
CARNET DE FESTIVAL
Vingt-quatre heures de la vie de Philippe Garrel
Le dernier Festival international du film de La Roche-sur-Yon (FIF) a offert aux spectateurs un bel hommage au cinéaste Philippe Garrel. Au programme : rétrospective, rencontre et avant-première de son dernier film La jalousie qui sortira le 4 décembre prochain sur les écrans.
Croiser Philippe Garrel dans les allées du FIF, un moment unique. Grande tignasse poivre et sel, imperméable gris, le fils de Maurice et le père de Louis est la définition même du charisme. Une aura qui émane de ce personnage à part dans le cinéma français. « Le plus jeune réalisateur ! Il a commencé à 16 ou 17 ans » note Jean Douchet, ancien critique aux Cahiers du cinéma venu au FIF pour parler de la filmographie de la dynastie Garrel.
Le soir : La jalousie
Notre cohabitation avec la filmographie du réalisateur débute vendredi soir avec la présentation en avant-première de son dernier film, La jalousie, vu aussi à la dernière Mostra de Venise. On remonte donc le fil à l’envers, mais ces 24 heures en sa compagnie risquent bien d’être pour autant d’une cohérence exceptionnelle, tellement son cinéma n’est fait que d’une et même ligne.
Pour l’occasion, le fils Louis, la fille Esther et la comédienne Anna Mouglalis étaient présents. Parce que Garrel aime tourner en famille. À l’issue de la projection, il explique :« Je me sens bien avec mes enfants, je ne vois pas pourquoi je m’empêcherais de tourner avec eux, et puis c’est aussi l’occasion de les voir, de passer trois ou quatre mois ensemble ». Trois ou quatre mois, pas forcément la durée du tournage, tant les budgets de ses films sont serrés. Mais c’est le temps de la préparation en amont. La « méthode » Garrel n’a pas son pareil ! « Nous travaillons des mois avant le tournage à répéter inlassablement jusqu’à ce qu’on trouve le ton juste » détaille l’actrice Anna Mouglalis. « Sur le tournage, ensuite, nous faisons une seule et unique prise, en essayant de retrouver la justesse des répétitions. C’est tellement agréable de travailler comme cela. C’est finalement plus simple ». Et Philippe Garrel de surenchérir : « De toute façon, c’est tout le temps la première prise qui est bonne. Ensuite, les acteurs se fatiguent et simulent. Il faut atteindre la dix-huitième prise pour retrouver une vérité, ce n’est pas possible. Enfin, c’est ce que fait Kechiche et ça marche mais, moi, ce n’est pas ma façon de voir les choses ».
Pourtant, La jalousie et La vie d’Adèle racontent finalement des choses similaires : la vie, l’amour, la difficulté à vivre, la difficulté à aimer, à s’aimer… Mais là où Kechiche provoquent cris, batailles et bagarres, Garrel filme l’amour sans heurt, sans cri, sans larme, sans crise de larmes. L’amour n’y est pas plus paisible, pas moins passionné mais plus mature peut-être. Les personnages se quittent avec respect et dignité. Ici c’est la vie du grand-père, Maurice, qui est racontée. « C’est l’histoire d’amour entre deux intellectuels » selon Philippe Garrel. Deux intellectuels mais aussi deux artistes, non ? « Je préfère dire intellectuels car tous les artistes ne le sont pas ! Eux, l’étaient ! » À bon entendeur !
Le matin : Liberté la nuit
Le lendemain, réveil en douceur avec Liberté la nuit, film de 1983 avec une Emmanuelle Riva, jeune et jolie et un Maurice Garrel charismatique. La veille, c’est le personnage masculin qui souffrait et n’était pas aimé comme il l’aurait souhaité. Ici, ce sont les femmes qui sont malmenées. Le personnage principal aime mais cela ne le comble pas. Où l’on comprend que nous sommes toujours seuls face à nous-mêmes. Le couple ne serait alors qu’un médiocre antidote à la solitude. Une sorte de placebo dont les effets sont définitivement nuls. La fin très symbolique voire métaphorique est sans appel. Seuls, nous le resteront, malgré l’amour.
Tout le cinéma de Philippe Garrel se tient là, dans cet interstice où tout bascule et tout se bouscule
L’après-midi : Les amants réguliers
On retrouve Jean Douchet et Louis Garrel pour ouvrir la séance du film Les amants réguliers. Ce dernier y joue un des rôles principaux. Mai 68, la révolte étudiante, les espoirs déçus, l’amour, encore et toujours ! Trois heures durant, les couples se font, pour toujours finir par se défaire. Les images en noir et blanc filment la fronde, les élans politiques et amoureux, le passage de l’adolescence à l’âge adulte. C’est juste et précieux. Le film tourné en 2005 n’est pas sans rappeler Le péril jeune de Cédric Klapisch. Même si Les amants réguliers se veut plus intellectuel, moins ancré dans le quotidien, il partage un même souffle, une même fraîcheur et surtout une même définition de la vie. Entre passion et destruction. Tout le cinéma de Philippe Garrel se tient là, dans cet interstice où tout bascule et tout se bouscule.
Delphine Blanchard
Bloc-Notes
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