée par Dee Nasty et Sydney, les pères du hip-hop en France qui rappelent la force de cette culture et ses valeurs de base.
Il est 19h au Pannonica, et, comme tout artiste qui sait se faire attendre, Dee Nasty et Sydney sont en retard. Peu pressés, les spectateurs venues assister à ce récit chronologique en profitent pour prendre un verre au bar. L’ambiance semble être à la détente et au partage. Alors que Sydney, après plus de trente minutes de retard, prend le micro pour présenter son ami Dee Nasty, ce dernier, qui vient tout juste de poser ses vinyles à côté de la table de mixage, se rend compte de la modernité de celle-ci “avec tout plein d’effets bizarres non gérables” précise-t-il. Non habitué à ce récent matériel, et accroché à ses vinyles, il demande à un technicien “nouvelle génération” de venir l’aider pour qu’il puisse retrouver ses marques. “Ce soir, vous aurez du son authentique”, dit-il. A entendre les applaudissements, ce n’est pas pour déplaire…
Une France à l’univers jazz et funk
Sydney commence par nous raconter son enfance, en nous déclarant d’emblée qu’il fait parti de ceux qui ont “moins de mérite” car il a baigné depuis tout jeune dans l’univers musical. Ses parents faisaient partis d’un groupe de jazz, les Black and White. Il a vite appris à manier les instruments : saxophone, basse… En 1974, alors que le mix n’existe pas encore, il obtient un emploi dans une discothèque, où, pour éviter les moments de blancs entre deux disques, il coupe la musique. A cette époque, il réclame alors une deuxième platine à son patron, qui a pour réaction de le virer tant cela semble encore grotesque dans les esprits !
Dee Nasty prend le relais et décrit sa jeunesse banale à Bagneux dans la cité de la Pierre Plate. Il est déjà attiré par le funk, mais s’ennuie en France et se décide à travailler afin de gagner de l’argent pour partir à San Francisco, voir par lui-même le mouvement de breakeurs, qui n’est alors qu’à peine une rumeur sur le territoire français.
La naissance du Hip-Hop aux Etats-Unis
Il y découvre l’existence de la Zulu Nation, fondée par Africa Bambaataa au début des années 1970 à New-York. Association créée afin de faire face à la violence, la drogue et les guerres entre gangs rivaux, elle est basée sur le respect et la tolérance à l’autre, son slogan étant “Peace, love, unity and having fun !” L’objectif est d’occuper les jeunes et de fonder un mouvement positif qui puisse leur permettre d’évacuer les tensions. Ainsi, nombre de breakeurs, de grapheurs et de chanteurs sont appelés à suivre ce qui est devenu le fondement de la culture hip-hop. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur.
Le Jamaïcain DJ Kool Herc, venu lui aussi aux Etats-Unis, participe largement à cette expansion en organisant les premiers blocks parties, soirées qui réunissent musiciens et DJ’s. Il développe un nouveau concept, le breakbeat : pratique qui consiste à passer en boucle un même extrait de chanson sur lequel ne sont présentes la plupart du temps que la basse et les percussions. C’est pendant ces breaks instrumentaux que les danseurs sont conviés à s’exprimer.
Alors que Sydney raconte cette époque innovante, comme si c’était hier, Dee Nasty se charge d’illustrer ses propos derrière ses platines avec ses vinyles “collectors”.
La révolution numérique
En 1979 sort l’un des premiers disques de hip-hop US : Rapper’s Delight du trio Sugarhill Gang. Ce morceau, définissant les bases du hip-hop moderne, est aujourd’hui culte. Il permit aux boîtes à rythmes de remplacer le Dj. Ce morceau rencontra un franc succès outre atlantique, et ouvrit la voie à pas mal de groupes, notamment ceux du label Sugarhill basé à Manhattan.
De retour en France, Dee Nasty cherche des personnes partageant cet état d’esprit et ses goûts musicaux. En 1982, année de la création des radios libres, Marie-France Brière, alors directrice de Radio 7, propose à Sydney d’animer la tranche horaire de 20h à 22h. C’est là-bas qu’il rencontre Dee Nasty. A cette période, l’électronique révolutionne la culture hip-hop, avec l’arrivée notamment de boîtes à rythmes de plus en plus performantes. Le sample arrive également. Alors même que la radio véhicule et libère le mouvement.
Le rap, c'est fini, vous êtes en retard !
En 1984, Dee Nasty est le premier en France à expérimenter le mix tape (mixage sur cassette). Il enregistre son premier album, rejeté par les maisons de disques : “le rap c’est passé, c’est fini, vous êtes en retard !” Alors qu’il cherche à vendre à la sauvette ses disques à l’occasion de la fête de la musique, il fait la rencontre de Lionel D. Cette rencontre suffira à relancer le mouvement en France via Radio 7. Peu après, Sydney se voit cette fois-ci proposer l’animation d’une émission de télévision, H.I.P H.O.P, le dimanche sur TF1.
A cette époque, les grapheurs se multiplient en France. Le taux d’audience dépasse les espérances de la chaîne. Loin d’imaginer le nombre de spectateurs qui suivent son émission, Sydney, au cours d’une interview de Futura 2000, lance une invitation à venir se faire dédicacer un tee-shirt blanc par les grapheurs au siège de TF1. C’est le sourire aux lèvres qu’il raconte comment TF1 a été envahie de grapheurs, breakeurs, rappeurs et Dj’s en très peu de temps, mettant les nerfs de la sécurité à vif.
Ce qui ne changera jamais : les valeurs du hip-hop
Fin des années 1980, Dee Nasty anime l’émission Deenastyle, qui permet au rap de progressivement s’imposer, avec notamment les premiers NTM, Assassin, Mc Solaar, Public Enemy… Depuis, le hip-hop s’est largement répandu sur le territoire français, mais aussi dans le monde entier. Sydney et Dee Nasty rappellent que bien que la culture hip-hop soit appelée à une constante évolution, les valeurs fondatrices de ce mouvement seront toujours les mêmes : amour, respect, compassion, sens de la fête... Dee Nasty ajoute que “le rap se nourrit de lui-même”, en démontrant via l’écoute de ses vinyles combien aujourd’hui encore nous puisons dans les origines du funk. Après nous avoir avertis de nous méfier de tous ces chanteurs “bling-bling”, et avant de partir assurer l’after prévu à 23h à l’Altercafé, Sydney, sous la main experte de Dee Nasty, laisse entendre son flow toujours intact, époustouflant et limpide.
Charlène Lechat
Photos : Patrice Molle
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