FOCUS
Théâtre du Soleil : le Fol espoir est tout sauf un naufrage
Ariane Mnouchkine présente les naufragés du Fol Espoir
Aller à la Cartoucherie, au Théâtre du Soleil, c’est l’assurance d’un voyage ailleurs, d’une traversée dans le temps. Et pour cette création, Les Naufragés du Fol Espoir, on assiste à un périple parfois épique, parfois nostalgique. C’est en tout cas la promesse d’un spectacle dépaysant et atypique à découvrir du 4 au 22 mai, au Grand T de Nantes.
Ariane Mnouchkine, en maîtresse des lieux, de son lieu, qu’elle a créé il y a plus de trente ans, qui est devenu sa maison, son travail, sa vie, nous accueille avec sourire et chaleur. On pénètre dans le sanctuaire d’une femme qui consacre sa vie à la création théâtrale, qui monte les plus grands textes du répertoire, toujours avec singularité, rarement avec complaisance, jamais avec amateurisme.
Un contexte difficile
Cette fois-ci, c’est avec sa complice, Hélène Cixous, écrivain, qu’elle monte Les Naufragés du Fol Espoir. Quatre heures de plongée avec une troupe se plongeant dans cet art nouveau qu’était le cinéma au début du siècle. Quatre heures où l’on assiste à leur acharnement à faire un film, alors que l’Europe tremble, que l’Autriche guette, que les Balkans se révoltent et que la France est en attente... l’avenir est incertain. La mort de Jaurès la fragilise, tout comme l’assassinat de François Ferdinand fragilisait l’empire austro-hongrois. Les nationalismes bouillonnent, se rebellent, explosent, la fièvre monte, les têtes politiques tombent dans de sinistres attentats et pendant que certains crient au pacifisme, d’autres appellent à prendre les armes. Haines enfouies, espoirs fauchés, on est à la veille de la première guerre mondiale. Guerre de 14-18, dont il ne reste plus de poilus pour raconter. Celle qui a rasé Verdun, qui a fauché Ailles, Beaulne-et-Chivy, Courteçon, Beaumont en Verdunois, Bezonvaux, Rippont, Tahure, Fey en Haye, Craonne et tant d’autres. Celle dont on pensait qu’elle durerait quatre jours et s’étala sur quatre ans. Dans ce climat tendu, où tout semble prétexte à faire la guerre, Ariane Mnouchkine répond, comme elle l’a souvent fait, à la boucherie par l’humanisme, au nationalisme exacerbé par l’universalisme.
Ariane Mnouchkine répond, comme elle l'a souvent fait, à la boucherie par l'humanisme, au nationalisme exacerbé par l'universalisme.
Un spectacle pour la création
Le théâtre d’Ariane Mnouchkine est la reproduction d’un monde idéal, fraternel, uni, où se côtoient toutes les couleurs, toutes les origines. Sa compagnie réunit des acteurs venus du monde entier qui n’ont qu’une envie : rassembler, unifier. Ils nous emmènent, vaillants et déterminés, au bout du monde, dans des bateaux, sur la banquise, dans les mers, dans les cieux, au milieu de techniciens et d’acteurs, qui jouent les méchants et les gentils. On est émerveillé par les effets, le travail – qu’on devine acharné – les moyens, l’inventivité. La volonté de cette troupe en quête d’un monde meilleur, contraste avec la fin d’un monde insouciant et sécure. Cela semble bien être la quête de la créatrice elle-même. Elle fait en sorte, dans l’écriture et la dramaturgie, de nous faire rêver, tente de nous montrer que cette troupe veut le bien, alors qu’au dehors tout va mal. Ses difficultés à monter ce film coûte que coûte démontre une rage qui renvoie à un combat sans fin et sans concessions pour la survie de l’art et donc à sa mission. Un film dans la création elle-même, un film utopique dans un monde en désagrégation. Valeurs fraternelles contre luttes fratricides. Le théâtre de Mnouchkine défend ces valeurs comme un message d’espoir, une volonté d’avancer et de créer quoi qu’il advienne.
Texte : Julie Laval
Crédit photo bannière : Charles-Henri Bradier et Seear Kohi
Crédit photo haut : Michèle Laurent / bas : Charles-Henri Bradier
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