
Génération SMS en quête d’une langue universelle
Itinéraire d’un enfant de l’espéranto
A l’heure de l’abréviation, du texte sans haut ni bas, de la possibilité de créer de nouvelles formes de mots, l’espéranto pourrait ressurgir en s’appuyant sur une approche linguistique simplifiée et créative. "Espéranto Jeunes" relèvent le défi de cette langue et, par l’un de ses porte-paroles, Cyrille Poulet, révèle l’espoir placé dans ce choix. Derrière les mots, les aspirations...
Profiter de l’espéranto
Tous les chemins mènent à l’espéranto. Curiosité, révolte, véritable intérêt:les motivations variées se reflètent dans chaque parcours. Cyrille Poullet suit pas à pas cette langue depuis l’an 2000, marchant ainsi sur les traces d’un père amateur de ces étranges sonorités que Radio libertaire émet lors de ses émissions en espéranto. Quelques cours suffisent au jeune homme pour s’approprier les bases. Intégré dans le courant espérantiste, il passe en un éclair de l’autre côté de l’antenne et anime le vendredi soir entre 17h30 et 19h00. Cette ouverture linguistique sert aussi de vecteur à un engagement citoyen et peut même mener à la traduction de site sur la peine de morts. Premier constat : "Les possibilités qu’offre cette langue sont multiples. Il y a encore beaucoup de choses à faire". Proposition d’enrichissement personnel gratuit par Cyrille, secrétaire d’Espéranto Jeunes :
Comment as-tu décidé alors d’exploiter cette connaissance ?
Je me suis plongé dans le bain de communication internationale que permet la langue de Zamenhof. J’ai participé à un festival en Hongrie, je suis parti au Mexique.Là-bas, j’ai passé trois semaines à m’ennuyer. Je suis réellement parvenu à pénétrer la culture en prenant contact avec les milieux espérantophones sur place. Cette communauté s’étend à l’échelle du monde entier : 18 000 personnes sont présentes dans un guide et s’engage à recevoir tous les voyageurs parlant espéranto.
Tous les pays s’ouvrent-ils aussi facilement ?
Pour ma part j’ai voyagé en Allemagne, en Serbie, en Russie, en Pologne, en Espagne, en Bosnie. Je me suis interressé à ces pays de l’est et j’ai appris le Serbe et le Russe. Pendant les séminaires culturels, nous étions tous reliés par une même langue : les échanges interculturels étaient facilités même si nous sommes tous très différents au premier abord.
D’un point de vue personnel, quels bénéfices en as-tu tiré ?
Je me suis décomplexé par rapport aux autres. J’étais assez mauvais en Espagnol au lycée. Le lexique de l’espéranto m’a donné envie de réapprendre le vocabulaire hispanique. La langue de Zamenhof procède par la méthode globale. Elle va jusqu’au bout du système grammatical mais est assez souple pour laisser chacun inventer ses propres mots. L’espéranto se réapproprie facilement car il n’appartient à aucune culture. Par exemple un Allemand peut décider de faire des mots longs, un Chinois l’invers. Doktoro Espero, l’intiateur était un linguiste qui n’a pas seulement créer un objet artificile mais s’est inspiré des autres langues.
Les mots de l’espoir
Le pouvoir des mots est un exercice pratiqué (ou subi) quotidiennement par tous. Toute idéologie se niche en premier lieu dans la parole, notre vision du monde est conditionné entre ces lignes. L’espéranto peut-il ainsi se battre sur ce terrain et s’auto-proclamer porte-parole ? Révolution des mots, contrepoids d’une majorité ou point de vue conventionnel ? Véhicule de convictions et d’aspirations au travers même de ses mots, l’espéranto se veut engagé dans une lutte contre les idées dans l’air, contre la pollution des préjugés...sur le papier. Que écho perçoit Cyrille concrètement ?
Comment est née cette envie d’apprendre l’espéranto ?
J’étais à la fois attiré par la langue et ses valeurs. J’avais déjà des racines militantes dès le départ. Chacun a ses opinions mais d’une manière globale cet idiome de l’espoir est inséparable des idéaux de paix, de lutte contre le rascisme. Bien sûr ces objectifs ont un côté utopique mais cette entreprise ne tient que par la volonté des gens : cela prouve son immense force.
Ces aspirations positives sont optimistes mais sont-elles vraiment ancrées dans la réalité ?
Elles heurtent, provoquent des réactions. Certains, sans s’y opposer, prennent parti contre la langue elle-même en affirmant que l’Anglais reste plus facile à apprendre. Les camps pour ou contre révèlent parfois des surprises : j’ai connu un professeur d’Anglais qui, confronté à la difficulté réelle de la matière qu’il enseignait,s’engageait pour l’espéranto.
As-tu constaté des évolutions à l’échelle des états lors de tes voyages ?
Un phénomène étrange s’est produit. En Russie, ce langage a servi à passer à l’ouest tandis que nous, européens, cherchions à faire des rencontres à l’est. Il s’est particulièrement développé dans les années trente mais Staline a torturé les espérantophones. Puis, le communisme a été remis en cause et a provoqué ce flux paradoxal de population. Mais dans ce pays l’espéranto est un faible échappatoire : les associations demandent une cotisation : rédhibitoire pour des populations pauvres. Depuis que je pratique cette langue, je prends conscience de ces barrières. Le visa est nécessaire pour parvenir au pays des tsars, et son obtention a été un véritable parcours du combattant. Quelles difficultés doit éprouver alors un Africain souhaitant se rendre en Russie ?
Dans quels pays l’espéranto s’est-il particulièrement développé ?
Au Brésil et en Afrique, des communautés ouvertes, des mouvements de jeunes se sont crées. Mais nous disposons de peu de statistiques réelles. De plus il faut distinguer espérantophones, ceux qui parlent la langue, et espérantistes, ceux qui s’engagent pour son développement. Ces deux termes ne correspondent pas forcément aux mêmes personnes. Pour continuer à clarifier la situation : les espérantistes et espérantophones ne sont pas anti-anglophones !
L’ambiguïté d’une communauté
Créer une langue et un mouvement fédérateur tel que l’espéranto entraîne la naissance d’une communauté. Celle ci, disséminée aux quatre coins de la planète, ne possèdent que des contours floues. Impossible de dresser le portrait du "parfait espérantophone", les iniatives surgissent de part et d’autres sans réellement s’accorder. Richesse de volonté diverses ou danger de dérives ? La langue, d’ordinaire associée à la nationalité, est ici seul maîtresse à bord d’une communauté naviguant en eaux troubles.
Le mouvement espérantiste a un drapeau, un hymne...Ne se développe-t-il pas à la frontière de l’idée de "nation" ?
En effet, certains souhaitent développer une sorte d’état en miniature. Cette communauté recrée les travers de la société. On y retrouve des extrèmes, des intérêts divergents, des comportements traditionalistes...Toutefois, il ne faut pas occulter la dimension de loisir, de clubs qui s’ouvrent dans toute la France par exemple. L’ancienne génération ayant appris l’espéranto est surtout attachée à la langue en général sans forcément d’autres applications. Les particularismes de cette communauté naissent de l’ensemble de ces différents usages.
Le couple espéranto/politique fait-il bon ménage ?
Pour développer la langue nous devons passer par les instances politiques. Elles seules décident de l’introduction d’une nouvelle langue dans le milieu scolaire.Nous menons des campagnes politiques sans nuir à la neutralité que veulent conserver les associations.Lorsque l’espéranto est apparu la francophonie s’était fortement développé sur de nombreux territoires.Est ce une explication de l’attitude des différents gouvernement qui ont refusé de nous aider pour le développer ?
Avez vous tenté d’agir à l’échelle européenne ?
En effet, nous souhaitons résoudre le problème linguistique de l’Europe dominée par l’Anglais. Nous avons la même idée que les anglophones mais eux imposent un filtre culturel. L’Anglais agit comme "un rouleau compresseur". Nous sommes conscients que l’espéranto n’est pas une langue parfaite et ne doit donc pas être en position hégémonique. Mais s’il peut inciter les gens à réfléchir à ce problème nous aurons accompli un pas. Notre combat s’inscrit dans le respect d’autrui : il n’y a pas assez de personnes qui apprennent des langues étrangères. Ainsi, à la frontière franco-allemande, les habitants ont deux langues à leur disposition mais parlent anglais. Pour réagir, nous avons fondé un parti : Europe Démocratie Espéranto. Cinq clips Tv ont été réalisé pour sensibiliser le public lors de la campagne européenne. Nous avons obtenu le score honorable de 0,2% de votants (environ 200 000 personnes) en proposant un programme uniquement fondé sur la question linguistique sans prétention d’être élu.
Quel avenir envisages-tu pour l’espéranto ?
Je vais continuer de me battre pour l’idée lancée par Zamenhof : une langue universelle auxiliaire, favorisant la communication internationale sans empiéter sur le territoire des différentes cultures et garantissant l’égalité entre tous. Peu importe si dans l’avenir ce langage prendra la forme de l’espéranto. Seul compte l’aspiration à l’origine du projet.
Chloé Vigneau
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