
1985-2005 : l’évolution du journalisme
20e Festival International du Scoop et du Journalisme
Le festival du Scoop et du Journalisme d’Angers a fêté ses 20 ans. Le bel âge. Quoi de plus logique que de parler d’histoire ? Histoire et journalisme ou histoire du journalisme, des journalistes sont venus développer ces thématiques et parler du "plus beau métier du monde"(1).
Plus que des réponses sur les différences et ressemblances entre l’historien et le journaliste, les débats se sont davantage intéressés à l’évolution du journalisme et surtout aux difficultés actuelles que rencontre la profession.
Le recul historique est la première interrogation qui survient quand l’on confronte histoire et journalisme. Le recul du journaliste est il suffisant ? Jean-Pierre About, Grand Reporter à TF1, répond que le journaliste témoigne de ce qu’il voit mais n’a pas nécessairement de recul historique. Un fait souvent reproché aux journalistes. Claude Carré, directeur de l’information à TF1, confirme et poursuit en ajoutant que ce n’est pas le problème du journaliste. Ce dernier doit être un pédagogue en quelque sorte, il montre et il explique en répondant à 5 questions : qui, quand, où, comment, pourquoi. Il nous donne à regarder. La vérité vient bien après par le recul et le travail des historiens. Cela ne signifie pas que le journaliste ne dit pas vrai.
Le journaliste étant au contact des événements historiques, n’en devient-il pas acteur ? Oui selon Jean-Pierre About, comme en Irak par exemple. Le journaliste est un acteur de la guerre. Par le simple fait de choisir des sujets à traiter, les médias déterminent quelles sont les grandes guerres ou celle qui le deviendront par la médiatisation. Claude Carré a une vision différente : « Influence t’on le chômage ? » ironise t’il presque, « influence t’on les inégalités, est-ce qu’on change véritablement l’histoire ? J’en doute, (...) nous ne sommes qu’un petit reporter au milieu d’une grande foule. »
Le journaliste n’a pas de recul, il peut être acteur indirectement, alors quant est-il de son objectivité ? Bruno Le Dref, France 2, explique que l’objectivité rend compte d’un objet. Nous sommes des sujets, nous ne pouvons être que subjectif. A chacun de se rapprocher de l’objectivité en rencontrant un maximum de témoins ou d’acteurs.
La technologie vous amène l’immédiat(2)
Aujourd’hui avec le développement des satellites, l’information circule très vite, trop vite parfois. L’avancée technologique, selon J-P. About, « c’est pour le meilleur et pour le pire ». Les services institutionnels disposent de plus en plus de services cinématographiques qui transmettent des images très rapidement. Pourquoi dépêcher une équipe sur place puisque l’on vous fournit les images ? Les journalistes sont pris en main par des communiquants. « Tout est aseptisé dans notre société » déclare Pierre Fernandez, directeur de la communication de l’AFP(3), Claude Carré parle, lui, de « lessiveuse de l’information ». Danger du lessivage réel par le formatage actuel. Les journalistes sont originaires du même milieu, ils ont fait les mêmes écoles,ont le même courant de pensée. Un problème que l’on retrouve aussi dans le milieu politique.
Le journalisme ou l’évolution d’une profession
« Le journalisme à disparu, il est devenu une Webcam » lâche Philippe Lefait samedi 26 novembre lors de la dernière conférence. Il s’empresse d’ajouter « c’est un risque, seulement un risque bien sûr ». Claude Sérillon, parle de journalisme d’émotion aujourd’hui, « je suis consterné par le niveau, il n’y pas d’impertinence » ajoute l’ancien présentateur du journal télévisé de France 2. Le journaliste d’hier, d’il y a 20 ans, valeureux, respecté, accepté est en voie de disparition selon Philippe Lefait toujours.
Les enquêtes se font de plus en plus rares laissant place à des sujets mornes identiques d’une chaîne à l’autre, d’un journal à l’autre... Mais ce sont des travaux difficiles, coûteux voir dangereux. Des beaux sujets qui ne trouvent pas régulièrement preneur. Les « patrons » des médias ne sont pas non plus innocents. Philippe Lefait cite l’exemple d’un DRH(4)à TF1 qui voulait comme journaliste une personne qui sache poser une question, l’enregistrer, la filmer, la monter... Leur part de responsabilité est importante. Les journalistes sont de plus en plus généralistes et de moins en moins spécialisés et c’est un vrai danger pour l’approfondissement de l’information.
Le changement de ces 20 dernières années, c’est l’utilisation du journaliste. Il est victime de séquestration, de rançonnement... En Irak c’est une marchandises qui se vend bien. En France, l’exemple des banlieues où ils ont été pris pour cible, montre l’amalgame entre les médias, la télévision surtout, et le pouvoir. Incompréhension du public sans doute, mais la faute viendrait des journalistes de plus en plus suiviste, dénonce Claude Sérillon. « Ils ont peu de courage mais beaucoup de paresse ».
Tout ceci est en lien avec un pouvoir économique de plus en plus fort. Tout le monde veut tout, tout de suite, et par le développement de la publicité, l’audimat conditionne et amène la précipitation dans l’exercice de ce métier. Une profession pour laquelle il faudrait, selon Alain Mingam, photojournaliste, « avoir le temps de prendre le temps d’arrêter le temps... ».
Fabien Leduc
1. Hervé Chabalier, Directeur de l’agence CAPA, samedi 26 novembre à Angers.
2. Claude Carré, lundi 21 novembre à Angers
3. Agence France Presse
4. Directeur des Ressources Humaines
Palmarès 2005 (extrait ; plus d’information sur www.festivalscoop.com) :
Grand prix Jean-Louis CALDERON Vidéo : Irak : Enfer à Bagdad / Paul COMITI - Production Tony COMITI | Photo : Irak 2003 - 2005 / Jérôme SESSINI - Photographe Indépendant
Prix spécial du jury Vidéo : Gaza : A contre cœur / Vincent N’GUYEN - France 2 | Photo : Vietnam : Agent Orange / Alfred - SIPA PRESS
Prix des écoles de journalisme Les demoiselles de la Légion d’Honneur / Marie-Pierre DIETERLE - Ecole CFD
Prix du jeune reporter photo Military Girls / Carmit HASSINE - LABA Nazca Pictures
Prix de l’enquête (vidéo) Dubaï : Dans les soutes de l’Eldorado / Philippe LEVASSEUR et Philippe JASSELIN - France 2
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