
Marche ou grève n°5
Les oubliés du mouvement social
Dernier épisode de la série "Marche ou grève" consacré aux oubliés du mouvement social, ceux dont les voix se sont noyées dans l’écho de la manifestation, se sont diluées dans les revendications principales sur la LRU ou les régimes spéciaux.
Dans toute période d’ "actualité sociale", la distribution de tracts est un passage obligé. Ces papiers comptent autant que les discours même s’ils ne sont pas prononcés à haute voix. La manifestation est également le rendez-vous incontournable pour tous les militants d’extrême gauche qui peinent à se faire entendre les jours ordinaires. Pour eux, la foule est une potentielle source de convertis. Les documents volants qu’ils distribuent seraient-ils les écrits qui resteront tandis que les paroles s’envoleront ? Le camion qui balaie ces feuilles d’automne à la fin du cortège met fin à cet espoir. Au stand de ces collectifs trotskistes et maoïstes, des visages de livres d’histoire reprennent vie. Voilà Lénine et Staline aux regards malicieux sur les couvertures des ouvrages rouges. Mao aussi retrouve une seconde jeunesse et scrute fièrement les manifestants mi-amusés, mi-apeurés devant cet héritage si lourd à porter.
Un super héros en slip noir affronte le début d’hiver en affichant qu’il "n’est pas content" car il aura "la retraite au bout de 40 ans"
Un autre groupe insolite de travailleurs coréens se joint aux revendications. Ils sont ex-salariés d’une entreprise coréenne sous-traitante de Lafarge, "leader mondial des matériaux de constructions". Leurs "conditions de travail déplorables" (salaires très bas et heures supplémentaires obligatoires) les incitent à créer un syndicat en mars 2006. Trois semaines plus tard, les droits syndicaux tournent court car l’usine ferme immédiatement et licencie ces salariés. Simple coïncidence ou réelle volonté de couper la route au syndicat ? Quatre coréens refusant d’abandonner le combat s’envolent alors pour la France au début du mois de septembre et manifestent depuis cette date tous les jours à Paris. Pris dans le rassemblement du 14 novembre, leur enthousiasme renaît. Bandeaux sur la tête, banderoles jaunes et rouges à la main, ils espèrent attirer l’attention. Sans succès, leurs voix restent étouffées dans le cortège.
Le contraste est frappant entre l’action désespérée des travailleurs coréens et les mises en scène décalée de certains messages. L’humour est aussi une arme décisive pour se faire remarquer et montrer que le conflit social n’est pas seulement synonyme de douleur, tel l’enfantement d’une révolte, mais aussi source de joie. La paternité des deux meilleures actions pour redonner le sourire aux manifestants revient donc à un super héros en slip noir affrontant le début d’hiver en affichant qu’il "n’est pas content" car il aura "la retraite au bout de 40 ans", et au mystérieux Collectif Zero (Collectif libertaire, affinitaire et d’entraide) qui s’est approprié un coin de trottoir pour apposer la banderole : "Collectif Zero, on veut rien…mais tout de suite".
Et si la grève, en dehors des controverses sur les "pour et contre", servait à nous rappeler que les sentiments les plus violents de l’homme (haine, jalousie pour les "privilégiés", colère dans les discours, passion pour la lutte…) sont toujours présents, même dans une société qualifiée de "civilisée" et "contrôlée" ?
En extrait audio, interview de l’Apeis (Association pour l’Emploi, l’Information et la Solidarité) qui essaie aussi d’exprimer ses revendications dans ce mouvement.
Marche ou grève n° 1 : Etudiants : l’art et la manière de faire un blocage
Marche ou grève n°2 : Manifestation : les pas de la colère
Marche ou grève n°3 : Refrains des gréviste et révolte d’un professeur
Marche ou grève n°4 : Syndicats et médias : "Regarde moi dans les yeux"
Photographie : Florence Gayon
Bloc-Notes
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