
Festival Les Orientales 2010
Rama Vaidyanathan, la quintessence du Bharata Natyam
Rama Vaidyanathan fait partie des meilleures danseuses indiennes de Bharata Natyam. Sa présence aux Orientales démontre, une nouvelle fois, la grande qualité de ce festival de musiciens, acrobates, magiciens et danseurs d’Orient, à Saint-Florent Le Vieil (49). La légèreté, la grâce et la maitrise de sa prestation dans le majestueux cadre du Palais Briau, aura permis à une poignée de chanceux spectateurs de vivre une expérience unique mêlant l’Inde sacrée et le siècle de Napoléon III. Rencontre avec l’élite du Bharata Natyam : Rama Vaidyanathan et ses musiciens.
Rama Vaidyanathan virevolte tel un magnifique oiseau esseulé dans le grand hall du Palais Briau. Ses gestes précis, finement chorégraphiés, de l’extrémité de ses doigts jusqu’à la pointe de ses pieds, nous narrent des instants de vie du dieu Krishna, ou se libèrent de toute contrainte narrative pour offrir des moments de danse pure. Vidya Srinivasan chanteuse, Ramamurthy Sriganesh percussionniste et GS Rajan flûtiste et compositeur de toutes les musiques nous enchantent. L’envoûtement opère et pendant une heure nous errerons entre deux mondes, le divin et le profane, l’orient et l’occident.
Fragil : Qu’est-ce que le Bharata Natyam ?
Rama Vaidyanathan : Le Bharata Natyam est une danse, dont les origines remontent à deux mille ans, et qui s’est particulièrement développée entre le XIVe et XIXe siècle au Tamil Nadu, état du sud de l’Inde. Il était pratiqué par les Devadasis, servantes des dieux, uniquement dans les temples. C’est une danse dédiée à l’évocation de l’amour qu’éprouvent ces Devadasis pour leur seigneur. Celle-ci, interdite sous la domination anglaise, connut un déclin. Mais à partir des années 1930, le Bharata Natyam revit un âge d’or en sortant des temples pour se produire dans les théâtres de Chennai (Madras) et s’est alors répandu en Inde et dans le monde entier à la vitesse d’un feu de forêt.
Fragil : Plusieurs courants existent dans le Bharata Natyam, où vous situez-vous ?
Il y a tant de chose dans mon esprit que je souhaite exprimer
Rama Vaidyanathan : Il n’existe pas de style spécifique de Bharata Natyam, chaque danseur a son propre style. J’ai préféré transcender les genres et m’inspirer des différents courants pour imprimer ma touche personnelle. C’est un dialogue de tous les jours entre la danse et moi. J’exprime certes une technique, mais le Bharata Natyam est surtout une philosophie de vie. Quand vous maîtrisez un langage vous pouvez l’utiliser pour l’interpréter à votre façon. J’ai essayé d’utiliser le Bharata Natyam comme un médium d’expression, pas uniquement de la mythologie indienne, mais aussi de la philosophie indienne, et de ma propre perception de la nature, de l’environnement, de la paix ou de la place des femmes. Il y a tant de chose dans mon esprit que je souhaite exprimer.
Fragil : Comment réussissez-vous à faire votre cette danse très codifiée ?
Rama Vaidyanathan : Le caractère de la personne se réfléchit dans sa danse, ce que je danse, c’est moi. Chacun de mes mouvements exprime ma philosophie de la vie, mon attitude et ce que je suis. Chaque danseur doit donc être honnête avec sa danse, pour renvoyer le meilleur de lui-même. Pour proposer quelque chose de nouveau dans la danse, il faut être parfaitement à l’aise avec la technique, afin qu’elle ne soit plus une contrainte. A partir de là, on passe le cap entre le danseur et l’artiste.
Fragil : Vos musiciens jouent-ils une musique traditionnelle ? Et comment se construit votre relation avec eux ?
C’est une danse classique, elle est pour les classes instruites et non pour les masses
Rama Vaidyanathan : Pour créer une nouvelle chorégraphie, j’ai besoin d’une musique originale et ce processus de création est long. L’idée m’imprègne pendant longtemps, comme une marinade épicée. Cette maturation peut prendre plusieurs mois avant de sortir de moi pour devenir un mouvement. C’est à ce moment là que je peux exprimer mon concept et que GS Rajan est en mesure de composer une musique originale et de transcrire ma vision de la danse à travers sa musique. Une autre méthode est de retranscrire des poèmes anciens en musique pour composer quelque chose de nouveau.
Fragil : Que reste-t-il de la dimension sacrée du Bharata Natyam ? N’a-t-il pas été perverti par le cinéma Bollywood ?
Rama Vaidyanathan : Certes, le Bharata Natyam ne bénéficie pas d’une aussi grande popularité que la danse Bollywood. C’est une danse classique, elle est pour les classes instruites et non pour les masses. Pour comprendre et profiter du Bharata Natyam, il faut avoir un certain état d’esprit, une éducation. Cependant en Inde, une petite audience représente beaucoup de public. Il ne s’agit pas uniquement d’un divertissement, les spectateurs y cherchent aussi une dimension spirituelle. Il ne faut pas oublier que le Bharata Natyam est initialement une danse pour célébrer la dévotion envers les dieux.
Texte : Vincent Hallereau
Photo : William Allegre
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