
Amandine Urruty, une artiste qui a de la patte
Dans le cadre du Week-end singulier , le Lieu Unique accueille l’exposition Chiots devant ! d’Amandine Urruty du 17 avril au 19 mai. Cette jeune toulousaine captive le regard par ses créatures atypiques et ses coups de crayons hauts en couleurs. Après la parution de son premier recueil de dessins Les robinets d’amour en 2011, elle a l’occasion d’étaler son talent dans la salle nantaise. Fragil est allé à la rencontre de cette illustratrice aux multiples fantaisies.
Fragil : Quel a été ton parcours jusqu’à ce jour ?
Amandine Urruty : J’ai toujours aimé le dessin, j’ai donc fait des études d’arts plastiques à la fac de Toulouse pendant huit ans et je me disais que j’allais être prof. Je n’abordais pas ce type d’art à l’université. Je dessinais pendant les cours sur mes marges de cahier puis j’ai commencé à faire des affiches de concerts, des flyers et de fil en aiguille j’ai eu des propositions d’exposition. C’est à partir de 2008 que j’ai eu l’occasion de me lancer véritablement dans cette voie.
Quand et comment est né ton goût pour l’art ?
A-U : Étant jeune j’étais assez solitaire. Je viens du Gers, c’est une région peu dynamique alors le dessin a été un bon palliatif à l’ennui. Je n’ai pas grandi dans une famille où les arts plastiques étaient importants. Quand j’étais petite je n’avais pas l’occasion d’aller dans des galeries, je me souviens avoir tanné mon père lorsque j’avais 12 ans parce que je voulais à tout prix voir une exposition de Combas à Paris. Nous y sommes allés ensemble. Le seul bouquin d’art qu’il y avait à la maison était sur Dali, je m’y suis intéressée et par la suite j’ai découvert Magritte. Il y avait également des BD que j’adorais consulter, surtout Fluide Glacial. J’étais fan d’Édika, j’aimais beaucoup ses personnages avec ces nez complètement déformés alors je copiais ses planches.
Tu as aussi touché au monde musical en étant dans un groupe, continues-tu dans ce domaine ?
A-U : Pas du tout, mais je pense que c’est bien pour tout le monde ! (Rire) Je ne crois pas que j’étais douée pour le chant, mes partenaires cherchaient sans doute une voix féminine fragile, un peu à la Jane Birkin. J’ai passé de bons moments avec le groupe, j’en garde une certaine nostalgie, mais pas de quoi ne pas en dormir la nuit. À une période je m’amusais à faire des reprises de l’Eurovision en soirée avec des potes, c’était plus pour la rigolade, la musique je la laisse à ceux qui savent en faire, c’est bien mieux comme ça.
Cela m'a semblé logique de faire des animaux, ils offrent plus de variété que les humains
Ton univers est remarquablement original, il mêle des créatures aux allures grotesques à des tonalités acidulées, d’où vient cette essence singulière ? Pourquoi le choix d’animaux anthropomorphes ?
A-U : Au départ j’ai fait des personnages qui avaient des trous à la place des yeux et qui n’avaient pas de mains, ni de nez. Cela s’apparentait à des bouts de chiffons ultra minimalistes. Le principe était un peu comme d’habiller une poupée, étoffer une tête à coiffer puisque petit à petit je leur attribuais des éléments, je leur ajoutais un museau de chien ou encore des gants qui du coup leur faisaient des mains. Cela m’a semblé logique de faire des animaux, ils offrent plus de variété que les humains. Je peux faire une tortue, un manchot, etc. C’est vraiment un répertoire de formes plus large. C’était évident, d’autant plus que j’aime les animaux.
Tes œuvres camouflent-elles un message, une symbolique ?
A-U : À vrai dire elles sont toujours conçues en lien avec les humeurs du moment, des sentiments, des peines. Mais le dessin est une sorte de dédramatisation de ma vie, j’évite de partir sur quelque chose de trop triste. J’essaye de faire des choses pas très lourdingues même si l’état d’esprit est lourdingue !
Le dessin nommé Épouvantail est le plus noir, j’étais dans une période très douloureuse alors j’ai construit une forme de poupée vaudou, on aperçoit aussi un cœur brisé et un serpent. C’est à partir de là que je me suis mise surtout au noir et blanc.
Tes créations semblent être une subtile symbiose entre l’amour et le monstrueux, pourquoi une telle alliance ?
A-U : Je pense que quand on fabrique des choses on essaye de reproduire ce que l’on aime. Ce que je fais c’est ce que j’apprécie chez les autres artistes, il s’agit justement de cette contradiction entre le laid et le beau, le coloré et le noir et blanc, l’amour et donc le repoussant. J’obtiens toujours un truc un peu bizarre, en fait j’aime bien le bizarre !
Avec cette profusion de détails baroques, quels effets cherches-tu à produire sur le public ?
A-U : Il y a eu plusieurs phases dans mes dessins, je suis allée crescendo vers une suroccupation de l’espace. Je voulais qu’il y ait toujours quelque chose à voir, qu’on puisse regarder dix fois une création et qu’il y ait constamment un détail nouveau qui apparaisse. Cela a duré une période, désormais j’essaye de revenir à quelque chose de plus light, je réalise que parfois la simplicité aussi a du bon, d’où l’envie de m’adonner au noir et blanc davantage. Je veux virer vers un contenu qui respire un peu plus, qui serait plus impactant, plus lisible et donc moins impressionnant au premier abord.
Si je dois vraiment puiser quelque part c'est plutôt dans de vieilles photos, dans des cartes postales, des choses libres de droits en fin de compte
Y a-t-il des artistes qui t’ont influencée, inspirée ?
A-U : C’est marrant parce que je le cite souvent alors qu’au final nos dessins n’ont pas grand chose en commun mais j’aime beaucoup Ludovic Debeurme. Il y a du glauque et du moins glauque, ça me plaît. J’aime ses dessins à la fois en couleur et en noir et blanc. Je ne suis pas archi fan de quelqu’un en particulier, j’admire certains artistes underground. J’apprécie le travail de Femke Hiemstra, c’est une Néerlandaise qui tue tout en terme de technique. Matt Furie fait des dessins colorés, remplis, il reprend des formes de Guizmo, c’est un univers intéressant. Sinon, étant donné que je suis dans une mouvance graphique où l’on se connaît tous, je suis aussi inspirée par mes fréquentations qui sont mes références. Les autres artistes ne sont que des sources indirectes, si je dois vraiment puiser quelque part c’est plutôt dans de vieilles photos, dans des cartes postales, des choses libres de droits en fin de compte, au moins je suis sûre qu’on ne viendra pas me reprocher d’avoir calqué !
Comment qualifierais-tu ton art en un mot ?
A-U : Mou (Rire).
Quelle sensation éprouves-tu en étant exposée dans une salle comme celle du Lieu Unique ?
A-U : Je suis absolument ravie. C’est mon exposition la plus grande, j’en ai fait d’autres qui étaient collectives notamment à la Halle St-Pierre à Paris. Cette exposition au LU a demandé beaucoup de travail, j’espère que ça paiera et qu’un tel espace permettra d’avoir un écho quelconque par la suite.
Que penses-tu de l’exposition Le grand mess de Théo Mercier présentée simultanément lors du week-end singulier ?
A-U : Je la trouve très chouette, je ne connaissais pas son travail. Je suis tombée sur son livre, j’ai beaucoup accroché sur deux œuvres que j’espérais voir ici, un espèce d’homme en spaghetti et des fantômes mais elles n’y sont pas, peut-être à une prochaine exposition si j’en ai la chance. Nous ne faisons pas vraiment la même chose mais je ne sais pas si c’est une question de référence, de goût commun pour la déviance, en tous cas c’est quelque chose qui me parle. C’est peut-être parce que nous sommes de la même génération.
Pour finir, quels sont tes projets pour la suite ?
A-U : Dans la foulée j’enchaîne avec une exposition collective avec Pictoplasma à Madrid. Je vais aussi faire une résidence au cours de laquelle je vais réaliser une méga fresque avec mon chéri, Nicolas Barrome, dans une galerie du XIe arrondissement qui s’appelle l’Attrape rêve. Je compte également continuer le deuxième bouquin sur lequel je travaille, le format sera différent du premier et les dessins seront en noir et blanc. En parallèle, j’aimerais peindre de nouveau sur des murs avec mon copain, il faut du temps pour cela, environ huit heures sur des façades de taille moyenne. Le plus gros que nous ayons fait est à Bangkok, nous avons mis quatre jours, il fallait des machines spéciales, c’était du boulot. La résidente de l’immeuble était très contente du résultat. L’objectif serait de refaire un gros gros truc tous les deux. Nous avons un projet dans le pays basque, il y a un grand pan de mur idéal sur l’axe qui relie Bayonne à Biarritz, il faudra prévoir une bonne semaine pour celui-ci. Ce seront des vacances peinture !
Propos recueillis par Laëtitia Tamic
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