
Maximum volume yields maximum results
L’expérimental Sunn O))) à l’Olympic
Dans les abîmes des musiques extrêmes, il est parfois difficile d’y voir clair. Hermétique et sectaire, Sunn O))) impose années après années un son qui lui a donné toute sa renommée. La venue du groupe à l’Olympic met en lumière une musique chercheuse et pionnière. Une déflagration noire et mystique, où seuls les larsens de guitares dispersent la brume d’un chant envoà »té.
Face au public de l’Olympic, se tiennent les deux clés de voûte de Sunn O))) : Stephen O’Malley et Greg Anderson, chacun vêtus d’une robe à capuche héritée de la tradition chrétienne. Derrière ces silhouettes, on aperçoit dans les volutes de fumée des colonnes de machines imbriquées les unes aux autres. Le premier frottement de cordes donne le ton : un bourdon assourdissant d’infra-basses et de larsens envahit la salle, jamais il ne la quittera. Terriblement dissonant et organisé, le son de Sunn O))) met à l’épreuve le physique. L’ensemble du set est joué sans interruption, dans un seul et même mouvement. Les puissantes montées sonores martèlent le plexus, et créent une toile de fond permanente sur laquelle chaque nouvelle variation musicale trouve réponse dans le corps du spectateur.
Un bourdon assourdissant d’infra-basses et de larsens envahit la salle, jamais il ne la quittera.
Face à une telle puissance, dur d’y retrouver un semblant de déjà-vu. Aucun élément du rituel Sunn O))) ne permet de revenir en terrain connu. Qui plus est, ce serait une erreur. Voici donc une expérience au sens strict, où l’on fait face aux évolutions d’un set tout sauf prévisible, qui d’un mouvement ininterrompu encercle début et fin dans une même atmosphère. La seule garantie est la maîtrise des deux piliers du temple expérimental Sunn O))) et d’Attila Csihar. Débarqué de Mayhem [1] Il est ici le frontman et rend incarné la musique de Sun O))). Sa présence et son aura contraste avec la pesanteur et la lenteur des progressions mélodiques des musiciens. Le chant typé de Csihar croise les techniques orientales du chant diphonique et celles du black metal.
Ils trouvent leur place à côté des têtes chercheuses qui traversent les genres pour enrichir leur musique
Loin de se cantonner au genre (d’ailleurs, peut-on les classer dans un seul genre ?), Sun O))) dépasse quelconque carcan. Si les influences et les références, notamment dans la scénographie, sont issues de l’imagerie black metal (habit de prêtre noir, chants incantatoires qui confèrent à l’ensemble une atmosphère mystique et rituelle), la recherche sonore et le format scénique ancre leur musique dans une dimension beaucoup plus large. Entre post-rock éthéré, ambient et noise, les expériences de Sun O))) forment un ensemble complexe. Avec une dizaine d’années derrière eux et des collaborations avec quelques maîtres des musiques expérimentales (Merzbow en tête), Sun O))) se hisse au sommet. Ils trouvent leur place à côté des têtes chercheuses qui traversent les genres pour enrichir leur musique. C’est sans doute le point d’accroche pour une oreille néophyte, le point d’accroche qui permettra de parcourir les arcanes de ce groupe à part.
Romain Ledroit
Hautes origines du rituel des basses : l’histoire de SunnO)))
Stephen O’Malley et Greg Anderson sont les membres fondateurs de Sunn O))). Après avoir brièvement appelé leur duo Mars, ils ont choisi le nom Sunn O))) (prononcez "sun") en référence au fabriquant d’amplificateurs basses éponyme, mais aussi en hommage au groupe de drone de Dylan Carlson, Earth, arguant que "le Soleil tourne autour de la Terre".
Toujours bruyants et sans concession, Sunn O))) a sollicité et obtenu la participation de Merzbow sur l’album Flight of the Behemoth, où Masami Akita a pu laisser libre cours à ses distorsions dans des morceaux construits en montées sonores.
Ils se sont ensuite rodés à un style de plus en plus travaillé et subtil dans les albums White1 et White2 composés de manière collaborative. C’est sur White2 que Attila Csihar fait sa première apparition.
Black One marque un tournant. La collaboration avec des artistes de Black Metal s’est confirmée puisqu’on y note la présence du meneur de Xasthur, Malefic, ainsi que celle de Wrest, de Leviathan, personnages influents de la sphère Black Metal américaine. La démarche de Sunn O))) s’est finalement orienté assez rapidement vers une transversalité de l’expérimental, en multipliant les apparitions d’invités parfois inattendus, mais toujours issus du milieu "underground" et très souvent du Black Metal. Pourtant, ces multiples apparitions ne dénaturent pas le son de Sunn O))). Au contraire, elles le magnifient et y ajoutent une dimension toujours nouvelle.
Ainsi, en 2006 sort Altar, collaboration avec les japonais Boris. Sur Altar, les deux styles se mêlent à merveille pour créer un sens nouveau, avec la noirceur de Sunn O))) et les interventions plus positives de Boris. Enfin, Monoliths & Dimension s’abat en 2009. O’Malley et Anderson proposent à Attila Csihar d’écrire les paroles, d’imaginer l’atmosphère et les thèmes à mettre en scène de cet album. Le résultat est plus que probant, la musique de Sunn O))) y gagne en spectaculaire sans se départir de son ambiance, la voix devient un élément central de la musique et les influences culturelles explosent littéralement, dans un déchaînement rituel d’ampleur cosmique. Si le "maximum volume yields maximum results" des débuts est toujours présent, il est mis au service d’une subtilité plus précise, et porte Sunn O))), s’il en était besoin, au rang des incontournables de l’expérimental.
Antoine Piers
Merci à Christophe Ehrwein de Konfuzi Booking
[1] pionnier du black metal connu pour leurs scénographies excessives et une histoire chaotique.
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