Décroissance (2/2)
Comment changer nos modes de vie ?
L’ écologie est désormais au centre des préoccupations des français. De récents rapports invitent à modifier avec urgence et radicalement nos comportements. Selon les partisans de la décroissance, il faut revenir à une économie saine.
Science, croissance, obéissance : comment s’arrêter ? La deuxième rencontre à l’initiative d’Impression d’Europe [1] donne le ton. Modérée par Jean-Luc Porquet, journaliste du Canard Enchaîné le débat a tenté de démontrer les vices du progrès technique, pour ensuite donner des pistes d’actions concrètes.
La décroissance est plus qu'urgente !
Pour Yves Cochet, ministre de l’aménagement et du territoire de 2001 à 2002 et député Vert, Cédric Biagini, auteur et animateur des éditions L’Echappée, Célia Izoard, auteur et philosophe et Olivier Rey, auteur et chercheur au CNRS, la décroissance est plus qu’urgente ! Alors comment passer en mode décroissance après des années de conditionnement publicitaire ?
Aujourd’hui, l’être humain est analysé dans ses moindres détails : tout est calculé pour que l’on soit incité à consommer. La publicité est omniprésente et a pour seul objectif de faire "craquer" les personnes qui sont encore réticentes à tel ou tel produit. Transformés d’être humains en cibles, où les émotions et sensations sont manipulées à des fins commerciales, l’Homme a perdu de vue les bases d’une vie saine.
L’ère du "Tout numérique"
Célia Izoard, philosophe, est fervente défenseur des valeurs humaines. Les heurts récents avec la police au lycée de Gif-sur-Yvette suite au refus des élèves d’adhérer aux lecteurs biométriques (qui reconnaissent une ou plusieurs parties du corps) pour l’entrée dans la cantine l’ont profondément marqué. Aujourd’hui, 300 lycées français en sont équipés. Elle dénonce le gouvernement de participer à la banalisation de ces pratiques, qui dévalorise l’humain, et le conditionne encore un peu plus encore, au grand plaisir des multinationales, dont l’enjeu est à l’avenir d’interférer dans toutes nos activités via les objets qu’ils vendent.
Actuellement nous sommes pour l’instant absolument incapables de prédire les conséquences sur notre santé des multiples ondes émises par les appareils "communiquants". Le citoyen a-t-il été interrogé sur les constructions de ces pilonnes de relais pour les portables ? Non, déplore Célia Izoard : "au lieu d’être plus libres, comme les publicités nous le promettent, nous sommes administrés comme jamais, emprisonnés".
Une mise en garde en faveur de nos libertés
D’ailleurs, le 8 avril 2008, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), présidée par Alex Türk, a remis une note au ministère de l’intérieur pour lui rappeler que cet organisme se doit de contrôler les caméras de surveillance dans les lieux publics. En effet, alors que Michèle Alliot-Marie a récemment annoncé que le nombre de caméras allait être triplé afin de lutter contre le terrorisme, la CNIL a averti du danger des atteintes à la vie privée, qui fait parti des droits fondamentaux.
Cédric Biagini, auteur avec Célia Izoard de La Tyrannie Technologique. Critique de la société numérique (éditions L’échappée, 2007), renchérit en confirmant le discours omniprésent des grandes puissances. Mais il affirme que depuis peu "tout s’est accéléré. Toute attente devient insupportable. On vit en perpétuel état d’urgence. On a la volonté de maîtriser l’espace, de maîtriser nos corps, de maîtriser nos esprits… Il faut tout gérer sans quoi on nous fait croire que c’est la panique. Il faut voir le nombre de psychotropes consommés en France… Nos vies sont peu à peu dépossédées, ils ont d’abord capté nos savoirs faires puis ils les ont industrialisés, maintenant ils captent nos savoirs-êtres".
Alors comment faire ?
Informer le plus grand nombre, sensibiliser la population qui reste angoissée devant son poste de télévision lui annonçant une baisse de la croissance. Changer les modes de pensées, se remettre en question. Ré-éduquer et pas seulement les enfants. Par ailleurs le message doit s’adresser aux pays en voie de développement. Les adeptes de la croissance se veulent rassurants : « Il ne sera évidemment pas demandé à un Somalien d’entrer en décroissance ! Il faut déjà qu’il est de quoi s’auto-suffire… On doit leur expliquer les vices de notre système et organiser des débats dans ces pays ».
Plus nous attendrons, plus le choc sera rude, et plus le risque d’engendrer un régime éco-totalitaire ou de s’enfoncer dans la barbarie sera élevé
Puis passer à l’acte. Dépasser la notion de développement durable, qui rassure les populations mais va bien trop lentement… Cela ne peut se faire sans le soutien du politique. Car avant tout, il faut à tout prix éviter de réguler par le chaos. Mais, selon Bruno Clémentin, administrateur du journal La Décroissance : "Plus nous attendrons, plus le choc sera rude, et plus le risque d’engendrer un régime éco-totalitaire ou de s’enfoncer dans la barbarie sera élevé".
Voici quelques conseils prodigués par les militants de la décroissance :
Privilégier les commerces de proximité, les marchés et en finir avec les concentrations d’hypermarchés ;
Contribuer à la fin des produits manufacturés peu chers au profit d’objets produits localement ;
De la même façon, bouder les emballages jetables au profit de contenants réutilisables ;
Remplacer l’agriculture intensive motorisée au profit d’une agriculture paysanne extensive ;
Abandonner les voitures pour le train, le vélo et le bateau ;
Ne plus gaspiller comme les pays riches sont habitués à le faire (un tiers de la nourriture achetée va à la poubelle…) et apprendre à se satisfaire du minimum.
Echanger entre individus et organiser davantage de colloques, de conférences, sur le sujet, afin de rassembler un maximum de personnes. Afin, surtout, de pouvoir provoquer une prise de conscience immédiate en analysant les comportements, pour mieux les comprendre et les modifier. Mais, en parallèle, il est certain que seules d’énormes pressions populaire, politique, judicière et financière, pourront réellement enclancher l’ère d’un nouveau système. Ceux qui prônent la décroissance parlent même "d’éradiquer totalement la notion de monnaie, qu’elle soit dollar ou euro". L’objectif est bel et bien d’inventer un nouveau mode de vie, avec de nouvelles règles, plus respectables de la Nature et de l’Homme, afin de pouvoir imaginer un futur viable.
Charlène Lechat
Lire sur le même sujet le : La voix des "objecteurs de croissance" prend de l’ampleur, par Charlène Lechat.
[1] L’association Impression d’Europe souhaite revêtir un aspect militant. C’est pourquoi elle a ouvert un espace de débat entre objecteurs de croissance et citoyens, le jeudi 10 avril 2008 au Lieu Unique, à Nantes. La littérature est d’emblée présentée comme LE lieu de résistance, et comme le meilleur vecteur des prises de conscience.
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