RENCONTRE
La Chispa de la Vida, fenêtre décalée sur l’Espagne d’aujourd’hui
Le 22ème Festival du Cinéma Espagnol débute le jeudi 15 mars avec pour invité d’honneur le réalisateur Alex de la Iglesia. Il est venu à Nantes pour présenter son dernier film, La chispa de la Vida, une comédie dramatique présentant l’accident absurde de Roberto, un publicitaire quarantenaire au chômage.
Avec La Chispa de la Vida, le réalisateur Alex de la Iglesia prouve une fois encore sa capacité à placer ses films au-delà des clivages de genre.
Une histoire absurde et révélatrice
L’histoire de Roberto (Jose Mota) et de sa femme (Salma Hayek), famille heureuse pourtant menacée par le chômage, reflète la dure situation de beaucoup de ménages espagnols. Après une journée particulièrement éprouvante, Roberto tente de retrouver l’hôtel de la lune de miel idyllique passée avec sa femme après leur mariage. Mais en lieu et place de l’hôtel Paradiso se trouve un théâtre antique fraîchement excavé. A la suite d’un évènement absurde, Roberto se retrouve au sol, une tige de fer plantée dans la tête.
Salma Hayek interprète le rôle dramatique de la femme du publicitaire accidenté avec une très grande justesse, alors que les ressorts comiques de cette situation sont exploités avec une fine dérision jusqu’à la fin du film. Le théâtre s’emplit frénétiquement de journalistes et de badauds et de nombreux personnages se succèderont auprès de Roberto, qui voit dans son accident l’occasion d’améliorer sa condition et celle de sa famille.
Un regard sur les médias et sur la société espagnole
Alex de la Iglesia pose la question de qui manipule les médias, « et quel est le monde derrière ? »
Roberto devient par son malheur la star des chaînes de télévision. Le film interroge les pratiques des médias mais remet également en cause leur rôle face à internet et à la multiplication des sources d’informations. « C’est un moment unique dans l’Histoire, de pouvoir communiquer sans intermédiaire, car sur internet on peut trouver toutes les informations nécessaires pour s’informer. Dans ce processus, on accède à la pluralité des opinions, on n’est plus dans un bipartisme. On peut prendre le meilleur de chaque personne. Ou le pire. » Il tempère tout de même : « Les journalistes savent trouver la bonne information ». Au delà de cette représentation, Alex de la Iglesia pose la question de qui manipule les médias, « et quel est le monde derrière ? ». Cette problématique issue du film n’est pas sans rappeler le combat que le réalisateur mène en Espagne suite au vote de la loi Sinde en février 2011, qui l’a amené à quitter avec fracas sa place de Président de l’Académie du Cinéma espagnol. Il est un fervent défenseur de la place d’internet dans l’économie culturelle et son discours est clair : « Un film qui est diffusé sur un écran et sur le net en même temps amène à une situation de piraterie » et il prévient « il faut penser les nouvelles fenêtres de diffusion pour échapper à une offre mainstream ».
Ouverture du festival du cinéma espagnol à Nantes
Alex de la Iglesia était déjà invité par le Festival du Cinéma Espagnol de Nantes l’année dernière pour Balada triste de trompeta (Prix du Jury jeunes) et en 2008 pour Crimes à Oxford. Dans une situation qu’il qualifie de « difficile » pour la diffusion du cinéma espagnol l’étranger, Alex de la Iglesia évoque la « tendresse du public français à l’égard du cinéma espagnol », cinéma « qui existe grâce à son public ». À la question de savoir si le cinéma espagnol est atteint par la crise économique et sociale qui secoue l’Espagne, le réalisateur répond : « ce monde est en train de changer, par une réorganisation du cinéma ». Le réalisateur ne se sent pas plus mal loti que d’autres secteurs d’activité ; « cette situation n’existe pas que dans le cinéma mais dans toutes les parties de l’économie » qui témoigne bien de l’écho particulier de son cinéma, bien que décalé, par rapport à la vie réelle.
À la question de savoir si le cinéma espagnol est atteint par la crise économique et sociale qui secoue l'Espagne, le réalisateur répond : « ce monde est en train de changer, par une réorganisation du cinéma »
Les projets vont bon train et le réalisateur nous montre sur son écran de téléphone deux photos d’une grotte gigantesque où se tiendra le tournage de son prochain film, "Une comédie folle" ("Una comedia loca") relatant les premiers actes de sorcellerie d’Europe, qui auraient eu lieu en Navarre. Il aurait souhaité raconter cette histoire dans l’excellent Jour de la Bête (1995), ce qui laisse présager le meilleur pour cette comédie satanique.
La rétrospective du festival du cinéma espagnol à Nantes présente une sélection des films d’Alex de la Iglesia. A ne surtout pas manquer, son premier film produit par les frères Almodovar en 1992, Action Mutante (Accion Mutante) projeté lors de la Nuit du Fantastique, séance dédiée au cinéma fantastique espagnol le vendredi 16 mars à 22h30 au Katorza.
Francis Corabœuf
Photos : Olivier Decré
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