Rencontres citoyennes
"Rendez-vous demain" : parler pour avancer dans un combat contre le terrorisme
21 novembre 2015 : Fragil assiste à une journée d’échanges lancée par un collectif nantais à la Maison de Quartier des Haubans de Malakoff. « Rendez-Vous Demain  » a vu le jour au lendemain des attentats de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015. Une date : un choc. Et déjà un besoin de se réunir prégnant. Puis un 13 novembre qui en fut l’écho d’une atrocité insoutenable. Alors, que faire ? Comment agir ?
« Rendez-Vous Demain » a pour but de réunir toute personne souhaitant participer à un débat sur des sujets de société, afin d’avancer ensemble, trouver des solutions, grâce aux opinions de chacun. A l’origine de ce collectif : un groupe de personnes issues de divers horizons et venant principalement de Nantes, dont Emmanuelle Chérel, professeure à l’École des Beaux-Arts de Nantes (interview à venir prochainement dans Fragil).
Une fiction d’un autre siècle pour des questions d’actualité
Samedi 21 novembre, 10h : la journée débute par une présentation et le visionnage du film La Commune (Paris 1871) réalisé par Peter Watkins. Tourné par des acteurs amateurs et volontaires, il traite de sujets toujours d’actualité ; sujets qui vont aider l’auditoire à alimenter les échanges par la suite. Fin de projection, le débat est lancé. Qu’est-ce que la dignité ? Est-elle liée à l’émancipation de chacun ? Pour être émancipé, « se rendre libre », faut-il chercher les connaissances par soi-même sans attendre de recevoir ? Quant à la place de chacun : comment la trouver au sein de notre société et ne pas se sentir exclu ? Existe t-il une place pour chacun d’entre nous ? Sommes-nous dès la naissance assignés à cette même place sans pouvoir en changer ? Une phrase essentielle du film est citée : « Il est nécessaire de savoir lire et compter pour être un homme libre ».
Il est nécessaire de savoir lire et compter pour être un homme libre
La notion d’éducation est alors abordée. De nouveaux questionnements se posent. Élèves ou étudiants sont-ils encouragés dans leurs envies ? Sont-ils reconnus pour leur savoir, leur capacité à créer, à produire ? Les langues se délient. Les paroles fusent. Un nouveau sujet anime l’audience : le rôle des médias et surtout de la presse. Qu’est-ce que la notion de représentation ? Peut-on parler de point de vue des médias ? Experts, chercheurs, spécialistes sont-ils ancrés dans la réalité ? Les médias façonnent-ils ces figures ? Pour finir sur la question d’une presse « orientée », avant de s’accorder une pause.
14h : l’après-midi reprend sur un nouvel extrait du film La Commune (Paris 1871) . Non pas une scène quelconque sortie de son contexte, mais le retour sur une sorte de making of durant lequel chaque acteur prend la parole tour à tour. Chacun y va de sa pensée : « ce sont les petites actions qui font changer les choses », « les associations sont devenues les pansements sociaux face au désengagement de l’État », « nous sommes embrigadés dans notre confort, car plus d’un siècle après rien n’a changé »,... Pour finir sur cette phrase : « encourager les rapports entre les gens est primordial pour ainsi donner et recevoir à tous les niveaux ». Nous sommes en l’an 2000...
Témoignages émus : nous, musulmans de Turquie
Retour en 2015. Des représentants de la communauté turque de Nantes ouvrent le débat. Première intervention de l’après-midi. Ils racontent avec leurs mots et leur sensibilité : le terrorisme, les brimades d’un peuple en exil, le voyeurisme des médias poussé à l’extrême. L’image-choc, vendeuse, celle du buzz. La photo d’Aylan, témoignage de ce drame contemporain qui fait de la Méditerranée un vaste cimetière. Quel avenir se dessine pour ces femmes et ces hommes syriens ? Une chose est sûre : la peur résonne. La peur du lendemain, des amalgames, de l’autre. « Nous ne nous reconnaissons pas dans cet islam ». Être Alevis, Kurde, chiite, c’est être en accord avec les notions de partage, d’amour et d’égalité entre tous. Accompagné au saz, un chant s’élève. Le refrain martèle « okoudou mokoudou » traduit comme : « je n’ai pas lu un seul livre, mais j’ai lu l’humain ».
Je n'ai pas lu un seul livre, mais j'ai lu l'humain
L’humain avant tout nous unit. Passée l’empathie, le besoin de comprendre reprend le dessus. La hausse de la pauvreté en France serait-elle une réponse ? Il est plus facile d’être pauvre en Turquie. L’État turc se place en responsable de la paupérisation d’une partie de son peuple. En France, la honte prédomine. Tu portes seul le poids de ta pauvreté. Tu te sens rapidement impuissant. Tu perds espoir, pour finalement « péter » de l’intérieur... Allégorie du kamikaze.
Éducation, médias : même combat ?
Hugo, professeur au collège de Malakoff, prend la parole. « Si la ceinture de pauvreté révèle celle faite d’explosifs, elle n’explique pas le détonateur ».
Si la ceinture de pauvreté révèle celle faite d'explosifs, elle n'explique pas le détonateur
Le modèle éducatif français rend obligatoire l’apprentissage des savoirs jusqu’à 16 ans. L’école est le passage incontournable pour chaque enfant résidant dans l’Hexagone. L’enseignement participe aujourd’hui, avec tous ses défauts, à la construction des citoyens de demain. Être éduqué n’implique pas la fin de toutes formes de cruauté. Beaucoup de hauts fonctionnaires nazis lisaient Goethe ou écoutaient du Mendelssohn. Incorporer des cours de morale aux programmes scolaires 2016 serait une solution selon le Ministère de l’Éducation Nationale. Quant à y introduire des parenthèses théologiques, l’idée fait tout doucement son chemin, mais se posent ici les problématiques liées à la laïcité. Pas si simple... Alors, comment s’y prendre pour mieux faire face à la massification d’enfants à scolariser et à une société qui évolue plus vite que l’école ? A l’heure où la presse est vampirisée par le tout-numérique, à coup de posts et de tweets pour de l’information traitée à chaud, partout, tout le temps, laissant libre cours à l’approximatif, à l’erreur ou pire à la rumeur. A l’heure où les lobbyings politiques brandissent aisément la menace de la censure ou de la baisse des subventions : comment faire la part des choses en toute objectivité ?
17h : dernier tour de table pour dresser un bilan de la journée. Premiers retours sur le vif : les voix unanimes et satisfaites s’élèvent, mais... Comment élargir les pistes de réflexion d’un groupe comme « Rendez-Vous Demain », dont l’hétérogénéité de ce 21 novembre 2015 s’accorde mais peine à avancer vers plus de concret ? Comment trouver des réponses pour agir et faire sens ? Peut-être en étant vous aussi partie prenante de leur mouvement. Être force de propositions ou de contradictions afin, tout simplement et comme le disait Gandhi, d’« être le changement que vous voulez voir dans ce monde ».
Coralie Fétrot et Stéphanie Lafarge
Photos : Christine Laquet
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