Occident : une mise en scène riche pour un texte fort
Echec d’un couple, essoufflement de l’Occident
Occident, c’est la dernière Å“uvre du tandem Rémi de Vos (auteur) - Hervé Guilloteau (metteur en scène) ; cette fois, ils ont travaillé chacun de leur côté, et force est de constater que le travail scénique du second sert très efficacement le propos du premier : la mise en scène, très aboutie, répond en effet à un texte au sens particulièrement fort.
L’action d’Occident tient en quelques mots : tous les soirs, un homme (qui n’a pas de nom) rentre chez lui, ivre. Là, il raconte sa soirée à sa femme, en ponctuant le tout d’un certain nombre d’insultes à l’encontre de celle-ci. Si l’histoire en elle-même peut être aussi vite résumée, le sens du texte, lui, est bien plus dense. C’est que ce couple qui vit « une histoire d’amour essoufflée » devient « l’emblème de l’essoufflement de l’Occident », explique Hervé Guilloteau ; « c’est la métaphore du monde occidental, (...) un miroir de la société : ils imaginent la fuite mais ils reviennent vite au point zéro », poursuit le metteur en scène. Echec d’un monde, donc. Echec aussi du langage à travers les nombreuses insultes qui fusent entre les deux personnages : « c’est la vacuité du monde qui s’exprime à travers le vacuité du langage », commente Hervé Guilloteau. En outre, se voulant métaphore du monde, Occident « parle aussi de la peur » ; et la peur, dans la pièce, est d’abord peur de l’autre : violence, racisme, lâcheté... On voit ainsi le mari qui avoue presque indifféremment à sa femme que, lorsque son ami Mohamed s’est fait passer à tabac par des Yougoslaves, il ne lui a pas porté secours... parce que c’est un Arabe et qu’il n’est donc pas « pote » avec lui jusqu’à ce point !
Un dispositif scénique intéressant
Pour répondre à ce texte qui se veut, comme on l’a vu, à la fois peu narratif et symboliquement très fort, Hervé Guilloteau a imaginé une mise en scène particulièrement intéressante, très travaillée. La salle de spectacle habituelle, disposant en opposition frontale public et comédiens, cède la place à une salle dotée d’un espace tout en largeur, où les spectateurs sont assis de part et d’autre d’une longue zone centrale revêtue de moquette jaune. L’une des deux extrémités de la scène fait office de bar (où l’homme passe ses soirées), l’autre d’intérieur (chambre ou séjour). Dans un tel dispositif scénique, les deux rangées de spectateurs se font face et ne se trouvent, selon les déplacements des acteurs, qu’à une courte distance de ces derniers. Brisant ainsi la traditionnelle séparation entre comédiens et public, plaçant les premiers au milieu des seconds, Hervé Guilloteau a voulu créer un « huis clos où le spectateur se sent au chaud ». De fait, ainsi placés au plus près des acteurs, les spectateurs sont comme plongés au cœur du drame (teinté d’humour noir) qui se joue devant eux.
Un spectacle aux frontières floues
Mais le dispositif scénique n’est pas le seul élément qui permet au metteur en scène de réduire la distance entre public et comédiens : le spectacle commence pour ainsi dire avant le spectacle ; car, dès l’entrée des spectateurs -laquelle s’effectue par l’extrémité de la scène représentant le bar-, celui-ci retentit d’un bruyant commentaire de match de foot, et, en musique de fond, on entend le dernier tube de Madonna (H. Guilloteau nous avait avertis, lors de l’interview, du caractère « graveleux » de la musique)... Dans cette même volonté de remise en question de la distance spectateurs/comédiens, le public, lors de l’entracte, est invité à venir se désaltérer au bar de la scène, où il est servi, entre autres, par Hervé Guilloteau lui-même ! Yvette Poirier, qui tient le rôle de la femme, vient quant à elle exécuter une sorte de danse du ventre sur le comptoir... On ressort de ce spectacle avec l’étrange malaise de ce couple qui, un bref instant, a voulu croire en des jours meilleurs, et qui, finalement, a échoué, rattrapé par les impasses d’une situation d’enfermement qui se veut le reflet de l’essoufflement de l’Occident.
Gaël Montandon
Photo : DR
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