
PORTRAIT DANS LES COULISSES DU FESTIVAL MIGRANT’SCENE (2/3)
Ricardo : le parcours d’un migrant
Regards croisés sur les migrations
Ricardo a un fort accent espagnol qui lui vient du Pérou. Il nous apprend qu’il est commissaire d’exposition à l’espace Cosmopolis pour Nouvel accent, à partir du 7 décembre 2012. Simple et souriant, il ouvre à Fragil les portes de son atelier, dans le quartier de la madeleine. Ricardo fait des photos et préfère qu’elles parlent pour lui ! Voyons ce qu’elles ont à nous dire.
Peux-tu nous parler de ton exposition photo L’autre rivage ?
C’est exposé à la Cimade, l’association qui m’a aidé dans mes démarches de demande de titre de séjour quand je suis arrivé en France. Ensuite je suis devenu bénévole, j’ai étudié le droit des étrangers et des demandeurs d’asile. J’ai accompagné des migrants de diverses nationalités. Comme je parlais espagnol et un peu anglais je pouvais être traducteur. J’ai pris ces photos quand j’étais bénévole. Le regard est toujours posé sur les migrants et moi je voulais qu’il le soit sur les bénévoles pour une fois. C’est un reportage sur les bénévoles.
Le regard est toujours posé sur les migrants et moi je voulais qu’il le soit sur les bénévoles pour une fois
Dans l’objectif (photo) d’un ex-migrant
Pourquoi souhaites-tu mettre en avant le travail des bénévoles ?
Quand tu arrives dans un autre pays et que l’on te dit « non, tu dois partir », ils te donnent la sécurité, l’espoir. Ils connaissent la loi, parlent bien le français et t’accompagnent pour défendre ton dossier auprès de l’administration. Le bénévole est à côté de toi et te donne confiance.
Est-ce que tu penses qu’on peut être surpris en arrivant que ce soit parfois si compliqué d’obtenir des papiers ?
C’est différent selon les personnes, moi je suis arrivé sur le territoire de façon légale. Mais je ne savais pas qu’il fallait renouveler la demande tous les ans puis tous les 10 ans. Cela fait 12 ans que je suis en France maintenant. Pour obtenir des papiers pour 10 ans supplémentaires je devrais justifier d’une bonne situation économique et prouver que je contribue à la société.
Etre migrant c’est magnifique !
Te considères-tu Péruvien, Français, un mélange des deux, citoyen du monde ? En as-tu assez que l’on veuille te mettre dans une case ?
Je suis de nationalité péruvienne mais citoyen du monde me convient bien ! Ce sont les gens qui te mettent dans une case. J’ai voyagé dans plusieurs pays : Espagne, Colombie, Équateur, Chili, Cuba… J’ai migré pour le travail. Je trouve que c’est vraiment magnifique d’être migrant. Si tu en as marre de ta vie, tu peux partir dans un autre pays, changer complètement et recommencer à zéro. Quand on migre il faut être prêt à quitter sa famille, à changer de travail, recommencer à zéro dans chaque pays. Il y a beaucoup de migrants pour qui c’est très dur de quitter cela. Après, il y a différents types de migrants. Certains portent des choses très lourdes qu’ils amènent avec eux tout le temps. Mais en changeant de pays ils peuvent parfois s’en débarrasser.
Les préjugés par pays
Tu lévites chaque fois que tu rêves de changer le monde
Quand je dis à mes amis Péruviens que je suis en France ils me disent « wouah tu as de la chance » mais ne savent pas ce qu’il y a dans ma tête. Il y a des préjugés pour chaque pays. Le préjugé négatif de la France c’est « lls sont méchants, dépressifs, se prennent beaucoup la tête et pour tout, s’énervent facilement » et le préjugé positif : « C’est classe, romantique, haut niveau culturel : théâtre, littérature, mode ». Mais avec la mondialisation et internet c’est moins vrai. L’idéal serait que tout le monde voyage mais c’est difficile économiquement, surtout le billet d’avion, après ça va ; le voyage c’est beaucoup d’improvisation.
Les images en disent plus que des mots
Peux-tu nous parler de ton livret photo L’autre Voyage À Nantes ?
C’est un livret de photos de huit pages qui fait référence à celui qui a été distribué dans le cadre du Voyage à Nantes. Plusieurs photographes proposent une vision non-touristique, anti-touristique même, de Nantes.
On peut y voir :
un sans abri qui dort dans la médiathèque
un migrant qui est en attente de ses papiers
une marche contre le projet de nouvel aéroport
deux petites filles Roms devant un camp qui sera expulsé le lendemain
une action pour la gay pride
l’occupation du Lieu Unique pour l’hébergement d’urgence.
Il n’y a volontairement pas de commentaires, les images parlent d’elles mêmes. L’idée est de questionner par l’image, de montrer ce qui ne se voit pas habituellement.
Peux-tu nous parler du projet de flashmob ?
C’est une idée de moi au départ, sur le thème de « léviter », qui signifie « être au-dessus ». Tu lévites chaque fois que tu rêves de changer le monde. A partir de cette idée on a fait des photographies de personnes qui lévitent dans une situation de protestation en face de la préfecture. Derrière il y a la volonté de changer la politique d’immigration de la France. C’est une action ouverte et d’échange.
Est-ce que l’exposition Nouvel accent est en lien avec le thème de ces trois travaux ?
Oui, c’est aussi la vision de migrants sur leur environnement et la relation qu’ils ont avec la ville qui les accueille. C’est une exposition collective d’art contemporain. Les 17 artistes sont tous étrangers ou descendants de parents étrangers. On peut y voir leur accent, exprimé dans le langage artistique. Mon travail représente une douche de son dans laquelle on entend les accents de personnes vivant toutes à Nantes.
Propos recueillis par Lucie Evain
Crédits photos : Ricardo Lacuta
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