
Regard sur... Paroles de... Roms migrants
D’Esméralda au voleur de poules : notre regard sur les Roms
La manifestation « Regards sur … Paroles de …  », proposée tous les deux ans par la Maison des Citoyens du Monde (MCM), a choisi de s’axer non sur une région ou un pays comme les éditions précédentes, mais sur un peuple : les Roms migrants. En France, notre perception de cette communauté est souvent influencée par d’anciens stéréotypes, variant entre romantisme et stigmatisations. Ils sont surtout le reflet d’une méconnaissance de ce peuple.
Tziganes, manouches, gitans, bohémiens … les noms que l’on donne aux Roms sont nombreux. Au sein de leurs pays d’accueil, leur spécificité et leur diversité sont méconnues. Ils sont amalgamés avec les « gens du voyage », catégorie administrative désignant tous les itinérants en France. Mais qu’en est-il vraiment ?
A l’origine, un peuple nomade
Dans l’esprit populaire, les Roms et les Tziganes en général, sont vus comme un peuple nomade, voyageurs. Alain Reyniers, anthropologue et directeur de la revue « Etudes Tziganes » [1]], explique que la population tzigane s’est singularisée par le passé par le choix de ses activités économiques : artistes, éleveurs, commerçants ambulants... Leur itinérance s’explique donc par un nomadisme commercial. « L’économie tzigane n’était pas statique. Elle était liée au monde des paysans et de leurs besoins selon les saisons », indique Alain Reyniers. C’est de cette époque, que la plupart de nos préjugés prennent racine. En effet, ce sont deux modes de vie qui se confrontent. D’un côté, celui du paysan, propriétaire de sa terre, qu’il doit exploiter à bon escient pour pouvoir assurer son avenir et de l’autre côté, celui du tzigane, itinérant, qui ne possèdent pas de terre et donc affranchi de toutes les contraintes liées à la nécessité de préserver son patrimoine. Avec l’industrialisation, le développement du capitalisme (où la notion de propriété est dominante), le nomadisme a commencé à devenir impopulaire et à prendre des connotations négatives.
Les Roms de Roumanie
La communauté Roms s’est surtout implantée en Roumanie au Moyen-Âge. Stigmatisée, elle a connu l’esclavage jusqu’en 1856, la fixation forcée et la déportation... Aujourd’hui, les Roms représentent 10 % de la population roumaine. Mais en l’espace de 50 ans, le style de vie des Roms a profondément changé. Le régime communiste mené par le dictateur Nicolae Ceauşescu a marginalisé les Roms, avec la pratique d’une censure systématique. Simion Codoba, qui a travaillé avec la communauté Rom de Hunedoara près de Deva en Roumanie, témoigne que 40 % des Roms ont amalgamé la culture roumaine et refoulé leurs traditions afin de mieux s’intégrer. Ils ne parlent plus la langue tzigane, mais le roumain. Ils ne sont plus des ruraux nomades, mais des sédentaires urbains. Ces « néo-roms » ont donc peu de ressemblance avec les Roms traditionnels du début du 20 ème siècle. « Néanmoins, alors que les tziganes roms évoluent dans le temps, les stéréotypes, eux, sont enracinés dans un très lointain passé, qui n’a plus rien à voir avec le présent », commente Alain Reyniers.
L’immigration « problématique » des Roms
Depuis la chute du bloc soviétique en 1989, l’Europe occidentale a vécu une nouvelle vague d’immigration en provenance des pays de l’est. Une des causes principales de la migration des Roms est la transformation économique et sociale de leur pays d’origine. La suppression des emplois qu’ils occupaient les pousse à partir. Mais sédentaires en Roumanie, ils arrivent en France et se retrouvent dans des campements de fortune. « Aujourd’hui, ce sont tous les migrants, émigrants ou immigrants, qui sont perçus de manière négative », analyse Samuel Delépine, docteur en géographie à l’Université d’Angers. Cette perception n’a pas avantagé les Roms. « Les médias et certains politiques ont donné l’effet d’une invasion », s’insurge le géographe, alors que depuis les années 2000, on estime que seulement 10000 Roms sont arrivés en France.
« Aujourd’hui, ce sont tous les migrants, émigrants ou immigrants, qui sont perçus de manière négative »,
La présence des Roms dérange, elle est un problème pour l’Etat et les collectivités locales et au vue de l’actualité, de la crise économique, la peur de l’autre prend le pas sur le reste et use et abuse d’obsolètes stéréotypes. Les expulsions sont monnaie courante.
Or maintenant, les Roms sont reconnus citoyens européens en tant que ressortissant d’un Etat-membre [2], mais aussi pris en compte comme minorité transnationale sur les recommandations du Conseil de l’Europe. Cette Europe va-t-elle permettre d’améliorer le sort des Roms ? C’est tout le mal que l’on souhaite.
Marie Delhaye
Les photos proviennent toutes d’une exposition présentée à Cosmopolis, "Aminti (se souvenir) : Zigzag photographique à la rencontre des Roms de Roumanie" de Julie Bretaud et Guillaume Traineau.
A découvrir, le très bel ouvrage "The Roma Journeys" de, Joakim Eskildsen et Cia Rinne parus aux éditions Steidl en 2007. Vous pouvez voir un point de vue détaillé sur le blog "Histoires de voir" et sur le site du webmag Purpose, partenaire de Fragil.
[1] créée en 1993, cette revue de référence pour comprendre la culture et l’histoire tzigane est à consulter sur internet à [http://www.etudestsiganes.asso.fr/->http://www.etudestsiganes.asso.fr/
[2] (la Roumanie est entrée dans l’U.E en 2007)
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