Clip de rap

Ce festival consacré au cinéma amérindien, et qui avait choisi cette année pour thème « l’Eau », s’est ouvert au Concorde avec la projection de March Point, réalisé par trois jeunes de la réserve de Swinomish, située au Nord de Seattle aux États-Unis. Les Swinomish sont une tribu indigène qui bénéficie depuis 130 ans de droits de pêche sur un territoire conféré par un traité du gouvernement fédéral. Or, depuis les années 50, deux raffineries de pétrole (dont la Shell) se sont installées dans leur réserve. Lorsque les réalisatrices - Annie Silverstein et Tracy Rector, présente dans la salle - sollicitent ces trois jeunes de la tribu pour réaliser un film, ces derniers ambitionnent déjà de tourner un clip de rap ou un film d’action avec explosions et courses poursuites en voitures. Cody, Nick et Travis ne cachent pas alors leur déception même s’ils finiront par apparaître dans leur film sous forme de clin d’œil bling-bling habillés en rappeur façon 50 Cent. Les trois jeunes adolescents âgés de 16 ans sont donc allés, caméra et micro sous le bras, interroger leurs parents et grands-parents, faisant office de sages dans la tribu, pour comprendre les conséquences de la présence des raffineries sur leur territoire.

Toxique affaire

les rejets toxiques des raffineries ont contaminé les palourdes et les crabes dont les analyses ont révélé des substances cancérigènes

Le résultat, éloquent, est bouleversant et par voie de conséquence révoltant. Les Swinomish vivent essentiellement de la pêche qui constitue leur nourriture de base quand nous autres consommons au mieux du poisson deux fois par semaine. Or, les rejets toxiques des raffineries ont contaminé les palourdes et les crabes dont les analyses ont révélé des substances cancérigènes. Prenant conscience de cette menace, Cody, Nick et Travis sont partis à la rencontre des politiques jusqu’au Congrès américain à Washington. Confortés par la prise de conscience du problème humanitaire et écologique, notamment par le sénateur démocrate Patty Murray, ils attendent encore que le propre gouverneur de leur état, Christine Grégoire, daigne leur répondre… Mais la participation d’Amérindiens dans l’administration Obama pourrait faire évoluer les prises de conscience de ces problématiques.

Ice crime

Cette 4ème édition du Festival Ciné Alter’Natif s’est clôturée avec la projection du magnifique On The Ice du réalisateur Andrew Okpeaha MacLean. Filmé dans le décor épuré de l’Alaska, cette histoire haletante raconte comment deux jeunes ados vont tenter de dissimuler à leur entourage les circonstances tragiques de la mort d’un de leurs amis survenue au cous d’une banale dispute. Le prix de la jeunesse fut également remis par des collégiens de Rezé et des lycéens de Nantes lors de cette soirée de clôture à deux courts-métrages dont Celui qui aimait l’eau de Guélia Gunn. Un film hommage à un être cher disparu au cours d’une noyade.

Clap de fin

L’engagement de l’association De la Plume à l’Ecran pour promouvoir le cinéma amérindien dans le cadre de son festival est méritant à plus d’un titre. D’une part parce qu’il contribue à changer notre vision stéréotypée et très franchement ridicule sur ces populations. Comme s’en moquent d’ailleurs Cody, Nick et Travis dans leur documentaire. Les Amérindiens ne vivent plus depuis belle lurette dans des huttes et ne sont plus coiffés de plumes. D’autre part parce qu’il met en lumière une œuvre cinématographique trop injustement méconnue, et permet au public sourd et malentendant de bénéficier d’interprètes en langage des signes sur certains films et au cours des débats. De fait, le spectateur du Festival Ciné Alter’Natif a le sentiment de participer, bien malgré lui, à un acte militant.

Jérôme Romain