
LINK : ovni terrestre
Quel est le lien entre musiques jungle, trip hop, rock et vidéo ?
Link ouvre le festival Nantes by Fac. Un choix périlleux ? Plutôt une découverte, une contamination, des oreilles jusqu’aux pieds, d’une musique qui donne autant envie de bouger que de l’écouter calmement.
Link n’a pas à rougir de sa performance en première partie d’As Dragon. Dès le premier pas posé sur la scène de Nantes by Fac, le jeune groupe suscite un enthousiasme démonstratif. Eva (chant), Grégoire (basse/clavier),Vincent (guitare), Benjamin (batterie) et Carole (vidéaste) pensaient-ils l’été 2003 où ils commencèrent à jouer ensemble que leur expérience les conduirait à préparer un maxi pour cet automne ? " Nous avons passer du temps à créer un répertoire, à être abouti avant d’arriver sur scène."
Les images de plantes, de végétation de toutes sortes, attendent l’arrivée de leur musique jungle trip-hop. L’étiquette comme les images se fondent derrière une musique, réellement inqualifiable. "Nous nous sommes réunis avec l’idée de l’électro mais nous voulions faire la démarche inverse en s’inspirant d’abord du chant, tenter de faire de l’électro mais avec une acoustique...Nous ne sommes pas enfermés dans cette étiquette, en live nous avons aussi notre énergie rock". Link sait s’adapter, se mouvoir entre "l’électro, point de ralliement" et d’autres influences personnelles : drum’n bass, jazz, rock, hip hop...
La voix d’Eva a cependant peu d’équivalent dans le paysage musical, à moins de voyager vers les contrées de Björk. Déroutant, insaisissable, ils glissent entre les étiquettes et les a-priori. La vidéo les entoure, leur crée une identité visuelle mais se joue elle aussi du public en construisant des environnements tantôt abstraits, tantôt ancrés dans la réalité, mais sans jamais l’imiter. La frontwoman se montre chaleureuse puis installe dans sa voix une émotion qui contraste avec les beats électro reconstitués par le batteur. Grégoire éclaire le projet du groupe ; " Avant tout, faire de belles chansons, avec un groove interressant, des harmonies. Nous voulons d’abord être un bon groupe avant d’être un groupe qui joue bien."
Le nom choisi s’avère être "un nom pratique, pour rassembler les arts vidéos, l’aspect sonore électro/acoustique, et même la danse avec la performance d’Eva sur scène. C’est un mot moderne qui finalement nous représente bien". Le public du festival saisit ce lien lancé par un live parfaitement maîtrisé. Certains s’accrochent à la présence rassurante d’une basse rythmée, d’autres se laissent porter par une guitare sensible, ceux qui ne tiennent pas en place se rallient à la batterie."Chacun trouve sa place, la voix assez planante est devant pour la mélodie mais l’ensemble compte pour construire quelque chose d’inhabituel".
Le maxi promet-il d’être aussi concentré en énergie ? "Pour ce projet nous avons voulu tenter des featuring, faire venir un quatuor à cordes, un choeur de voix... Nous voulons aller plus loin dans les morceaux pour ce disque, la scène est plus du côté du plaisir. Cette création promet d’être propre et assez léchée. A terme on s’orientera peut être vers une démarche de collectif, sans chercher à faire quelque chose qui plaît à tout prix." Pas de panique, le live continue pour nous destabiliser encore.
Paroles-Musique
Souvent le morceau débute par un calme étrange, où s’installe un rythme allié aux images de leur univers. Est-ce virtuel, sommes nous dans un rêve où une voix évolue dans ce monde surgit des profondeurs musicales pour quelques minutes ? Il s’effondre la plupart du temps, s’autodétruit lorsque la tension monte avant l’implosion finale. Rage ou spleen, les sonorités s’entêtent, pénètrent dans l’esprit et y provoquent alors les réactions les plus contrastées. "On divise en général le public. On cherche réellement à provoquer des attitudes tranchées" confesse le groupe insouciant, qui se révèle, une fois sur scène, habité par une même envie de faire partager leur tempo.
Link vit par sa musique mais elle ne lui permet pas encore d’en vivre. Comme tous le groupes débutants sur le papier (même si sur scène ils peuvent se révéler très aboutis), ils partagent leur envie dans les cafés concerts, puis au Rendez-vous de l’Erdre en passant par un festival métal où ils ont été "très bien accueillis". "On cherche à se frotter à un maximum de public différents, notre musique n’est pas courante, nous la jouons où nous pouvons pour la diffuser. Notre son n’est pas qualfié de la même manière suivant les personnes qui nous écoutent, les lieux...En fonction des influences que chacun connaît, des clés musicales dont il dispose, il interprètera ce que nous sommes pour lui à ses yeux et à ses oreilles. Mais du point de vue de la scène on constate vite la différence : certains suivent le rythme en bons fêtards, d’autres bougent deux fois plus lentement pour se laisser porter."
Réactions contrastées véritables preuves d’une richesse musicale fédératrice. Link a la force de soulever les montagnes de nos préjugés et de nous rassurer ensuite par des sonorités familières. Le secret de cette hypnose se cacherait-elle dans les paroles envoutantes ? Eva nous le révèle : "Je chante en Anglais, langue universelle, pour la sonorité. Le message est aussi bien dans le sens des paroles que dans la musicalité des mots. Le groupe est un peu dans le "délire engagé" (rires). Nous voulons sortir des sentiers battus, parler des phénomènes de sociétés sous un angle précis. On s’interresse beaucoup aux personnages "à la frontière", qui sont dans ce que les gens qualifient de normalité et qui soudain, sombrent dans la folie. J’ai envie de mettre en avant le côté sensitif. L’exemple d’un élu parisien parfaitement intégré dans la vie qui a eu une réaction de cette sorte nous a particulièrement touché. Le poids de la société peut mener à des réactions de ce genre. "
La vidéo dévoile un instant les paroles graves et touchantes. Lorsque la signification des mots lyriques portés des cordes vocales aux cordes de la guitare s’éclaire, le public achève ce bouleversement des sens proposé par Link. Un rappel témoigne de l’envie de prolonger cette attrayante performance. Qui a dit que l’on ne prenait pas le goût d’abbatre nos croyances et de déconstruire notre monde ?
Chloé Vigneau Photo : Mathieu Sonet
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