
Dossier Fragil : Le numérique demain (5/5)
Voyage jusqu’Ã la transcendance
Science-fiction dans les années 1970, le transhumanisme est devenu progressivement en vision d’avenir puis en réalité à court terme. De nombreux chercheurs souhaitent améliorer l’humain avec la technique, le XXIe siècle est LE siècle des lumières transhumanistes.
8 h, mon réveil sonne. C’est mon oreiller qui émet une douce musique. Dans le même temps, mes vitres opaques se transforment, laissant peu à peu entrer la lumière. Les nouvelles de la journée s’affichent sur les fenêtres. 12 février 2070, c’est l’anniversaire de Jay Krutwail. Il a 122 ans et il est encore en forme. En même temps, c’est normal, il s’agit d’un hologramme. En 2045 il s’est associé au Russe Dimitri Itsvitch pour transférer son esprit dans une machine. Et ils ont réussi ! En 25 ans beaucoup d’autres personnes ont franchi ce cap. Il paraît que c’est génial, qu’on peut faire ce qu’on veut, aller partout sur Terre en une fraction de seconde en louant un corps cybernétique. On peut même aller sur Mars en moins de 5 minutes, un projet est en cours pour dépasser le système solaire. Le plus long c’est d’y envoyer les réceptacles.
Moi, je suis encore trop jeune, je préfère attendre dans mon corps de chair et d’os. Bon, certes, il est un peu amélioré. J’ai changé mes yeux, car ils commençaient à fatiguer et je refuse les lunettes. En plus, maintenant je peux changer leur couleur en fonction de mes vêtements ou de mes envies. Mon père, lui, a une jambe biotech, mais c’est différent il a eu un accident et on a été obligé de l’amputer. Il était un peu réticent au début, mais aujourd’hui il économise pour la deuxième. Tout ça, c’est grâce à Jay. Donc joyeux anniversaire Jay !
Cette petite fiction d’un début de journée classique pourrait très bien se réaliser. Et plus tôt qu’on ne le pense.
Le transquoi ?
La jambe de bois, comme les lunettes de vue servent à améliorer l’homme pour le faire revenir à « son état d’origine ». Le transhumanisme vise l’augmentation.
Le transhumanisme est un courant culturel et intellectuel qui prône l’amélioration de l’humain par la technique. Il est né dans les années 1970 dans les écrits cyberpunk. Première question : où commence le transhumanisme ? Il en existe deux types : l’un invasif avec implants, remplacement de membre, etc. ; l’autre qui s’oriente vers un apport technologique extérieur comme un exosquelette. Alors un pirate avec une jambe de bois ou monsieur Tout-le-Monde qui a une montre à son poignet sont-ils des transhumains ? Les transhumanistes auront tendance à dire que non. La jambe de bois, comme les lunettes de vue servent à améliorer l’homme pour le faire revenir à « son état d’origine ». Le transhumanisme vise l’augmentation. Les Google Glass se rapprochent plus de l’esprit transhumaniste.
Enquête d’immortalité
Un des grands buts de ce mouvement est la quête d’immortalité, ou plutôt de la longévité extrême, c’est-à-dire ne plus vieillir et ne plus être sensible aux maladies. Pour lutter contre l’entropie des corps, plusieurs études ont été menées. C’est au niveau cellulaire que ça se passe. Lorsque les cellules se dupliquent, l’information contenue dans l’ADN se détériore au fur et à mesure, il y a un raccourcissement des télomères. C’est une région à l’extrémité d’un chromosome dont une partie n’est pas copiée lors de la division cellulaire. Cette perte d’information serait à l’origine du vieillissement des cellules. De nombreux progrès sont faits en séquençage du génome afin de tenter de régler le problème.
Mais la quête d’immortalité implique de nouveaux questionnements, le premier étant la surpopulation. Si la place n’est pas laissée aux jeunes, la Terre risque d’en souffrir encore plus. Une solution : l’espace. Le second problème que l’on voit poindre, c’est l’évolution de la société. Jusqu’à maintenant les sociétés ne sont pas monolithiques grâce aux jeunes générations remplaçant les anciennes et apportant de la nouveauté. Si les anciens restent, alors ce renouvellement disparaît.
Il y a quatre champs d’action principaux dans le transhumanisme : la biochimie, l’électronique, le numérique et la prosthétique. C’est ce qu’on appelle la convergence NBIC, pour Nanotechnologie, biotechnologie, informatique/Intelligence artificielle et sciences cognitives. En anglais on trouve aussi BANG : Bits, Atoms, Neurons, Genes qui fait référence aux unités élémentaires.
Google et le transhumanisme
Sergueï Brin, cofondateur de Google et actuellement chargé des travaux du Google X Lab, a déclaré que le métier de Google est de stocker les données personnelles sur le cloud pour, à terme, avoir son code génétique lié à son compte Google. L’intérêt étant de faire du datamining sur ce code afin de déceler les problèmes d’une personne avant qu’ils n’arrivent. Et bien sûr, au passage, réaliser des partenariats avec des entreprises pharmaceutiques pour vendre ces infos.
Plusieurs autres travaux sont effectués dans le monde sur le génome. En Islande notamment, avec une entreprise visant à décoder l’ensemble du génome de l’île. Cela pose évidemment beaucoup de questions, mais apporte aussi un soutien non négligeable dans la recherche. L’Islande est aussi un pays ayant très peu de mixité avec le monde extérieur, cela peut poser un problème dans la reproduction. En Chine, des chercheurs ont même fait le pari de trouver les gènes de l’intelligence, un fantasme sans grand succès.
Tuer la mort
Avec son Google X Lab, l’entreprise de Mountain View a fondé Calico, pour California Life Company, qui cherche ni plus ni moins à « tuer la mort ». Depuis l’arrivée de Raymond Kurzweil dans les équipes de Google en 2012, le monde prend conscience de l’implication du géant américain dans le transhumanisme. Ray Kurzweil est l’un des fondateurs de la Singularity University, une organisation à la fois université, think tank et business-incubator, qui s’oriente vers le transhumanisme et en particulier la singularité. La singularité est le point où une intelligence artificielle serait si développée qu’elle pourrait s’améliorer d’elle-même sans avoir besoin de l’être humain qui perdrait alors le contrôle de cette évolution. Bien ou mal, cette singularité inquiète : Stephen Hawking, Elon Musk, Bill Gates et de nombreux chercheurs se sont montrés très méfiants, voire hostiles face aux IA.
Transférer son esprit dans une machine ou pouvoir vivre éternellement, c’est bien joli... Mais ça ne permet pas de faire des sauts de 10 mètres ou de lancer son poing comme Goldorak.
Il y a d’autres projets de transfert de l’esprit dans la machine. Dmitry Itskov, un milliardaire russe, a créé, en 2011, l’Initiative 2045 visant à transférer, d’ici l’année 2045, la conscience humaine dans une machine. Le concept du transfert de conscience n’est pas nouveau, car il existe depuis longtemps dans l’hindouisme avec la réincarnation, le libéré vivant. Selon la croyance, ce serait le cas pour le Dalaï-lama. Après le décès d’un Dalaï-lama, une quête est entreprise par les fidèles afin de trouver un enfant qui en serait la réincarnation. On lui présente des objets et s’il reconnaît des objets de sa vie antérieure c’est un signe qu’il s’agit bien de lui.
Il existe aussi le projet Blue Brain, en Suisse, qui veut créer un cerveau synthétique. Un projet qui avance lentement mais sûrement.
Fulguropoing et vision nocturne
Transférer son esprit dans une machine ou pouvoir vivre éternellement, c’est bien joli... Mais ça ne permet pas de faire des sauts de 10 mètres ou de lancer son poing comme Goldorak. On rentre là dans le domaine de la prosthétique. La partie la plus connue du transhumanisme, car la plus médiatisée. L’ère du cyborg arrive. Avant de pouvoir changer ses jambes par des roues quand on veut aller plus vite, il faut penser à l’interface homme-machine. Il faut savoir que toutes les informations transmises par le cerveau dans le reste du corps sont des signaux électriques. Pour contrôler un membre mécanique il faut alors lui faire recevoir ce signal pour qu’il l’interprète. Deux principales pistes sont étudiées. La première : celle d’une interface externe analysant les signaux depuis la surface de la peau. La seconde : connecter un câble directement au cerveau ou au nerf façon Matrix.
On peut aussi citer les prothèses d’Oscar Pistorius. En carbone, elles sont réglées pour pouvoir courir face à des valides. Mais un changement de réglage pourrait le faire aller beaucoup plus vite et donc dépasser les capacités humaines.
Encore loin de Robocop, la fusion de l’homme et de la machine se fait petit à petit. Kevin Warwick s’est implanté une puce RFID dans le bras gauche en 1998. Elle lui permettait de contrôler les portes de son laboratoire... Pas forcément très utile, mais il s’agit quand même d’un grand bond en avant. Il ne s’est pas arrêté là bien sûr. Il peut aujourd’hui contrôler une main robotique à distance. On trouve de plus en plus les puces RFID sur les animaux, notamment dans l’élevage pour le traçage alimentaire.
Cas plus connu, on peut aussi citer les prothèses d’Oscar Pistorius. En carbone, elles sont réglées spécialement pour pouvoir courir face à des coureurs valides. Mais un changement de réglage pourrait le faire aller beaucoup plus vite et donc dépasser les capacités humaines.
La prosthétique n’a pas énormément d’adeptes en France. Elle est d’abord réservée aux cas médicaux et demande une adaptation du corps qui peut être longue. Dans les implants médicaux, l’implant cochléaire, dans les cas de surdité profonde, est peut-être le plus répandu. En décembre 2010, il y avait environ 219 000 personnes avec cet implant. Mais il ne fait pas l’unanimité auprès de la population sourde. Certains n’en veulent pas craignant une disparition de la culture sourde.
La nanotechnologie serait-elle une utopie ? La science-fiction nous la vend depuis des années et pourrait justement nous faire attendre quelque chose d’impossible à atteindre.
D’autres augmentations voient le jour. Récemment un homme s’est injecté un sérum dans les yeux permettant de voir dans la nuit. Ce qu’il a pu faire pendant plusieurs heures... avant de porter des lunettes de soleil de jour, l’intensité lumineuse étant devenue trop forte.
Trop grande vision du minuscule
La nanotechnologie serait-elle une utopie ? La science-fiction nous la vend depuis des années et pourrait justement nous faire attendre quelque chose d’impossible à atteindre. Cependant, des chercheurs coréens ont déjà réussi à faire se déplacer des microrobots dans un corps vivant, donc soumis au flux sanguin. Cela rappellera à certain le film L’aventure intérieure dans lequel un sous-marin est miniaturisé et est injecté dans le corps d’une personne. Mais la nanotechnologie travaillant au niveau de l’Ångström (0,1 nm) paraît encore bien loin.
Le transhumanisme est une question de société et qui doit pouvoir être traitée par tous les citoyens. Chaque génération acceptant un peu plus de choses que la précédente.
Le transhumanisme est une question de société et qui doit pouvoir être traitée par tous les citoyens. Chaque génération acceptant un peu plus de choses que la précédente. Les technologies sont de plus en plus présentes, la méfiance se transforme et l’être humain accepte d’être entouré par la technique. Peut-être qu’en 2045, on aura tous des augmentations. Pour le moment, on peut se poser des questions à travers des œuvres de fiction. Des livres, des films et des jeux abordent le sujet de manière remarquable. A vous de voir.
Paul Vassé
Twitter : @not_hochon
Retrouvez l’’intégralité du dossier Le numérique demain ci-dessous :
-Le numérique demain (1/5) : "Politique numériquement incorrecte"
-Le numérique demain (2/5) : "Du journalisme numérique au numérique médiatique"
-Le numérique demain (3/5) : Les nouveaux comportements face au numérique
-Le numérique demain (4/5) : French Tech : le numérique en classe affaire
Bloc-Notes
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