
Théâtre italien contemporain
"Per il bene di tutti", quand la peur de l’autre prend le dessus
Pièce de théâtre en italien, présentée par la troupe I Chiassosi
C’est un phénomène sans frontière : le racisme, la xénophobie, la peur de l’autre – souvent lié à une vague d’immigration récente. Avec la pièce "Per il bene di tutti" (Pour le bien de tous) de Francesco Randazzo, présentée par la compagnie I Chiassosi, le racisme mis en scène dans un petit village d’Italie sert ainsi d’exemple des (re-)sentiments susceptibles d’émerger partout. Le 11 février dernier, les comédiens toulousains invités par l’association Nomade Culture, l’ont jouée au pôle étudiant de l’Université de Nantes - en version originale surtitrée en français. La troupe a ensuite discuté de la problématique sensible du racisme avec le public nantais.
La pièce de Francesco Randazzo,soulève des questions pertinentes à l’heure actuelle : comment gérer la « menace » de l’autre ? Comment enrayer l’apparition des sentiments de xénophobie ?
Ce sont des gens ordinaires qui habitent un petit village à la frontière de l’inconnu. Séparés des « autres », des étrangers indésirables du village voisin, par un fleuve, ils ont l’impression d’être menacés. Les habitants commencent à réfléchir : il faut développer des stratégies pour se protéger. Sous forme de milice anti-immigrés, ils organisent des rondes nocturnes aux berges du fleuve, déterminés à agir au nom de leur village entier – pour le bien de tous.
Mais une nuit, ils capturent un jeune « clandestin ». Des questions se posent : Qu’est-ce qu’on va faire avec l’intrus ? Comment réagir ? Dans une supérette, les habitants s’assemblent et discutent. Qui est l’autre ? Vont-ils réussir à convaincre tous les villageois qu’il est forcément « dangereux » ?
Une pièce tirée vers l’abstraction
Per il bene di tutti dépeint des clichés et des inquiétudes envers l’étranger. L’accord absolu des habitants vis-à-vis du « danger » que représente l’autre, même au prix de la falsification des faits, frappe le spectateur. La mise en scène fuit tout réalisme : les accessoires sont blancs et transparents, les caisses de la supérette sont vides. Bien que le metteur en scène, Jean-Claude Bastos, tire la pièce vers l’abstraction, il cherche aussi à donner une humanité à ses personnages : des villageois angoissés, embarrassés, indécis, pieux, qui, face à la « menace » de l’étranger, ne se rendent pas compte du danger qu’ils représentent eux-mêmes. Cela ne leur en donne que plus de force.
Des idées populistes et faciles
La pièce de Francesco Randazzo, écrite en 1996, soulève des questions particulièrement pertinentes à l’heure actuelle : comment gérer la « menace » de l’autre ? Comment enrayer l’apparition des sentiments de xénophobie ?
Pour cela, la compagnie I Chiassosi, qui réunit étudiants en italien et professionnels du théâtre à l’Université de Toulouse, a souhaité discuter de la thématique du racisme avec les spectateurs après la représentation. « Ce sont des clichés très faciles », explique Matteo Rasero, l’un des comédiens. « L’autre veut mon travail, ma femme, il va brûler mon église – des idées populistes qu’on trouve souvent dans le fascisme. » Des Italiens présents dans le public se sont montrés très émus de constater que certaines scènes de la pièce leur rappelaient ce qui se passe aujourd’hui même en Italie.
Bien que la pièce soit écrite en italien, elle ne se limite pas à la seule péninsule, d’ailleurs les noms des personnages sonnent allemand et font référence à d’autres pays européens confrontés à la montée de la peur et du racisme : « On est en train de diviser le monde en deux », déclare Marion Dargent, ancienne membre de l’équipe et étudiante du master « Médiation Culturelle et Communication Internationale » à Nantes. « Le racisme et la xénophobie sont utilisés pour expliquer, voire justifier la criminalité, le chômage, les problèmes financiers. »
Per il bene di tutti traite de cette problématique sensible sans offrir de solution. La pièce montre le comportement terrible d’un groupe humain quand la peur de l’autre prend le dessus. Après, c’est le public qui se demande : aurait-on pu empêcher ce développement ? Quand aurait-on pu intervenir ? Et comment peut-on gérer une peur qui semble faire tout oublier ?
Verena Schneider
Photos : Nicole Reinhardt
Per il bene di tutti a reçu le prix Candori Arta Terme en 1996.
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