
La pilule, d’abord un médicament
« Pill scare  ». En 1995, le Royaume-Uni connaissait une panique autour de la pilule contraceptive entraînant une hausse des IVG l’année suivante. En France, un rapport de l’Agence nationale du médicament vient confirmer ce lundi un rééquilibrage en faveur des pilules de 2e génération.
L’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) publie le 29 avril un rapport sur l’évolution de l’utilisation des pilules contraceptives. Il constate une baisse de 26 % des ventes de pilules de 3e et 4e génération en 4 mois (décembre 2012 à mars 2013). Cette baisse se reporte en partie sur les pilules de 2e génération (plus 18 % sur la même période), et sur une utilisation en hausse du stérilet, conformément aux recommandations des autorités sanitaires. Alors que le directeur général de l’ANSM, Dominique Maraninchi, y voit des résultats « encourageants », des voix s’élèvent parmi les gynécologues pour crier au scandale sanitaire. C’est que dans tout ce chambardement, 150 000 femmes auraient arrêté leur contraception, cédant à la panique. La situation fait penser à ce qu’a connu le Royaume-Uni en 1995 avec le « pill scare » (la panique autour de la pilule), provoqué par l’alerte sur les pilules de 3e génération. S’en est suivi une hausse des IVG de 13,7 % sur trois ans.
Rapport de l’ANSM Ined
Génération pilule
Ainsi, la pilule de 1ere génération fait référence aux pilules commercialisées dans les années 60 et qui contenaient de fortes doses d'œstrogène
1ère, 2e, 3e et 4e génération. Il ne s’agit pas ici de téléphonie mobile, mais bien de contraception, de générations successives de pilules qui cohabitent et qu’il n’est pas évident à distinguer. Ladite génération à laquelle appartient la pilule n’est d’ailleurs pas mentionnée sur son emballage. Le mot génération fait référence à l’évolution de leur composition. La grande majorité des contraceptifs oraux sont des contraceptifs combinés (COC) contenant à la fois un œstrogène et un progestatif, qui sont des dérivés synthétiques des hormones sécrétées par les ovaires et impliquées dans le contrôle du cycle menstruel. C’est le progestatif qui est contraceptif, l’œstrogène étant seulement là pour rendre la prise plus confortable. Ainsi, la pilule de 1ere génération fait référence aux pilules commercialisées dans les années 60 et qui contenaient de fortes doses d’œstrogène. Leurs effets secondaires incluaient le gonflement des seins, des nausées, des migraines et des troubles vasculaires. Il ne reste plus qu’une seule pilule de ce type disponible en France à l’heure actuelle, la Triella. Les pilules de 2e génération, apparues dans les années 70 et 80, contiennent des progestatifs qui ont permis de baisser les doses d’œstrogène et combattre certains des effets secondaires des pilules de 1re génération. Les pilules de 3e génération ont été commercialisées à partir des années 90. Elles contiennent trois nouveaux progestatifs (le désogestrel, le gestodène et le norgestimate) qui étaient censés avoir moins d’effet androgénique et donc atténuer l’acné, tout comme la tolérance cardio-vasculaire. Les pilules de 4e génération sont quant à elles les dernières à avoir fait leur apparition. Leurs effets secondaires sont globalement les mêmes que ceux des pilules de 3e génération. Tableau récapitulatif des contraceptifs oraux commercialisés en France
Chronique d’un scandale
En septembre 2012, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, annonce la fin du remboursement par la Sécurité sociale des pilules contraceptives de troisième génération. Le déremboursement prendra effet à compter du 30 septembre 2013. Une décision prise après les conclusions rendues par la Haute autorité de santé (HAS), qui a estimé insuffisant le service médical rendu de ces pilules en arguant « un risque de complications thrombo-veineuses (les phlébites), deux fois plus élevé que chez les femmes sous pilules de 2e génération. » Il est à noter que ces conclusions s’appuient sur le rapport du Docteur Lidegaard publié en 2011. Il précise en effet que les cas de complications vasculaires concernent 4 cas pour 100 000 pour les femmes utilisant des contraceptifs de 3e ou 4e génération, et 2 cas pour 100 000 pour les contraceptifs de 2e génération. En décembre 2012, Marion Larat porte plainte contre le groupe pharmaceutique Bayer, qui commercialise Meliane, une pilule de 3e génération. Il s’agit de la première plainte déposée contre ce type de médicament, assure l’avocat. Marion Larat a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2006 et se trouve depuis lourdement handicapée. En janvier, quatorze nouvelles plaintes contre des pilules contraceptives de 3e et 4e générations sont déposées.
« Nos mères se sont battues pour la contraception »
Les spécialistes qui persistent à défendre ces pilules non gratae, à l’instar du Dr Nisand des hôpitaux universitaires de Strasbourg, sont accusés d’être à la botte des laboratoires pharmaceutiques. Une gynécologue nantaise, qui a répondu sous couvert d’anonymat, rappelle que ces risques sont connus depuis bien longtemps et que ce sont des « queues de cerises ». Elle ajoute que le tabagisme multiplie par 10 ces risques. À la pharmacie Bodic de Nantes, on précise qu’« il n’est pas évident pour une femme de trouver la pilule qui lui convient. Celles qui ont enfin trouvé un équilibre ont préféré ne pas changer, à l’exception des fumeuses ». Cette polémique autour de la pilule a le mérite de rappeler qu’il s’agit d’un médicament, et que comme tout médicament sa prise n’est pas anodine et comporte des risques.
Thomas Savage
Photos : Blmurch, CC
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