« J’aime pas qu’on me fasse chier, j’aime que les gens se poussent et me laissent passer » : voilà le genre de réflexion qui justifie, entre autres, l’achat d’un 4x4 aujourd’hui. Il a beau aimer le volume et la hauteur de son véhicule, Marc laisse peu de place pour les autres usagers de la route lorsqu’il se promène dans son engin. C’est qu’il a un besoin énorme de se démarquer des autres, vous comprenez... L’anticonformisme a un drôle de visage aujourd’hui : rouler en Espace, c’est faire comme tout le monde, alors Marc roule en 4x4 Mercedes. 72000 € en moyenne pour un véhicule neuf. A ce prix là, on vous garantit la reconnaissance, le confort, et un sentiment grisant de puissance. Ce n’est pas Michel, le voisin de parking qui le contredira : lui aime regarder de haut quand il conduit. Est-il effrayé de poser les pieds à terre ? Allons Michel, les semelles compensées font des merveilles de nos jours, et même en dehors de ton mirador, tu peux aussi nous regarder de haut. Stature, sécurité, confort : les fabricants automobiles ont récemment pondu leur poule aux œufs d’or : le 4x4 urbain est devenu pour leurs consommateurs l’aboutissement d’un rêve. Un rêve pour la famille, les courses du samedi, et les visites en montagne. Le concessionnaire T. (Nantes) avoue même que certains achètent quand même un peu pour la frime.

Un mal pour l’environnement

Vu comme ça, le 4x4 semble être une grosse farce inventée de toutes pièces par les constructeurs : l’engouement pour ces safaris urbains, le pare buffle en centre ville nantais, ça fait sourire en effet... Mais il y a un bémol à cette mode étrange : les 4x4, ça pollue. Les émissions moyennes de CO2 pour les véhicules neufs tous terrains sont de 232 grammes de CO2 par km, 146 grammes pour les berlines neuves, la bagatelle de 25 litres aux 100 km, et c’est sans compter sur la climatisation, qui pour chaque kilomètre parcouru, rejette l’équivalent d’un ½ kg de CO2. Des comparaisons qui font froid dans le dos... Surtout au regard des campagnes publicitaires des 4x4 qui y présentent des conducteurs baroudeurs et proches de la nature, de la savane, des ours, ou de je ne sais quel autre délire exotique pour une bourgeoisie citadine en mal d’aventure...

Cette dernière semble regarder l’environnement par le petit bout de la lorgnette, mais elle ferait bien mieux d’aller jeter un œil par le pot d’échappement. Le tableau s’y trouve un peu noirci. L’autre bémol ? Il y en a un, et il est de taille ! Le conducteur de 4x4, placé au dessus des autres usagers acquiert un sentiment de sécurité exagéré et faussé. Hélas tout le monde ne jouit pas d’une telle carrosserie : le risque de mortalité d’un piéton ou un cycliste est 3 fois supérieur si un tout terrain est impliqué dans l’accident.

Face à la puissance d’un lobby où pétroliers et fabricants automobiles font amis amis, les ministres de l’Economie et des Transports baissent un peu les bras. Une taxe serait envisagée, à l’achat et ensuite à l’année, suivant le genre du véhicule. Mais pour être acceptée, elle doit être justifiée d’un point de vue de santé publique et de préservation de l’environnement. S’agissant dans ce cas d’objectifs politiques, les choses se compliquent... A cela d’autres ont des réponses plus rapides, plus radicales. Au lieu de pester dans leurs moustaches, Les Dégonflés, collectif d’origine parisienne, ont opté pour l’action : ils dégonflent, vous l’aviez compris, les pneus des 4x4 qui s’aventurent en ville. Lointains cousins des Musclés, les Dégonflés proposent une parade farfelue pour une mode absurde.

Pour les plus téméraires d’entre vous, si l’envie vous prends d’aller à la rencontre des propriétaires de tout terrains, attention : pas de pneus crevés, c’est condamnable. Et pour les plus modérés... Préférez le dialogue (« Avez vous croiser un zèbre aujourd’hui ? », ils apprécieront). Et surtout prenez le bus, je ne connais pas une pareille stature ni une telle présence que la silhouette des véhicules de la Tan...

Claire Robin