
"L’ART PREND L’AIR"
Les artistes ouvrent leurs portes : attention au courant d’art !
Pour la cinquième année, le département de Loire-Atlantique organisait les 16 et 17 avril derniers la manifestation "L’art prend l’air". Le principe : les artistes ouvrent leurs ateliers et lieux de création au public, histoire de faire prendre l’air à leurs œuvres et surtout de sensibiliser les visiteurs, initiés ou non, aux expressions artistiques contemporaines.
Plan de la ville en main, à chaque petit point rouge correspond un atelier à découvrir, c’est parti pour une déambulation artistique à travers les ruelles nantaises. Plus de 300 ateliers participent à l’événement dans tout le département, impossible de tout faire, nous allons donc nous concentrer sur le centre-ville de Nantes. Direction le passage Pommeraye où débute notre "plan d’action", il faut trouver l’entrée du numéro 19... un samedi après-midi, affluence à Pommeraye, ça bouchonne dans les escaliers, la petite escapade artistique se transforme vite en chasse au trésor et quand la petite porte dérobée apparaît avec son n° 19 doré et son affichette "L’art prend l’air", c’est comme si nous avions trouvé le Saint Graal ! On sonne à l’interphone de la même manière que si nous étions invités chez des amis. Une voix féminine répond et nous dit de monter au dernier étage ; commence alors un parcours sportif dans le dédale des escaliers... qui dit immeuble ancien au cœur du centre ville dit vieil escalier en bois brinquebalant : il semblerait que l’art se mérite.
En immersion totale
Nous voici tout en haut avec vue sur les toits de la ville, c’est l’antre de Arielle Bertoin, plasticienne, vidéaste, performeuse qui partage pour l’occasion son atelier avec Sophie Papiau. Petit tour d’atelier en compagnie de la propriétaire des lieux et la magie de "L’art prend l’air" opère : on farfouille parmi les châssis, on demande des explications sur une œuvre – un peu obscure au premier abord – déposée là, négligemment, le long du mur. Autant de choses que vous n’oseriez jamais faire dans une galerie mais ici tout est possible ; en vous ouvrant sa porte, Arielle Bertoin vous a permis d’entrer dans son univers et vous invite à mieux comprendre son œuvre.
Surtout que cette artiste nantaise fait de l’interaction avec le public sa priorité. Après nous avoir montré une série de triptyques sur le thème du monde du travail et ses premiers congés payés, elle sort sa dernière œuvre dont elle n’est pas peu fière : "le globe-trotteur". C’est un objet cylindrique qui se déplie à la manière des pages d’un livre et qui représente la Terre en suspension ; l’artiste n’en est encore qu’au prototype mais le projet avance bien et surtout l’œuvre a déjà trouvé... locataire. Et bien oui, car, comme son nom l’indique, le "globe-trotteur" a pour mission d’aller voir du pays... Arielle Bertoin va louer cette œuvre à la semaine ou au mois à toute personne qui souhaite suspendre cette Terre en miniature chez elle. Au bout d’une année ou deux, elle exposera les photos de l’œuvre in-situ, prises chez les locataires. Quand on lui dit que le concept de cette œuvre d’art nous plaît beaucoup, elle corrige timidement : "Moi j’y vois plus de la poésie que du concept..." Art conceptuel ou art poétique, en tout cas, c’est un art qui donne à réfléchir et éveille nos sens... Contrat de location en poche (on ne sait jamais !), on se tourne vers Sophie Papiau qui est en pleine discussion avec des amis, c’est aussi ça "L’art prend l’air", amis ou simples visiteurs, tout le monde se côtoie autour d’un verre ou d’une œuvre.
La petite escapade artistique se transforme vite en chasse au trésor et quand la petite porte dérobée apparaît avec son n°19 doré et son affichette "L'art prend l'air", c'est comme si nous avions trouvé le Saint Graal !
Les amis de mes amis...
On laisse tout ce petit monde pour continuer notre route ; avant de partir, Arielle lance : "Passez rue Santeuil, j’ai un ami qui expose là-bas, c’est à deux pas...". Direction donc vers le 4 rue Santeuil pour rencontrer Sovann Kim. Tout au bout de la petite ruelle tranquille, on aperçoit l’affiche, le petit cérémonial recommence : interphone, hall d’entrée, cage d’escalier... pour enfin accéder à l’atelier. Mais ici, c’est une toute autre ambiance, l’atelier est en fait un bureau d’architectes et l’artiste est représenté par sa galeriste. Un peu déçue – "L’art prend l’air" c’est avant tout la rencontre informelle avec les artistes et pas le côté institutionnel d’une galerie – immergeons-nous quand même dans l’œuvre de Sovann Kim... et la découverte s’avère intéressante.
Entre dessins et lithographies, l’œuvre de cet artiste cambodgien, installé à Nantes depuis quelques années, est atypique. Il scanne des objets, des éléments divers et même des aliments (comme cette rondelle de concombre !) puis il les retravaille graphiquement. Le résultat est surprenant mais la démarche est pertinente. Dans la pièce d’à côté, les photographies en noir et blanc de Patrick Miara s’intègrent parfaitement aux créations de Sovann. Les artistes contemporains placent définitivement la réflexion et le concept au centre de leurs œuvres, avant même toute démarche esthétique. Parfois c’est abscons mais il suffit de prendre le temps de comprendre l’idée qu’ils ont voulu faire passer pour que tout s’éclaire. Alors surtout, ne soyez pas effrayé par des images qui ne flattent pas votre œil et essayez d’aller toujours un peu plus loin...
Du côté de Bouffay
Traversons la place Royale et son tumulte ambiant pour rejoindre la rue du Bouffay où la peintre Gwenola Guirriec se niche... au huitième étage ! Accueillante et souriante, Gwenola ouvre sa porte et nous lance tout de go : "c’est petit chez moi alors je dois enlever mes peintures de leurs châssis donc ne vous inquiétez pas, soulevez et farfouillez".
Œuvres géométriques, lorgnant du côté de Mondrian ou Malévitch, la technique de Gwenola est très intéressante : elle ne peint pas sur des toiles mais sur du tissu qu’elle achète à bas prix dans des friperies et qu’elle colle ensuite sur des châssis. Ainsi, à travers, ses couches de peinture (acrylique, huile et même peinture pour porcelaine), on voit en transparence les motifs – souvent à fleurs – du tissu de base. "Mais je sens un peu les limites du châssis, je voudrais que la lumière puisse transpercer les tissus, je vais peut-être essayer de les coller sur du plexiglas mais comment ne pas voir la colle ?..." nous explique l’artiste. L’art si c’est un concept, une idée, c’est aussi des contraintes techniques auxquelles il faut remédier. Rendez-vous est donc pris l’année prochaine avec Gwenola pour voir l’évolution de son travail.
Les artistes contemporains placent définitivement la réflexion et le concept au centre de leurs œuvres, avant même toute démarche esthétique
Tout près de là, rue du Moulin, on monte chez Heejung Kim. Déjà occupée avec plusieurs visiteurs (cette édition de "L’art prend l’air" semble faire recette), on fait le tour de son atelier : photographies et installations emplissent les murs. Dix minutes, quinze minutes, vingt minutes plus tard... l’artiste est toujours occupée à discuter (l’objectif de la manifestation est donc bien remplie !).
Un final en peinture
Direction rue de Carmélites pour la visite de l’atelier de Bruno Meyer, artiste peintre. Il fait beau ce samedi après-midi, Bruno est installé dans la rue avec son chevalet de campagne, les pots de peinture ouverts jonchent le trottoir, il nous salue et nous invite d’un signe de tête à visiter son lieu : mi-galerie, mi-atelier, les toiles foisonnent... sur le sol, sur les murs ; l’exploration du lieu va prendre du temps.
Son œuvre colorée attire le regard ; on pense à Matisse, à Chagall... après avoir passé une partie de l’après-midi avec des œuvres conceptuelles aux supports techniques variés, retrouvez ici une œuvre uniquement picturale demande un petit temps de ré-adaptation... que l’on retrouve très vite, rassurez-vous. "L’art prend l’air" aura été l’occasion de voir la ville autrement, en pénétrant dans des lieux privés, et de se confronter à l’art contemporain dans ce qu’il a parfois de plus effrayant mais surtout dans ce qu’il a de plus passionnant : comment l’idée germe dans la tête de l’artiste et comment ce dernier met tout en œuvre pour la matérialiser. L’art dans toute sa splendeur et l’artiste dans toute sa liberté. Quand l’art prend l’air, notre ouverture d’esprit s’élargit et nos yeux s’ouvrent grand...
Delphine Blanchard
Bloc-Notes
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