Univerciné Cinéma Britannique 2009
Amour et xénophobie en huis clos
Rencontre avec Caradog James, réalisateur de Little White Lies
Little White Lies, en compétition au dernier Festival Univerciné du Cinéma Britannique, s’attaque à un problème de société : le racisme dans les classes populaires. Traité avec humour et utilisant le hors-champ, le film se focalise sur une famille galloise déchirée.
Little White Lies ou petits mensonges pieux. Ce film gallois nous livre une chronique du racisme ordinaire dans une petite ville du Pays de Galles. Le spectateur pénètre dans le quotidien d’une famille au bord de la crise de nerfs : le père au chômage passe son temps devant la télévision alors que la mère essaie tant bien que mal de préserver les rapports familiaux. La cause : la fille tombe amoureuse d’un Indien alors que le fils est secrètement membre actif du British National Party.
Caradog James, scénariste, producteur et réalisateur gallois, a connu de nombreux succès avec ses court-métrages, téléfilms et adapations de romans. Il a fondé la société de production Red and Black Films en 2006 dont Little White Lies est le premier long-métrage. [1]
« L’humour, c’est surtout un moyen de faire passer la pilule »
Caradog James est avant tout un réalisateur. Il pense par dessus tout que son rôle est de divertir et non pas de donner des leçons. « Ce ne serait pas approprié car la morale appartient aux spectateurs. Si je m’étais positionné en tant que donneur de leçon, le message ne serait pas aussi bien passé. » C’est certainement ce qui explique l’usage de l’humour pour un sujet aussi grave et sensible que le racisme. L’exagération et l’humour grossier des acteurs issus de cette classe ouvrière font oublier au spectateur le drame sous-jacent. Ici le réalisateur se dit « volontaire pour témoigner d’un point de vue particulier d’une famille de classe populaire. » En choisissant de montrer indirectement la violence tout en faisant transparaître la haine, il laisse au spectateur une part importante d’imaginaire et de réflexion qui sont pour lui indispensables.
Pour les distributeurs, Little White Lies manque de stars, de sexe et de violence.
Centré sur cette famille galloise renfermée sur elle-même, le thème du film se trouve alors relégué en hors-champ. Le réalisateur fait le choix délibéré de ne pas montrer l’objet de la haine populiste. Les voisins homosexuels seront à peine entrevus et la communauté indo-pakistanaise ne sera jamais montrée. La violence mise en scène se limite au verbe, à des plaisanteries sordides, des insultes, des dialogues brutaux. Pourtant le climax du film se révèle être un meurtre, celui dont est victime le père de l’amant indien. Chacun cache, chacun ment, jusqu’à ce que la vérité éclate : front national contre amour mixte. Ces non-dits constituent le fond dramatique d’un film tiré d’une pièce de théâtre. L’actrice Helen Griffin impose sa présence de mère cherchant à concilier l’impossible ; elle est l’auteur de la pièce.
Little White Lies a reçu de nombreuses récompenses, mais le film peine pourtant à trouver un distributeur en Grande Bretagne. Caradog James a essuyé un refus de la BBC, visiblement pour trois raisons : « Le sujet est trop délicat, le film ne se déroule pas en Angleterre et manque sensiblement de star, de sexe et de violence ». Paradoxe, car les média, "et notamment les tabloïds anglais", exacerbent la peur de l’autre et encouragent parfois le nationalisme en voulant se préserver de l’étranger. « Étonnement, le film a très bien été accueilli en Russie, pays dans lequel les disparités culturelles sont nombreuses. C’est pourquoi ils s’y reconnaissent. » Voir que les Russes s’identifient à une famille galloise soumise à la peur de l’Autre montre à quel point la xénophobie est un sujet universel, qui frappe les sociétés en crise.
Voir la bande annonce de Little White Lies
Thomas Cléraux et Caroline Dubois
Plus d’infos :
Maison de production Red and Black Films
Le Katorzacinéma art et essai
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Equipe : Solène Castex, Jean Annaix, Thomas Cléraux, Caroline Dubois. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal et Renaud Certin.
[1] Caradog James a également été nominé comme Meilleur Réalisateur par deux célèbres académies britanniques (BAFTA et BIFA).
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