
Clôture du dispositif “Premières Scènes” de la BaraKaSon
Qui a parlé d’amateurs ?
Six groupes nantais se révèlent à la BaraKaSon
Plus d’un an après sa réouverture, la BaraKaSon de Rezé (44) a vu se dérouler dans ses murs, les 23 et 24 janvier derniers, l’épilogue d’un de ses projets phares : le dispositif “Premières Scènes”. Celui-ci a pour objectif d’accompagner et de former des groupes en voie de professionnalisation, avec, pour chacun des six sélectionnés, des résidences à la BaraKason et un travail de pré-production au studio Terminus 3. Les groupes sélectionnés il y a huit mois se sont illustrés le week-end dernier lors de deux soirées de concert.
Loin des standards destructeurs et provocateurs d’un certain rap…
Mr Jack au chant, boule de nerfs qui n’a rien à envier à un certain Mathias Malzieu…
Pour la première soirée, trois groupes représentants trois courants musicaux bien distincts se succèdent sur scène. Tout de suite, ce qui surprend, c’est que nous sommes loin de tout amateurisme. Compositions, technique, présence scénique : nous nous retrouvons devant des groupes ayant, déjà, une solide expérience.
La pop mélancolique des Nanas Invisibles Ultra
C’est aux Nanas Invisibles Ultra que revient la difficile tâche de lancer la soirée. Quatre filles cravatées et un garçon cagoulé investissent la scène et proposent une douce pop légèrement mélancolique. L’instrumentation se veut minimaliste, mais les harmonies vocales et les mélodies sont, elles, plus sophistiquées, plus raffinées. L’influence du Velvet Underground, avec des chansons comme Sunday Morning, Femme Fatale ou Stephanie Says, est très clairement identifiable, mais les Nanas Invisibles Ultra savent s’en libérer, et donnent à entendre des chansons douces-amères teintées d’une certaine désinvolture. Désinvolture que l’on retrouve, hors scène, dans le refus d’une certaine promotion, et dans la façon d’envisager l’avenir du groupe, au jour le jour : “Ça marche c’est bien, ça marche pas, tant pis !” Un certain esprit punk serait-il passé par là, à moins que ce ne soit un léger je-m’en-foutisme ?
Le rap subtil de Blacksad
Puis vient le moment pour Blacksad de prendre possession de la scène. Seule véritable “première scène”, et incontestable claque de la soirée. Ce jeune rappeur, issu de la campagne mayennaise, nous invite “à rentrer dans son intérieur”. Tout d’abord physiquement puisque la scène est aménagée de façon à ce que nous nous sentions dans l’intimité de sa chambre : des fauteuils, une table basse, un projecteur de diapos, des chaussures jonchent le sol, une photo de Martin Luther King est affichée au mur, on aperçoit les platines dans un coin… Grâce à des textes finement ciselés – il travaille ses compositions depuis 2002 –, loin des standards destructeurs et provocateurs d’un certain rap, il nous emmène dans le quotidien d’un jeune, né au pays, qui grandit dans un village français où il est le seul Noir, l’intrus, le bouc-émissaire désigné. Blacksad s’avère tout aussi conscientisé lorsque qu’il évoque les drames des enfants soldats ou de l’ouragan Katrina. Enfin, il évoque avec ironie et humour les relations amoureuses, l’angoisse du lundi matin, les travers du rap.
Pour mettre en son ses textes, Blacksad a invité dans sa chambre, et donc sur scène, son ami R-Kut, 3e au championnat de France de DJ en 2007. Le jeu de scène qu’ils ont su créer, à travers une véritable histoire, des dialogues, des échanges avec le public, est un vrai régal. Même si des hésitations, de légers temps morts, et des trémolos dans la voix, liés au trac, se font parfois sentir. Nos deux hôtes se sont rencontrés il n’y a que deux mois, via une petite annonce de Blacksad posée chez O’CD à Nantes, mais l’osmose semble, déjà, réellement fonctionner. À noter la présence sur scène, pour un titre, de Foodj, du collectif Madrigal Musique dont est issu Blacksad, membre du groupe de rap teinté de jazz Sine Qua Non.
Le rock festif de Mr Jack and The Dirty Swingers
C’est enfin au tour de Mr Jack and The Dirty Swingers de débouler sur scène et d’emporter le public vers des contrées rock, punk, ska endiablées. Les six comparses possèdent une énergie folle et une solide volonté d’en découdre avec le monde de la musique. À la classique formation guitare, basse, batterie ils adjoignent une trompette et un sax baryton qui insufflent un coté funk à l’ambiance déjà électrique de leur prestation. Le tout est emmené par Mr Jack au chant, boule de nerfs qui n’a rien à envier à un certain Mathias Malzieu. Sur scène, une ambiance sombre, proche de l’univers de de Tim Burton, fantasme stylisé des années 50 (bananes, rouflaquettes, chemises, cravates…).
Ce groupe qui existe depuis 2005 n’en est pas à son premier concert. Mr Jack and The Dirty Swingers ont plus de 80 dates à leur actif, des concerts à Dublin et en Sardaigne, et deux maxi autoproduits. Leur démarche est véritablement professionnelle, les deux jours de résidence que proposait le dispositif “Premières Scènes” ont été pour eux l’occasion de prendre le temps de perfectionner leurs éclairages, leur disposition sur scène, en bref, tous les aspects techniques parfois négligés par les jeunes groupes. “Quand on est un jeune groupe, on ne nous donne rarement le temps lors des balances de tout mettre en place comme on le souhaiterait”, explique Mr Jack. Aujourd’hui, le groupe continue d’enchaîner les dates. Ce qui leur manque ? “Un tourneur attitré qui nous déchargerait d’un travail difficile à mettre en place, lorsque l’on n’a pas la connaissance des réseaux.” Mr Jack and The Dirty Swingers restent dans l’attente d’une première partie importante, qui leur servirait de tremplin définitif vers la reconnaissance.
C’est avec une réelle satisfaction que l’on quitte la BaraKaSon, en se disant que la scène nantaise est riche de talents, et qu’il faudra à l’avenir compter sur ces formations, si le monde de la musique ne les broie pas d’ici là.
Vincent Hallereau
Photos : Régis Hémon
Le 24 janvier, Slade, Altaï et L’Œil du Sourd investissaient à leur tour la scène de la BaraKaSon, pour une soirée électro et rock prog. Pour plus d’infos sur ces groupes, rendez-vous sur leur Myspace, ou sur le site de la BaraKason.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses