
Rencontre avec La Rue Kétanou
La Rue Kétanou à contre-sens
Programmant des artistes locaux, nationaux et internationaux, la Coopérative de Mai se veut l’une des plus importantes scènes de musiques amplifiées de la région Auvergne. C’est dans cet endroit aux projets ambitieux que La Rue Kétanou a choisi de se produire le 15 juin dernier.
A la fois drôle et fragile, la poésie est dans la Rue
Concernant l'Hadopi, je crois qu’on n'a pas encore trouvé la solution. Je crois qu’il faut faire appel au civisme des gens et au respect de l’artiste
On ne se sent pas de s’investir dans un parti-pris particulier, c’est pourquoi tu ne nous verras pas à des événements comme la Fête de l’Huma, par exemple.
Si cette “fratrie” respire la simplicité, son parcours est atypique et les chemins qu’elle emprunte invitent au voyage perpétuel. Formé il y a 20 ans au Théâtre du Fil, ce “tryo” [1] qui a débuté sur le bitume de l’île de Ré, nous livre avec la même ferveur qu’à ses débuts un quatrième opus.
Armés de leurs fidèles guitares et accordéons, lorgnant entre chanson française, rap, flamenco et accents tziganes, les musiciens de Rue Kétanou créent une atmosphère riche de leurs voyages “tout au bout du bout du monde”. Fait d’ailleurs, mais aussi d’ici, À contre-sens est un album qui s’enracine dans les thèmes de la vie quotidienne. Un léger goût de doux amer se révèle à travers des textes où chacun d’entre nous se reconnaît. Ce cocktail de chansons françaises continue d’esquisser une idée vieille de 40 ans que Léo Ferré n’avait de cesse de clamer : “Le vers est musique, le vers sans musique est littérature.”
A la fois drôle et fragile, la poésie est dans la Rue. Rencontre avec Mourad, un éternel heureux.
Fragil : Plus de 10 ans de scène déjà, avant de parler de la sortie de l’album A Contre Sens, quel bilan fais tu de ces 10 dernières années ?
Mourad : Je ne ferai pas un réel bilan car ce serait trop long, je parlerais plutôt d’une évolution incongrue qui se passe depuis 20 ans dans le plaisir et la bonne humeur. On a commencé au Théâtre du Fil, dans la rue, dans les bars, et aujourd’hui on est sollicité sur des scènes qui dépassent les 5000 spectateurs. L’apprentissage des grands espaces à travers les Zénith et grands festivals, cela pousse aussi à l’évolution technique. Aujourd’hui, on travaille beaucoup plus sur nos guitares et nos accords. Ceci dit on ne délaisse pas pour autant les textes et on reste toujours prêt pour des concerts sauvages !
Avez-vous conscience de votre influence sur l’actuelle scène française : musicalement d’abord puis dans la manière de gérer votre carrière ? Je pense au choix de Ladilafé Prod comme label, par exemple…
Oui on a conscience qu’on fait partie d’une époque et tant mieux. On est heureux de savoir que nos chansons voyagent. L’auto-production, c’est une chose très difficile, c’est l’autonomie totale. Mais c’est un choix que nous avons fait lorsque Sony s’est séparé de Patricia Bonneteau, directrice de notre label Ladilafé Prod. On n’avait plus la même volonté que les maisons de disques, et c’est également une façon de rendre aux petits qui nous ont aidés ce qu’on leur doit aujourd’hui. Parce que la pression n’est pas la même lorsqu’on s’auto-produit.
Justement, dans une période de changement profond, la sphère de l’industrie musicale n’est pas épargnée. Que penses tu par exemple de la musique équitable ? Saurais tu me l’expliquer ?
Je connais pas ce concept c’est quoi ? Aujourd’hui les subventions vont je pense un peu trop souvent aux mêmes endroits, plus les groupes sont chers, plus les spectacles sont démesurés et plus on prive les jeunes artistes d’opportunités. Si la musique équitable propose de remettre un équilibre dans tout ça, pourquoi pas ! Oui à la musique équitable !
Quid de l’Hadopi ?
Concernant l’Hadopi, je crois qu’on n’a pas encore trouvé la solution. En même temps, je comprends qu’une personne qui ne souhaite écouter que une ou deux chansons de La Rue Kétanou n’achète pas notre album. Je crois qu’il faut faire appel au civisme des gens et au respect de l’artiste, si tu aimes et souhaites écouter tout l’album tu l’achètes, si tu n’aimes que moyennement, tu télécharges, pourquoi pas ? Je ne sais pas, je n’ai pas la réponse à ce problème.
Vous revenez avec autant de chansons engagées que dans votre précédent album, dans quel état d’esprit s’est-il fait ?
Dans la rigolade et la convivialité. On a vécu pas mal de chose chacun de notre côté, on a fait des enfants, on a divorcé et aujourd’hui on se retrouve pour boire un pot entres potes et on produit un album. Mais on a invité d’autre gens aussi, parce qu’on apprécie de partager avec les gens qu’on aime. Je pense notamment à Mon Coté Punk.
A quoi va ressembler la nouvelle tournée ?
A une promenade entres potes ou justement on peut inviter plein de monde et rencontrer plein de monde.
Vous invitez à un engagement citoyen, c’est le rôle de l’artiste selon toi ?
Oui je crois, sans pour autant faire de parti-pris. Un album représente l’époque dans laquelle tu es, on préfère aujourd’hui parler de bohème plutôt que de galère, de vie et d’amour plus que de politiques et de problèmes sociaux. On ne se sent pas de s’investir dans un parti-pris particulier, c’est pourquoi tu ne nous verras pas à des événements comme la Fête de l’Huma, par exemple.
Aujourd’hui, on s’intéresse de plus en plus à la solidarité de proximité. Je pense notamment à l’Orange RockCorps, qui propose quatre heures de bénévolat pour une asso caritative en échange d’une place de concert. Qu’en penses tu ?
Je trouve ça bien, juste un peu dommage que ce soit un “Orange RockCorps”. Nous, on a déjà une démarche de ce type, on fait déjà des concerts de soutien pour des assos, on donne du temps pour les Restos du Cœur. Je pense de toute façon que la solidarité est un travail d’avenir, on en a de plus en plus besoin.
Un mot, un instant, une envie, que tu aimerais transmettre…
N’oubliez pas d’aimer.
Propos recueillis par Stéphanie Dupin
Photos : Patrice Molle)
Tout sur La Rue Kétanou : http://www.larueketanou.com/.
[1] Tryo est l’un des premiers groupes pour lesquels La Rue Kétanou a fait des premières parties.
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