
FOCUS
Le polaroïd est mort, vive le film instantané
Avril 2013 est le mois du polaroïd et du film instantané à Nantes, ainsi que dans plusieurs villes de France. L’association Triphase fait revivre ces clichés imparfaits avec l’évènement Expolaroïd. Instagrameurs, s’abstenir.
Une dizaine de lieux nantais célèbrent en avril 2013 le mois du polaroïd. Bars, galeries et cinémas accueillent expositions, ateliers et projections dans le cadre de la première édition d’Expolaroïd. À l’origine, l’association Triphase, fondée à Saint-Sébastien-sur-Loire en 2005. Une structure de passionnés et professionnels de l’image qui découvrent leur intérêt commun pour le Polaroïd au sein d’une communauté nantaise, française et même mondiale, active sur internet. La première étape consiste, en 2008, à sortir des forums spécialisés pour créer le collectif « 1Instant » et son expo itinérante dédiée aux clichés instantanés. En 2013, l’expo pose ses valises. Du Québec à la Thaïlande, en passant par la République Tchèque, près d’une quarantaine de villes se dotent de leurs propres expositions pour le mois du Polaroïd. « Une expansion virale et communautaire », pour Cédric Nicolas, président de l’association Triphase. « L’idée est de dire que le polaroïd n’est pas mort. On est encore nombreux à être attachés à ce procédé et il y a de vrais projets artistiques avec ce support. Il faut encore compter sur nous », poursuit-il. Polaroïd a arrêté la production de ces films en 2008. Ce n’est pas pour autant que les fans de l’instantané se sont arrêtés. Impossible Project a relancé une production en 2010, Fuji s’y est également mis depuis.
On est encore nombreux à être attachés à ce procédé et il y a de vrais projets artistiques avec ce support
Chère passion
Un SX 70, l’appareil mythique, se négocie aux alentours de 200 euros entre particuliers, à moins d’un coup de chance en brocante. Mais ce sont surtout les films dont le prix a grimpé. Ils sont aujourd’hui plus chers, de moins bonne qualité, et contiennent moins de photos qu’avant. « À l’époque de Polaroïd, pour 30 euros, on avait deux packs de dix photos », se souvient Cédric Nicolas. « Aujourd’hui, il faut compter 25 euros pour un seul pack de huit photos. C’est aussi ça le charme du Polaroïd. Le but n’est pas de prendre une vingtaine de photos jusqu’à avoir la bonne, mais bien de se contenter de celle que l’on obtient, avec ses défauts, sans possibilité de retouche. » Et en effet, on tombe amoureux du polaroïd sans trop savoir pourquoi. C’est l’instant magique, la surprise. Le charme est dans les petits défauts du film, dans les rendus de lumière particuliers, jamais les mêmes. Les coulures également, parce que la chimie ne s’est pas bien répartie sur la photo, les petits problèmes de cadrage. C’est pour toutes ces raisons que l’image est belle. « Et puis il y a un objet physique, ce n’est pas virtuel, tu as ta photo dans la main. On ne peut pas la retoucher, c’est sincère. »
La démarche est opposée à celle de l’application Instagram, communautaire et virale elle aussi, et dont aucun cliché ne figure ici. « Par purisme », précise Cédric Nicolas. « On n’est pas anti Instagram, évidemment, rassure-t-il, mais la démarche artistique n’est pas du tout la même. D’ailleurs, lorsqu’un internaute poste une photo Instagram sur un forum dédié au polaroid, on s’en rend compte tout de suite. Le modérateur lui explique gentiment que ce n’est pas l’endroit approprié, mais les autres membres sont un peu moins diplomates ».
Toucher avec les yeux
Les particularités du polaroïd se prêtent à différentes expériences artistiques, ainsi du projet Né Cécité que Cédric Nicolas à mené avec des non-voyants en 2009. « L’idée est partie du fait que ce qui importe pour moi dans une photo c’est son sens, plus que son esthétique. Est-ce qu’il est possible de faire une belle photo uniquement avec du sens ? Est-ce qu’il y a un lien entre l’intention du photographe et la qualité d’une photo ? Je me suis rendu compte qu’il était impossible pour un professionnel de l’image de faire fi de tous les codes et de faires des photos complètement instinctives. J’en suis donc arrivé à la conclusion que seul quelqu’un qui n’avait jamais vu, débarrassé des soucis de mise au point et de cadrage, pourrait avoir cette force. Ces personnes seraient-elles capables de prendre une image forte, simplement parce qu’elles y mettaient une intention ? » Le résultat est éloquent. Le polaroïd s’y prête particulièrement parce qu’il est simple d’utilisation et parce qu’il produit un objet physique. La personne non voyante a entre ses mains la photo qu’elle vient de prendre et non pas 150 photos virtuelles sur une carte mémoire.
La série Dos, aussi, profite des particularités du polaroid. « En confrontant le modèle à sa photo qui se révélait, je vivais ce moment privilégié où le modèle découvrait son dos », explique Cédric Nicolas. Dans cette série de photos, il y a un côté anonyme et androgyne. « Mais dans le même temps, il est très facile de reconnaître les gens que l’on connaît. Malgré tout, notre dos nous identifie », assure Cédric Nicolas. Mis côte à côte les instantanés et leurs différentes teintes forment un patchwork, appelé à s’étendre. Le photographe recherche des modèles.
La prochaine édition d’Expolaroïd est en préparation. La question est de savoir si l’évènement sera annuel ou sous forme de biennale. L’association espère également obtenir un soutien financier de partenaires, dont l’apport se fait jusqu’à présent en nature. Expolaroïd pourrait ainsi prendre de l’ampleur par une meilleure communication et s’inviter dans les galeries plutôt que dans les bars.
Thomas Savage
Photos :
Bannière : Thomas Savage, CC
Centrale 1 : © Raul Diaz
Centrale 2 : © Antoine Camus
Centrale 3 : © Alin
Colonnes : © Cédric Nicolas
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