
Esperanto ? Kesako ?
Tour d’horizon d’une langue mondiale
Exaspéré de ne pas être bilingue après 10 ans d’apprentissage au collège et lycée ? EcÅ“uré de la domination de l’Anglais ? L’Espéranto se présente comme une alternative à toutes ces difficultés linguistiques. Dans ce dossier, cette langue sera examinée sous toutes ces coutures, de sa réelle influence sur le monde actuellement, jusqu’aux valeurs qu’elle défend, en passant par les témoignages de passionnés , de curieux, d’opposants, de défenseurs. Premiers balbutiements vers la planète espéranto.
Un docteur soigne nos problèmes de compréhension
A Varsovie en 1887, Polonais, Allemands, Russes et Juifs cohabitent et communiquent à l’aide de leurs langues maternelles respectives. Le docteur Ludwik Lejzer Zamenhof, fâché de cette malédiction de Babel qui s’étend de son quartier jusqu’au monde entier, décide de créer une langue auxiliaire n’ayant pas pour vocation de remplacer les autres mais d’assurer l’intercompréhension entre tous. Cette aspiration est mêlée d’idéalisme, de souci d’améliorer la communication, mais s’explique aussi par ses origines : « Si je n’étais pas un Juif du ghetto, l’idée d’unir l’humanité ne m’aurait pas effleuré. » Cet état d’esprit est encore au fondement même de l’Espéranto : l’intérêt porté sur cette langue est en général provoqué par une prise de conscience des divisions entre les différentes communautés mondiales.
Une langue poursuivant les mêmes but, le Volapük, avait été inventée par le curé Schleyer mais n’avait pas donné les résultats escomptés et n’avait pas atteint la dimension d’universalité poursuivie. Trop compliquée, pas assez accessible à la diversité de l’humanité ? Zamenhof a retenu les leçons de son prédécesseur et , pour faciliter l’usage collectif et ouvrir l’espéranto au plus grand nombre, Doktoro esperanto ( « le docteur qui espère », pseudonyme utilisé lors de la publication de son premier livre) adopte un lexique réduit et une grammaire simple.
Le commun des mortels n’étant pas linguiste de naissance, cette simplification permet une approche rapide et surtout une efficacité dans l’apprentissage. L’Espéranto permet également de s’approprier, suivant sa nationalité, le vocabulaire (cette prouesse sera expliquée dans un autre article du dossier). Le docteur insiste sur cette notion en se nommant lui même en tant qu’initiateur et non créateur. Cette évolution naturelle des langues apparaissent normales pour tous mais l’espéranto, sans la condamner ni l’ignorer, l’avait prévue : la langue créée par Zamenhof était définie dès les premiers pas comme une simple base destinée à être modifiée au fur et à mesure des usages.
Voyage au centre de l’Espéranto
Autour de la langue, noyau rassemblant entre 100 000 à 8 millions de personnes (les statistiques sont presque impossible à établir), des valeurs communes unifient une communauté qui ne cesse, par petits mots et grands discours, d’évoluer, de grandir. L’indépendance d’esprit , la distance par rapport aux idées reçues, une vision du monde interethnique caractérisent l’essentiel des idées partagées à travers l’Espéranto (même si celles ci varient suivant les affinités des individus : les témoignages de ce dossier le prouvent).
Mais en dépit de ces bonnes volontés , l’Espéranto est affaibli par les travers de l’histoire. La seconde moitié du xx ème siècle en fait le jouet des dictateurs : Hitler croit entendre, derrière cette langue nouvelle, les Juifs et les Francs-maçons, Staline est persuadé d’entrapercevoir les reflets du cosmopolitisme bourgeois. Ces hallucinations s’accompagnent d’une réalité : les esperantophones sont massacrés.
Aujourd’hui l’Espéranto développe une réelle culture en s’inspirant d’un base existante (les premières traductions ont été celles d’Hamlet, d’Iphigénie, de morceaux de la Bible....) mêlée à des créations personnelles. Une véritable culture espérantiste est née soutenue, entre autre, par des célébrités : Reinhard Selten (prix nobel d’économie en 1994), Zsuzsa Polgar (championne mondiale d’échec en 1996), Umberto Eco et Claude Hagège rejoignant progressivement les intellectuels séduits par cette alternative à l’Anglais en tant que langue mondiale.
Le tour du monde en 110 ans
Les ondes positives créées par le couple radio et Espéranto s’étendent dans de nombreux pays , même radio Vatican clame son enthousiasme... dans la langue de Zamenhof. En 1976, 30 universités avait parié sur cet enseignement, en 1996, la mise avait quadruplé. Pour se structurer, les défenseurs de la langue se rencontrent régulièrement : de 1905 , date de la première réunion à Boulogne sur mer à 2005, les congrès se sont multipliés.
La littérature, centre d’expression de la langue par excellence, a pris le pas. Actuellement 30 000 ouvrages environ, dont un tiers de traductions, ont été publiés, sans compter les revues qui paraissent régulièrement . Zamenhof a en effet pris soin que la visée communicationnelle soit complétée par le plaisir du jeu de mots et de la poésie. Les personnages de bandes dessinées tels que Tintin , Astérix et bientôt le Petit Spirou ont révélé leur talent insoupçonnable de polyglottes maîtrisant jusqu’au bout des bulles l’Espéranto. Pour exploiter la musicalité, divers groupes de toutes nationalités ont sorti guitares, voix et envie pour témoigner leur soutien à chaque disque.
Cet idiome s’étend désormais de la Chine jusqu’à l’Amérique Latine : la langue a accompli le long voyage pour lequel elle était destinée. Mais sa vitalité culturelle ne peut cacher sa faible représentativité dans le monde politique et économique, celui qui régit essentiellement les influences planétaires, la mondialisation. De nombreuses interrogations naissent autour de cette première vue : pourquoi l’Espéranto ne parvient-il pas à accélérer son développement ? Comment définir réellement cette communauté d’espérantophones souvent critiquée ? Une échelle d’un siècle est encore peu significative pour juger d’un développement linguistique mais l’Espéranto soulève des questions d’universalité, de vision du monde qui doivent être débattues... avec tous les mots de langue maternelle ou artificielle à notre disposition.
Chloé Vigneau
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