
20ème Festival du cinéma espagnol 2010
Mariano Casanova, Distrito 14 et l’amour du Rock
Rencontre avec Juanma Bajo Ulloa, réalisateur, et Mariano Casanova, rockeur.
Historia de un grupo de rock de Juanma Bajo Ulloa ne raconte pas l’histoire de musiciens qui ont trouvé la gloire, mais celle de Distritocatorce, un groupe de rock culte espagnol bien qu’inconnu de la majorité du public, qui s’apprête à monter pour la dernière fois sur scène après 25 ans de carrière. C’est de façon inattendue que Juanma Bajo Ulla, après en avoir reçu la demande, assiste au concert le plus émouvant de la carrière du leader Mariano Casanova, et décide de réaliser un documentaire rendant hommage au groupe et à son histoire.
Ce documentaire est la preuve qu’il faut savoir dire "au-revoir". C’est une sorte de testament musical
Historia de un grupo de rock raconte une grande aventure humaine. Celle d’une vie pour Mariano Casanova qui a consacré toute son existence à la musique et à l’écriture, mais aussi le rêve partagé de quatre gosses passionnés de musique, issus des quartiers de Saragosse.
Le film retrace toute l’histoire de ce groupe parmi tant d’autres qui cherche à se faire connaître. Influencé à ses débuts par la vague punk, ils enregistrent un premier album en Allemagne avec les moyens du bord, puis rencontrent un succès inattendu à Cuba après de multiples concerts, avant d’enregistrer un nouvel album à New York. Petit à petit, le groupe parvient à conquérir par des textes passionnés un public qui le soutiendra tout au long de son existence, jusqu’à l’ultime représentation à Saragosse en 2008. Historia de un grupo de rock est un film émouvant qui témoigne d’un mode de vie en extinction. Rencontre avec Juanma Bajo Ulloa, le réalisateur, et Mariano Casanova, la figure principale de cette œuvre qui est considérée par certains comme le premier Documentaire Romantique sur le Rock.
Fragil : Pourquoi avoir choisi de réaliser un film sur Distrito 14 ?
(Juanma) Mariano m’a appelé pour me proposer de réaliser un film sur le dernier concert du groupe. Je ne connaissais absolument pas ce groupe, et depuis toujours je n’avais fait que de la fiction. Je ne savais donc pas par quel bout commencer et comment m’y prendre pour ce genre d’exercice. En somme, tous les éléments étaient contre ce projet ! C’est pourquoi j’ai dit oui ! La fiction utilise par définition un matériau qui n’est pas réel, artificiel. Il faut habiller les acteurs, écrire les dialogues. Il faut tout inventer. Pour un documentaire, on travaille avec la réalité et c’était un défi pour moi. J’ai accepté ce travail car je trouvais cela intéressant de parler d’un groupe qui a eu un succès personnel et pas commercial. D’habitude, cela concerne plutôt des groupes très connus.
F : La recherche de reconnaissance du groupe fait-il écho à votre propre parcours ?
Ma mère, après avoir assisté à la projection à Victoria, m’a dit « c’est l’histoire de nos vies ». Pour moi le cinéma est une vocation, pour Mariano c’est la musique, et cela implique des contraintes économiques. C’est pareil pour nous deux finalement.
F : Comment expliquez vous que le groupe n’ait pas réussi à imposer sa musique comme il le souhaitait ?
(Mariano) La raison principale est que les plus gros efforts ont été fournis pour les chansons, pas pour le studio ni la communication. Notre manager ne nous a pas soutenus. Il nous disait que l’on était indéfinissables (ni rock, ni indie, …). Nous n’avions pas l’habitude d’aller aux fêtes pour les « relations publiques ». Mais, pour moi, nous avons réussi et nous nous sommes malgré tout épanouis dans ce que nous faisions. Je ne regrette rien, mais si je le devais, je regretterais le temps passé à donner des coups de fils, et à être mon propre manager. Cependant en prenant du recul, cela m’a apporté une certaine expérience.
F : Le film de Juanma vous a-t-il par la suite apporté la certaine reconnaissance musicale que vous cherchiez ?
Ce projet a permis à beaucoup de découvrir le groupe. Et dans les différentes interventions qui ont eu lieu, la première question était « allez-vous vous reformer ? »
F : Qu’est-ce que représente « historia de un grupo de rock » pour Distrito 14 ?
On avait déjà réalisé des documents auparavant, des concerts filmés notamment. Ce documentaire n’existerait pas sans notre séparation. Il faut être honnête, on a bien fait d’arrêter. Ce documentaire est la preuve qu’il faut savoir dire « au-revoir ».
(Juanma) C’est une sorte de « testament musical ». J’aime bien cette notion de testament, elle implique un héritage.
F : Est-ce que votre histoire montre qu’on n’a pas besoin de vendre des millions de disques pour donner du plaisir et de l’émotion au public ?
(Mariano) Il n’existe pas de relation entre vendre des disques et toucher le public. Il existe plein de groupes qui ne réalisent pas de ventes massives mais qui le touchent. C’est l’essence même de la démocratie et de la liberté. On n’est pas obligé de suivre tous les mêmes groupes et on est tous libres de faire des choix.
F : Comment expliquer cette évolution musicale au fil des ans ? D’abord punk, vous êtes devenu plus "sentimental".
(Mariano) C’est une évolution naturelle, personnelle dans le temps, elle est vitale car nous avons eu effectivement une période punk, puis nous sommes passés à autre chose… Mes paroles sont comme ma vie. J’écris ce que je vois, ce que je vis. C’est une évolution normale et je reste fidèle à cela. Si on fait semblant ça ne colle pas, je deviendrais moi-même « une blague ».
F : Qu’allez-vous faire maintenant que le groupe s’est séparé ?
Ces deux dernières années, nous avons consacré beaucoup de temps au film, à le présenter aux différents festivals. Sinon j’écris tout le temps des chansons, je suis un vrai malade de la composition. J’ai hâte de commencer une carrière à zéro, une carrière solo cette fois-ci !
Thomas Cléraux et Jean Annaix
Le trailer du film (en espagnol) :
Plus
Le festival du cinéma espagnol
Le site officiel de Distrito 14
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Équipe : Solène Castex, Jean Annaix, Thomas Cléraux, Caroline Dubois. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal.
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