
Rock noise
Talibam ! : explosif !
Talibam ! + Subutex Social Club, Chantier de l’Esclain, Nantes, 25 janvier 2008
Talibam !, c’est un peu comme si Matt & Kim avaient appris à jouer de leur instrument. Et aussi, comme si Matt & Kim avaient décidé de se lâcher. Pour s’amuser. Talibam !, ce n’est pas Matt & Kim, mais Matt (Mottel) & Kevin (Shea), un duo synthétiseur/batterie explosif tout droit débarqué de la scène expérimentale de Brooklyn. Un duo oscillant entre noise et free, qui n’a eu aucune peine à réchauffer pour une soirée le glacial Chantier de l’Esclain, sur les bords de Loire, à Nantes.
Le Chantier de l’Esclain est un chantier naval situé dans le bas Chantenay, sur les bords de Loire. Un bâtiment investi périodiquement par toutes sortes d’artistes – des pots de peinture traînant dans les coins et d’immenses toiles pudiquement tournées contre les murs le trahissent. Programmé à la dernière minute par le collectif HUB, le concert de Talibam ! et de Subutex Social Club – trio noise nantais – n’a pu compter que sur le bouche-à-oreille pour réunir son public : des amis, des amis d’amis, des enthousiastes à l’affût de concerts décalés dans des lieux qui le sont tout autant. Au public clairsemé se mêlent deux types qui, on ne sait pas trop pourquoi, ont l’air d’être des Américains. Ce doit être la barbe. Ou bien la chapka. Ou encore les baskets – pas des Converse. Le look de Brooklyn, quoi.
Ces deux types, ce sont Matt Mottel et Kevin Shea, de passage en Bretagne pour enregistrer un nouvel album. Le duo n’enregistre que depuis 2005 mais, habitué des CD-R et des cassettes en éditions limitées, il en est déjà à son huitième opus. Inutile de préciser que Matt et Kevin sont des musiciens chevronnés, actifs sur la scène expérimentale new-yorkaise depuis plusieurs années – on a pu les entendre jouer avec Cooper Moore, Chris Corsano, Peter Evans ou encore Deerhunter et Storm & Stress.
Une explosion sonore gratuite et jubilatoire
Talibam!, c’est du terrorisme à l’état pur, une explosion sonore gratuite et jubilatoire.
Leur seul nom en dit déjà long sur leur musique : Talibam !, c’est du terrorisme à l’état pur, une explosion sonore gratuite et jubilatoire. Il fait froid ce soir-là, au Chantier de l’Esclain, mais avant de commencer à jouer, Kevin Shea ôte veste et pull pour ne garder qu’un t-shirt. On comprend vite pourquoi La débauche d’énergie brute de Talibam ! est telle que, posés sur le ciment et calés avec des parpaings, faute de mieux, les fûts du volcanique batteur ne cessent de se faire la malle sous ses baguettes et ses pédaliers.
Il y a un aspect primitif dans la musique de Talibam !, qui repose pour une grande part sur l’impact viscéral produit par l’improvisation échevelée et haletante des deux complices – la danse de Saint-Guy envahissante d’un spectateur enthousiasmé et visiblement trop alcoolisé en témoigne. Une oreille distraite ou paresseuse aurait tôt fait de décider que ce n’est là que “musique de sauvage”, gaspillage de temps et – surtout – d’énergie.
Une musique complexe, jouant sur l’antagonisme continuité/rupture
Batterie comme synthétiseur maintiennent un flux sonore continu qui ne laisse à l’auditeur aucun répit.
Mais la musique de Talibam ! est une musique complexe, structurée – improvisation libre ne signifie pas instantanéité pure. Le plus souvent, batterie comme synthétiseur maintiennent un flux sonore continu qui ne laisse à l’auditeur aucun répit, et ne lui offre aucun repère, ni mélodique, ni harmonique – il s’agit bien là de noise, de bruit –, ni même rythmique. La batterie enchaîne break sur break, le synthétiseur solo sur solo, dans un chaos atonal explosif. Et puis, au moment où l’on commence à suffoquer, perdu dans ce flot continu, le synthétiseur de Matt Mottel accroche un riff, qu’il décide d’exploiter un instant. Aussitôt la batterie suit, et s’installe dans un backbeat entraînant. Talibam ! se met à groover sévèrement, comme un groupe de rock digne de ce nom. Histoire de souffler un peu avant de plonger à nouveau dans le bouillon. Entre continuité et rupture, le set se déroule ainsi, pied au plancher. Pour se terminer avec une reprise décalée de When the Saints Go Marchin’ In. Un moment de dérision qui prouve si besoin était que Matt Mottel et Kevin Shea sont loin de se prendre au sérieux.
Subutex Social Club, trio noise nantais, a quant à lui ouvert la soirée avec brio. Manu Leduc, Anthony Taillard et John Morin, deux guitares, une basse et tout un tas d’accessoires destinés à en tirer les sonorités les plus extrêmes, ont offert un set court, mais intense et varié. Les trois musiciens seront au Pannonica le 15 mars prochain pour une soirée de présentation de la pépinière du collectif HUB. Fragil y sera pour vous en parler plus longuement, et espère bien vous y retrouver !
Sophie Pécaud
Photos : Carine Léquyer
À écouter :
Ordination Of The Globetrotting Conscripts, Azul Discografica, 2007.
The Excusable Earthling, Pendu Sound Recordings, 2007.
Buns And Gutter, Gaffer Records, 2007.
Bloc-Notes
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