Adolescents : 6èmes Assises Prévention Addictions d’Ancenis
La french addiction
Retour sur les 6èmes Assises Prévention Addictions d’Ancenis qui se sont tenues en novembre 2015. Ou comment dresser un état des lieux des nouvelles addictions à travers les réalités adolescentes d’aujourd’hui auprès d’éminents spécialistes.
« Les choses ont beaucoup changé ». C’est par cette phrase de Jean-Pierre Couteron, psychologue, président de la Fédération Addiction, que se sont ouvertes les 6èmes Assises Prévention Addictions d’Ancenis, le 19 novembre dernier, alors que la France, titubante, sonnée, puis soudée, peinait à se redresser d’un déferlement de haine brutal, meurtrier, incompréhensible. Les choses ont beaucoup changé, oui. Cette affirmation, attribuée par les adolescents aux aînés, aux vieux, aux darons, est pourtant une réalité dans le domaine des addictions. Là où se multiplient les possibilités d’addictions prolifèrent ces dernières.
Ce colloque aborde donc frontalement, sans langue de bois, ce qui est nommé « un gène sociétal en pleine mutation. » À travers des conférences, des ateliers, des temps d’échanges avec d’éminents spécialistes, ont été abordées cette année quatre thématiques : l’alcool, l’hyper-sexualisation, les cyber-dérives et le mal-être. Ce temps de formation permet une sorte d’update des connaissances. Et en profite pour rappeler que « la prévention, ça sert à quelque chose. Ça impacte sur les entrées en dépendance. C’est la capacité de faire converger des tas d’actions différentes. » Mais pour mieux prévenir, il faut savoir. Il faut nommer. Il faut accepter.
Une « bascule du savoir » historique
Dans une société qui va à mille à l’heure, le psychiatre Vincent Dodin note cette « nécessité impérieuse de jouir sans délai »
Il faut savoir, par exemple, que la démocratisation des consommations de drogues fait exploser les chiffres, et que la France est le plus gros consommateur de cannabis en Europe. Le cannabis, ce « formidable dopant à ne rien faire » souligne William Lowenstein, addictologue. Que la drogue est capable de « reconversion », tel l’ecstasy, presque obsolète en cachet, de retour en poudre. Contemporanéité oblige, les NPS (Nouveaux Produits de Synthèse) s’arrachent sur le web. « La prohibition est morte sur Internet, avec l’avènement de la livraison en 48 heures » souligne William Lowenstein. Qu’il est loin le temps freudien du refoulement. De l’acceptation de la frustration. Dans une société qui va à mille à l’heure, le psychiatre Vincent Dodin note cette « nécessité impérieuse de jouir sans délai ». Et ça tombe bien/mal, l’immédiateté est rendue possible par la technologie. La technologie, antre schizophrène s’il en faut. Cette « dimension excitatoire », « ce rapport détemporalisé » aux choses, atteignent ainsi leur paroxysme chez les terroristes.
William Lowenstein lui, note que le gap générationnel entre les « jeunes » et les « vieux » n’a jamais été aussi profond. L’inversion des rôles traditionnels met à mal des parents qui s’accrochent désespérément aux « de mon temps » et à leurs expériences passées. Aujourd’hui impitoyablement caduques. Sans faire l’effort d’essayer de comprendre leur progéniture hyperconnectée ? Car il est difficile de s’avouer que les jeunes « ont le savoir, notamment technologique ». Et d’en faire une force, plutôt que de s’enliser dans d’abscons réflexes passéistes, qui élargiront d’autant le fossé. Ces jeunes, au cerveau « neuro-excité » depuis l’enfance (au sens positif du terme) sont ceux là-même qui conçoivent, fabriquent, et « vendent les applications aux vieux ». La question majeure, pour ce spécialiste, est donc de savoir comment nous pouvons nous rendre crédibles à leurs yeux en feignant d’ignorer ce qu’ils sont et la manière dont ils ont grandi. Le monde dans lequel ils ont grandi. Et de rajouter que « si nous voulons parler aux ados, faisons-le humblement. »
Jean-Pierre Couteron rejoint ce discours, en insistant sur le fait que « la nostalgie du passé n’aidera pas nos enfants. » Alors, la rupture du dialogue parents-ados, la faute aux parents ? Si l’idée est alléchante pour le teenager, elle peut paraître cruelle pour le parent. Mais elle mérite que l’on s’y attarde. Car il n’y a qu’en bâtissant un pont, aussi fragile soit-il, sur ce fossé, par le dialogue, que le parent pourra prévenir, empêcher, accompagner, guérir son adolescent d’une addiction. Le parent, comme le professionnel, se doit d’aller vers. Pour réinvestir une relation, un mouvement, ramenant ainsi l’autre du côté de la vie.
Il n’y a qu’en bâtissant un pont, aussi fragile soit-il, sur ce fossé, par le dialogue, que le parent pourra prévenir, empêcher, accompagner, guérir son adolescent d’une addiction
3 questions à… William Lowenstein, addictologue, président de l’association SOS Addiction & Jean-Pierre Couteron, psychologue, président de la Fédération Addiction.
Fragil : Vous avez parlé du pouvoir de connaissance des jeunes sur les adultes… Ces derniers sont-ils obsolètes ?
W.L : Non, mais s’ils veulent remplir leurs fonctions d’éducation et de transmission, cela impose un certain nombre de devoirs et d’humilité. Devoir de connaître les sujets dont ils parlent, et de reconnaître un certain savoir aux jeunes. Prenons l’exemple de la cellule familiale de 2015 où il n’y a pas un parent qui n’appelle pas à l’aide son enfant pour débloquer un code, comprendre quelque chose sur son ordinateur, son iPhone ou son iPad. Il s’agit de savoir comment être dans la transmission aujourd’hui sans simplement asseoir le pouvoir de la génération supérieure. Il faut penser autrement les lieux et modes d’échanges intrafamiliaux.
J-P.C : Oui, car si on s’accroche à son pouvoir sans être légitime c’est là que l’on risque d’être considéré par le jeune comme obsolète. Il va alors nous dire « tu n’as rien à m’apprendre », ce qui est une erreur car si ce n’est pas du côté du savoir, on a quelque chose à apprendre au jeune au niveau de l’expérience de vie. Avant, l’adulte avait le savoir et le pouvoir, par accumulation. Aujourd’hui, il n’a plus une partie du savoir, et donc de ce fait n’en a plus le monopole. C’est en acceptant cela qu’on retrouvera cette légitimité.
Fragil : Quelque part, cela signifie-t-il que ça va trop vite pour les générations précédentes ?
W.L : On peut aujourd’hui avoir l’impression, un peu caricaturale, que les parents sont quasiment devenus les grands-parents de leurs enfants. Les deux phénomènes extraordinaires auxquels nous assistons à travers les consultations sont donc un raccourcissement de l’enfance, une forme d’adolescence précoce, due en partie aux nombreuses neurostimulations et le positionnement parental, dont nous avons précédemment parlé, qui se doit d’accepter la perte d’une partie de son savoir. La crise d’autorité des parents sera vite limitée s’ils ne connaissent rien au mode de vie de leur enfant, à leur mode de communication, aux nouvelles substances, aux nouveaux usages…
J-P.C : Il faut trouver ce juste milieu entre « mon expérience de vie tu en as besoin, elle a constitué ma personne », et l’utilisation du « fais comme moi », qui n’est plus possible en tant que tel. Il faut arriver à se positionner différemment. Car l’enfant peut arriver aujourd’hui en disant « Et là tu penses en quoi ? » sur des situations que le parent n’aura jamais vu ! C’est extrêmement déconcertant pour le parent…
Fragil : Ce phénomène dont vous parlez, c’est surtout sa fulgurance qui déconcerte au final, non ?
J-P.C : Oui, cela a été très rapide. Il y a des études passionnantes qui montrent que la radio a mis environ 50 ans à se répandre, la télévision 20 ans, et les dernières technologies, elles, se répandent en moins d’un an !
W.L : Et cette rapidité impressionnante, cette acquisition des nouveaux savoirs, sont en plus normales pour ces jeunes ! Là où quelqu’un de mon âge va hésiter à changer de téléphone même s’il ne marche plus, juste pour ne pas réapprendre ! Ce qui est étonnant, c’est qu’on parlait déjà de digital native au début des années 2000, mais ceux-là n’ont même plus rien à voir avec ceux des années 2010 !
Il s’agit de savoir comment être dans la transmission aujourd’hui sans simplement asseoir le pouvoir de la génération supérieure. Il faut penser autrement les lieux et modes d’échanges intrafamiliaux
Au détour de cette riche interview ponctuée d’anecdotes, William Lowenstein et Jean-Pierre Couteron se (me ?) surprennent à rêver d’une autre philosophie de vie, imaginant une sorte de cerveau idéal, une consommation sans risque, où l’on pourrait « s’acheter une part d’excitation… Une semaine de poker, comme on se prévoit une semaine de voile ou de montagne par exemple… ». Savoir, être conscient du début et de la fin de la récréation sensorielle, émotionnelle, numérique… Maîtriser, ponctuellement, ce qui va au-delà d’un attrait. Une addiction éphémère, en quelque sorte. Un pouvoir, presque, à léguer à nos enfants, pour leur éviter à tout prix les désagréments des vraies addictions, de la perte de contrôle, de soi, des autres, du monde environnant.
Ils soulignent que la complexité et le caractère multifactoriel des addictions incitent à la démission. Qu’il faut donc songer à un raisonnement d’ordre pragmatique. Cesser de poser des interdits globaux qui ne changent rien au problème mais alimentent les marchés parallèles, et proposer des « interdits par étages, progressifs, différenciés selon les âges, les personnes, etc. » Le second questionnement concerne la réduction des risques, qui n’est pas seulement le rôle des parents mais de tous les acteurs. Un ado qui désobéit à une interdiction de sortie, se retrouve en soirée et s’alcoolise, peut être pris en charge par un ami, une personne présente, qui va lui parler, l’aider à stopper sa consommation, s’asseoir, se reposer. La personne en question ne sera alors pas incitatrice mais actrice d’une réduction de risque. Elle n’a pas « facilité l’usage, mais bien évité l’événement indésirable grave ». Qui est là pour « mettre un filet de sécurité » ? se demandent les spécialistes, là est la question intéressante.
Pour le parent, être addict au dialogue
Savoir, être conscient du début et de la fin de la récréation sensorielle, émotionnelle, numérique
La question des addictions actuelles appelle donc au décorticage de ces dernières. La prévention, encore une fois, ne peut être menée à bien sans connaissances adéquates et surtout, actualisées. Il ne suffit pas au parent, à l’enseignant, à l’éducateur, de savoir à peu près. Savoir que ça existe. D’avoir une vision floue, doublée d’œillères, sur les nouvelles pratiques adolescentes. Une connaissance parcellaire des pratiques ne ferait qu’amplifier la peur, l’angoisse du parent, provoquant de facto un dialogue biaisé avec l’adolescent. Il faut vouloir savoir pour apprécier, ou non, si danger il y a. L’adulte doit se faire violence et s’intéresser à ce monde pour apprendre à en dominer les codes. Cesser de se retrancher derrière son apparente incompétence et la pseudo-difficulté d’apprentissages numériques… A-t-il seulement envie, cet adulte démissionnaire face aux nouveaux outils technologiques, de prendre le temps d’apprendre ? Il est venu, pour lui aussi, le moment de reprendre le chemin des apprentissages.
3 questions à… Vincent Dodin, psychiatre
Fragil : Pouvez-vous « lister » les addictions actuelles ? Dans l’imaginaire collectif, l’addiction est reliée à un produit, mais ce n’est pas toujours le cas…
En effet, si les addictions aux produits sont les plus connues (cannabis, alcool, tabac…), il existe aujourd’hui de nombreuses addictions sans produits. Addiction au sport, aux opioïdes, aux jeux en ligne, au sexe. Mais il y a des choses plus ou moins addictogènes. La cyberaddiction, elle, a un boulevard devant elle. Étant mal dans sa peau dans la vie réelle, on peut facilement devenir un personnage virtuel important. Là où cela devient dangereux, c’est quand cet avatar apporte plus de gratifications au jeune que la vie réelle. Cependant, contrairement aux idées reçues, le jeu vidéo n’est pas très addictogène. Beaucoup de jeunes se structurent même grâce au jeu vidéo (…) Et puis il y a cet aspect très addictif autour de la rencontre. Je fais le distinguo entre rencontre affective et sexuelle. Affectif, ce serait cette éternelle quête de l’alter ego, du double parfait…Il y a aussi tout ce qui se joue autour de l’adrénaline de la rencontre, comme on le voit à travers ces applications qui permettent de se rencontrer presque instantanément (ndlr : Tinder, Happn…)
Fragil : Comment explique-t-on que certaines personnes, plus que d’autres, vont se laisser happer par une addiction ? Et comment peut-on accompagner la personne vers le soin ?
L’addiction vient répondre à une souffrance. Le cannabis va permettre de s’apaiser, de dormir, d’aller en soirée, de s’éclater ; l’alcool va désinhiber, favoriser la rencontre… La vigilance des parents et le dialogue demeurent les meilleures armes. Dans un cas de cyberharcèlement par exemple, j’ai eu deux situations récentes. Un enfant qui avait alerté ses parents, des parents attentifs, ce qui a engendré une réaction de l’école, des rencontres parents-école, avec les auteurs des faits. Des actions de prévention ont été mises en place suite à cela. Et le cas d’une enfant qui n’osait pas en parler, car les parents étaient en instance de divorce. Elle a gardé ça pendant des mois et cela a abouti à une grave tentative de suicide avec, entre-temps, consommation d’alcool, de cannabis… Il est primordial pour l’enfant de dire les choses, à ses parents, des amis, un membre de la famille, une infirmière scolaire… Ensuite, lors de la première consultation, et les suivantes, c’est au professionnel de créer les conditions pour que le dialogue s’instaure.
Fragil : Comment peut-on se sortir de l’addiction ?
Nous avons face à nous des personnes qui n’arrivent pas à se projeter sans l’objet de leur addiction
On ne va pas se mentir, c’est un processus très long car, je le répète, l’addiction sert à quelque chose. Elle vient soulager, apaiser quelque chose. Il faut tout le soutien de son environnement, de ses parents, des professionnels. Amener tout doucement le jeune à repérer que c’est compliqué pour lui. Car il faut pour s’en échapper répondre à ces deux questions : à quoi ça (me) sert ? Et que va être ma vie sans le produit ? Or nous avons face à nous des personnes qui n’arrivent pas à se projeter sans l’objet de leur addiction. Nous sommes là pour essayer de trouver avec elles d’autres réponses plus adaptées.
Les réponses les plus adaptées se trouvent parfois dans une manière frontale d’aborder les choses. Voilà donc que derrière une porte close, je me retrouve dans l’un des ateliers, où un parterre d’adultes effarés écoute religieusement Laurent Karila, psychiatre addictologue passionnant, asséner des réalités sur le rapport à la pornographie de chérubins à peine pubères. L’e-porno, industrie rendue spectaculaire par ses chiffres, pèse aussi lourd que le commerce des armes et des médicaments. Si la banalisation du sexe derrière l’écran est un fait, de même que la pratique du sexting, rien ne sert de s’affoler avant l’heure pour les parents anxieux. Rien ne sert non plus de se voiler la face. Car, réplique le psychiatre, « en 2012, 30% de la consommation de porno est à attribuer aux 13-14 ans ». Pour autant, l’âge du premier rapport sexuel est resté sensiblement le même, aux alentours de 17 ans. Tous les ados, quelque soit le degré de protection voulu par les parents, ont accès au porno, à la maison, au collège, chez les copains, ailleurs, partout.
L’e-porno, industrie rendue spectaculaire par ses chiffres, pèse aussi lourd que le commerce des armes et des médicaments
Le danger, en tant que tel, réside encore une fois dans le non-dialogue. Il faut parler. Du caractère irréel et scénarisé de ces images faussées, de la place et du rapport à la femme, des fantasmes, du respect, de la considération, des relations amoureuses. Replacer, repenser tout cela. La grande majorité de ces adolescents aura une vie amoureuse tout ce qu’il y a de plus normale. En revanche, insiste-t-il, le visionnage d’une scène porno à caractère sadomasochiste à l’âge de 6-7 ans peut entraîner un grave trauma, si un débriefing n’est pas immédiatement fait avec l’enfant. Le poids des images versus le poids des mots.
Le regard de « l’intermédiaire »
Jocelyn Lachance, enseignant chercheur à l’université de Pau, membre de l’Observatoire Jeunes & Sociétés de Montréal, travaille lui sur ce qu’il nomme « les coulisses de l’image ». Cherchant ainsi à comprendre en quoi les technologies impactent l’adolescence contemporaine, et dénonçant au passage une forme d’« adophobie » de la part de la société. Autrement dit une société qui a peur pour ses enfants, mais également de ses enfants. Sans doute parce que nous avons la sensation de moins bien les cerner, les maîtriser. Et que la société des images amplifie considérablement cette impression qu’ils ont un espace à eux, hors de notre contrôle.
3 questions à…Jocelyn Lachance, socio-anthropologue, auteur de Photos d’ados. À l’heure du numérique
Fragil : En quoi l’adolescent d’aujourd’hui diffère-t-il de l’adolescent d’hier ?
Ce que j’ai pu observer, c’est un changement au niveau de la quête d’identité. Avant, les ados voulaient devenir des adultes, ils avaient hâte. Ce n’est plus trop le cas aujourd’hui. Ils cherchent toujours à étayer leur sentiment d’autonomie, souhaitent qu’on les prenne pour des personnes responsables, mais ils ne cherchent plus cette validation uniquement dans le regard des adultes. Le meilleur exemple est le selfie. À travers cette démarche photographique, exposée aux yeux de leurs pairs, ils viennent imaginer le regard que les autres portent sur eux, pour mieux faire valider leur expérimentation. C’est une véritable démarche de construction identitaire. La photo va changer de fonction selon le destinataire.
Fragil : Il me semble que votre analyse est basée en partie sur des propos d’adolescents, pas seulement sur des interprétations d’adultes…
Oui, quand j’ai commencé ce travail j’ai constaté qu’on oubliait souvent de demander aux principaux intéressés ce qu’ils pensaient d’eux-mêmes. Alors que cela semble pourtant logique de leur demander le sens qu’ils donnent à leur comportement. On se rend alors compte qu’il y a une véritable distorsion avec la vision des adultes. Comme cette jeune fille, qui m’explique qu’elle a pris un risque lors de son premier selfie en public, car elle osait à ce moment montrer aux autres qu’elle avait autant de valeur qu’eux en se prenant en photo. Il faut donc connaître le sens premier donné par l’auteur à la photo, sinon on ne peut pas intervenir efficacement en cas de besoin.
Fragil : Demeurent-ils conscients des « vraies » prises de risque ?
(Sourire). Ce que vous appelez « vraie prise de risque », ce sont les risques du point de vue d’un adulte. Mais attention, je ne dis pas qu’il faut les banaliser ! Je dis seulement que si l’on veut parler de risque aux adolescents, il faut éviter un langage adulto-centré, car on va alors parler une langue qu’ils ne vont pas comprendre. Alors bien sûr il faut une éducation à l’image mais il faut surtout se demander : que fait-on de cette nouvelle visibilité des expérimentations adolescentes ? Les expérimentations ont toujours existé mais on n’y avait pas accès jusqu’alors. On peut aussi prendre l’exemple du sexto, tiens. Selon les études réalisées, le premier sens donné par l’adolescent au sexto c’est faire confiance. C’est un rite d’engagement, mais ce qui est paradoxal, c’est que ça fonctionne parce qu’il y a un risque de diffusion. La vraie question, c’est pourquoi ces adolescents sont obligés d’en arriver là, à se mettre en otage pour pouvoir démontrer leur confiance ? Là où il y a un vide de transmission, les adolescents vont développer de nouvelles manières d’interagir. Quand on invente une nouvelle façon d’être, c’est qu’il y a une nécessité anthropologique. Il y a un travail à faire autour de l’estime de soi, de la confiance. C’est cela que ces comportements révèlent.
Une société qui a peur pour ses enfants, mais également de ses enfants
Le regard des autres, le regard sur soi, c’est ce qui a conduit nos derniers interlocuteurs de la journée à venir témoigner de leur parcours de vie. Non sans courage, non sans panache. D’anciens sportifs de haut niveau, qui, une fois l’éclat de leur carrière passé, ont sombré dans la dépression, la toxicomanie, le manque. Le manque de sport, de reconnaissance, le manque de projets, de perspectives d’avenir revigorantes. Et puis il y eut Jean-Luc Verna, artiste polymorphe, qui a fait de son corps une histoire, une toile. La peinture pour saisir quelque chose de la douleur. Le corps comme exutoire. Homme aux mille facettes, aux mille addictions. S’épanouir, s’échapper de l’antre d’une mère castratrice et méprisante, au prix de toutes les folies corporelles et substances illicites. De la prostitution aux amphétamines, de la dépression à l’internement, devant un public conquis et subjugué par tant de franchise, il eut cette phrase sublime, qui a saisi la salle dans un souffle : « Aujourd’hui je crée ma propre fête, je ne la consomme pas. » Puisse la jeunesse en faire autant.
Elsa Gambin
Photos : DR ; Pib
Merci à tous les interviewés pour leur disponibilité et un grand merci à Nicolas Mémain-Macé, responsable du projet, pour son accueil.
Pour signaler tout contenu illégal sur le web.
Pour retrouver des travaux de Jocelyn Lachance.
Les actes des 6èmes Assises Prévention Addictions seront prochainement téléchargeables sur le site de la ville d’Ancenis.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses