
Jean Boillot, metteur en scène de théâtre sonore
"No way, Veronica", ou comment représenter une banquise sans banquise
Comment représenter sur scène une banquise sans banquise ? Telle est la question -très sérieuse- que pose la pièce «  No way, Veronica  » à tout metteur en scène. Jean Boillot y a répondu en mettant en son autant qu’en scène, interrogeant par là -même l’essence du théâtre.
Le texte de l’argentin Armando Llamas est une gageure. Une histoire qui se déroule sur une île subantarctique, un groupe de scientifiques misogynes censés être interprétés par les stars hollywoodiennes des années 60, une nymphomane qui se déguise tour à tour en chien esquimau et en E.T. pour parvenir à ses fins, un manchot qui parle... La liste est longue de tous les détails absurdes dont Llamas a parsemé son texte, et qui sont autant de défis lancés au metteur en scène et aux acteurs. Or, ce sont précisément les défis que Jean Boillot aime dans le théâtre. Souvenez-vous : en 2005, au Théâtre universitaire de Nantes, le même Jean Boillot avait présenté ses Métamorphoses(d’après le poète latin Ovide). Faire de ce récit mythologique truffé de monstres un objet théâtral relevait déjà du tour de force. Par la parole des comédiens, par leur virtuosité scénique, Jean Boillot avait réussi son pari. Si le texte de No way, Veronica est aux antipodes de la grâce poétique des Métamorphoses, le défi scénique demeure : comment représenter une banquise sans banquise, comment faire jouer une Gina Lollobrigida ou un Peter Falk sans les avoir sur scène ?
Son en scène
La réponse de Jean Boillot est sonore. Le metteur en scène se transforme en metteur en son. Les comédiens jouent surtout un rôle sonore : l’un donne au public les indications scéniques (sortie et entrée des personnages,...), l’autre joue tous les personnages à la fois en imitant la voix des stars du cinéma qui sont censées jouer la pièce, le dernier assure une partie des bruitages. Ainsi, la banquise existe par le bruit des pas et par la parole du comédien qui fait office de voix off, l’arrivée de la soucoupe volante d’E. T. est rendue grâce à l’imitation du bruit d’une soucoupe volante qui se pose... Pour les spectateurs, le procédé est terriblement efficace : non seulement tout est très clair, mais le son, plus encore que l’image, s’adresse pleinement à leur imagination.
Il n'y a pas de limite au théâtre
Le théâtre comme convention
Remplacer le visuel par le sonore ne relève pas simplement d’un ingénieux procédé de mise en scène : non, ici, on est dans le questionnement du théâtre, de son essence. Pour Jean Boillot, « Il n’y a pas de limite au théâtre ; on peut faire théâtre de tout ». Face au cinéma qui vit du réalisme de ce qu’il montre, le metteur en scène revendique pleinement la convention du théâtre : « Au théâtre, il n’y pas de réalisme, pas d’illusionisme ». Ainsi des bruitages de No way, Veronica, qui reposent sur des sons qui font partie de la culture commune des spectateurs : bruit d’une goutte d’eau qui tombe, d’une porte qui s’ouvre en grinçant, ou d’une soucoupe volante qui se pose. L’artifice de la représentation théâtrale est donc pleinement assumé ; il est même, très clairement, une part importante du langage théâtral de ce spectacle. Et c’est sans doute ce choix artistique d’un artifice théâtral entièrement assumé, parfaitement maîtrisé, qui fait de No way, Veronica un pari brillamment réussi.
Gaël Montandon
Mise en scène : Jean Boillot. Musique et mise en espace sonore : David Jisse et Christophe Hauser. Avec : Katia Lewkowicz (interprète les voix des acteurs), Jean-Christophe Quenon (voix off) et David Maisse (bruitages).
Site web de La Spirale, compagnie de Jean Boillot : http://www.laspirale-jeanboillot.com
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