
Dossier Fragil : Le numérique demain (4/5)
French Tech : le numérique en classe affaire
Labelliser pour mieux régner. Avec la FrenchTech, dont Nantes fait partie, la France se dote d’un outil promotionnel pour créer des émules du numérique de demain. Un éléphant qui cache la souris ? Interview d’Adrien Poggetti, directeur d’Atlantic 2.0 et Nantes tech, président du réseau des cantines numériques de France.
Fragil : Nantes a été labellisé FrenchTech en décembre dernier avec 8 autres villes. Est-ce que ce n’est pas une valorisation trop importante des grosses villes françaises par rapport à d’autres ?
Adrien Poggetti : Le fait qu’il y ait 9 métropoles labellisées, c’est à la fois beaucoup et pas assez. Dans une optique internationale, 9 métropoles, ça peut paraître beaucoup. Maintenant, on est sur des villes de taille très importantes donc ça ne me paraît pas choquant. Même si, effectivement, on n’avait eu que 3 métropoles labellisées et que Nantes avait été dedans, ça aurait été encore mieux.
Fragil : Les villes qui n’ont pas accès au label ou qui ont été refusées comme Toulon ou Saint-Étienne ne sont-elles pas exclues du jeu ?
Adrien Poggetti : Je crois que tout l’enjeu de la démarche, c’est de n’exclure personne. L’objectif c’est bien de raccorder ces villes-là sur les métropoles qui sont labellisées. Donc on n’est pas du tout dans des démarches d’exclusion, mais au contraire sur des logiques de fédérer l’ensemble des territoires en région.
Fragil : Certains maires pensaient que 9 villes, c’était déjà trop. D’autres villes vont-elles obtenir ce label ?
Après c’est sûr que d’un point de vue international, je ne suis pas sûr qu’un investisseur américain fera le tour de 13 métropoles pour rencontrer 13 écosystèmes
Adrien Poggetti :Il y a encore une seconde vague de labellisation qui est prévue sur laquelle on a des candidatures. Je pense notamment à une candidature commune en Normandie entre Le Havre, Caen et Rouen. Il y a la même chose dans l’Est de la France avec le sillon lorrain et une candidature strasbourgeoise. Donc il y a des villes qui se regroupent pour présenter des écosystèmes un peu plus forts. Il y aurait encore quelques villes labellisées. Ce qui porterait le total de villes labellisées quelque part entre 11 et 13. Ce qui n’est pas scandaleux au regard du dynamisme de l’économie numérique en France aujourd’hui. Après c’est sûr que d’un point de vue international, je ne suis pas sûr qu’un investisseur américain fera le tour de 13 métropoles pour rencontrer 13 écosystèmes. Mais chaque territoire a affiché une couleur en termes de thématique qu’il souhaite explorer. À Nantes, on a un focus sur la santé, sur tout ce qui va toucher l’usine du futur et les industries créatives et culturelles avec le Quartier de la création. À Rennes, ils vont aussi parler de la santé, je crois, mais aussi tout ce qui touche à la sécurité. Donc on a aussi des domaines de spécificités qui sont mis en valeur sur la démarche.
Fragil : Avant la French Tech, il y avait des dynamismes locaux, comme vous avez pu le créer avec Atlantic 2.0 et la Cantine à Nantes. Est-ce qu’il n’y a pas un risque que L’État et son label n’étouffent pas cela avec un cadre trop rigide ?
Adrien Poggetti : L’État ne vient pas faire d’interventionnisme, il vient juste mettre un label sur des écosystèmes dont il estime qu’ils sont performants et qui méritent d’être reconnus. La démarche d’Atlantic 2.0, depuis maintenant 6 ans, c’est vraiment une démarche qui est faite et constituée d’un ADN entrepreneurial avec des startups, des agences qui sont très mobilisées autour de la cantine, d’Atlantic 2.0, d’événements et qui partagent en termes de compétences énormément de choses. On est sur une logique très privée. L’État apporte juste une reconnaissance et essaie de structurer au niveau national un ensemble de démarches locales. Pour le coup, on trouve la démarche extrêmement intelligente et intéressante dans le sens où elle permet aussi d’identifier des acteurs sur d’autres territoires avec lesquels on va pouvoir se mettre en relation et commencer à travailler.
L’État ne vient pas faire d’interventionnisme, il vient juste mettre un label sur des écosystèmes dont il estime qu’ils sont performants et qui méritent d’être reconnus
Fragil : Depuis sa labellisation qu’est-ce que le label a concrètement apporté à Nantes ?
Adrien Poggetti : Ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’il n’y a pas d’argent mis par l’État sur FrenchTech. On est sur une optique de labellisation de métropole. L’argent vient sur deux choses : d’une part sur les dispositifs d’accélération privés. Par exemple, le 16 avril il y a eu une première annonce d’un accélérateur qui va bénéficier de fonds, notamment européens, pour soutenir son développement. Je crois que c’est un accélérateur lyonnais qui s’appelle Axeleo. À Nantes on n’a pas encore de projet d’accélérateur, mais potentiellement, si on en avait un il pourrait prétendre à aller chercher les fonds de la FrenchTech au niveau européen. La deuxième chose sur laquelle l’État met de l’argent, c’est la promotion internationale de l’ensemble des écosystèmes qui sont labellisés. Donc le label donne de la reconnaissance au dynamisme économique local et des capacités à identifier les points de contact à l’extérieur. FrenchTech permet de regrouper tous les acteurs du territoire qui sont sur les sujets numériques, d’imaginer ce que sera l’économie numérique à Nantes dans les 5 à 10 ans ainsi que de développer les plans d’action pour arriver à cet objectif-là.
Fragil : Quel est le rayonnement de la FrenchTech à l’international ?
Adrien Poggetti : Il y a des destinations internationales qui sont ciblées par FrenchTech. On va trouver des salons internationaux sur lesquels on a l’ensemble des grands représentants de l’économie numérique mondiale qui sont présents et sur lesquels la France était étrangement un peu absente ces dernières années. C’est le cas du CES à Las Vegas, du South by Southwest, du Dublin Web Summit. Jusqu’ici on avait une présence qui était très peu structurée. Ce que l’État souhaite bien faire avec FrenchTech sur l’international, c’est appuyer, y compris financièrement, ce marketing à l’international de l’ensemble de nos entreprises. À Nantes, on identifie évidemment ces destinations comme des destinations sur lesquelles ils font qu’on emmène nos entreprises. On a aussi des destinations avec lesquelles le territoire à l’habitude de travailler, je pense à Québec, on a une singularité dans notre travail avec eux. C’est le cas avec Shanghai aussi puisqu’il y a des rapports entre l’université de Shanghai et l’université de Nantes. Grâce à cela on peut multiplier les points de rencontre entre les entrepreneurs et donc les opportunités business avec ces territoires-là.
On a aussi des destinations avec lesquelles le territoire à l’habitude de travailler, je pense à Québec, on a une singularité dans notre travail avec eux
Fragil : Cela va-t-il permettre un rattrapage du retard de la France ?
Adrien Poggetti : On n’était pas en retard, on est bon sur le savoir-faire, mais on n’était pas très bon sur le faire savoir. On a un petit souci en termes de valorisation marketing, notamment à l’international, par rapport à d’autres pays qui sont peut-être moins en avance que nous, mais qui sont meilleurs en termes de communication. Pour ce qui est du talent des entreprises en France, au niveau de la techno, au niveau des startups, on a quand même de vraies belles pépites, de vraies réussites et une vraie compétence pour faire émerger et accompagner des startups dans leur développement.
Fragil : Quels sont les types d’entreprises qui peuvent être aidées par la French Tech ? Il y a des restrictions ?
sur Nantes on travaille sur la possibilité d’envoyer régulièrement des entrepreneurs à l’étranger juste pour aller voir ce qu’il se passe sur place
Adrien Poggetti :La cible première que l’État se met en situation d’aider, ce sont les entreprises qui sont en situation d’hypercroissance. L’hypercroissance c’est une entreprise qui part de 2-3 salariés et qui est capable, potentiellement d’embaucher 70 ou 80 personnes en à peine 3 ans d’existence. On doit être en mesure de les accompagner encore mieux que ce qu’on fait aujourd’hui. Non seulement dans notre capacité à les aider à lever des fonds, à trouver et à accéder au marché mais aussi leur développement international. C’est ce que fait l’Etat avec le Pass FrenchTech qui est opéré sur chaque région. À Nantes, on travaille avec Rennes et le pôle de compétitivité « image et réseau », pour identifier ces entreprises-là et faire en sorte que tous les services de l’État, dont une entreprise à besoin, se mettent en situation d’être vraiment au plus près de la réalité de l’entreprise et de l’aider encore plus que ce qu’ils font d’habitude.
Pour une entreprise qui est plus locale qui n’a pas vocation à partir demain aux États-Unis pour son développement international, on a des outils ici qui permettent pas mal de choses. Par exemple, sur Nantes on travaille sur la possibilité d’envoyer régulièrement des entrepreneurs à l’étranger juste pour aller voir ce qu’il se passe sur place pour s’inspirer et ramener des bonnes pratiques. On aide aussi ces entreprises à recruter sur place en ayant un vrai travail avec les écoles pour former les compétences dont on a besoin ici.
Propos recueillis par Paul Vassé
Suite et fin de notre dossier « Le numérique demain » la semaine prochaine avec le Transhumanisme. Retrouvez Paul Vassé sur Twitter : @not_hochon. A lire aussi :
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