HOMMAGE A GAINSBOURG
Le ballet envoà »tant de "L’homme à tête de chou"
Vingt années que l’illustre Serge Gainsbourg n’est plus. Le 2 mars 1991, il mourrait à l’âge de 63 ans après avoir grillé la vie par les deux bouts. Les émissions de télévision se sont succédées pour ce funeste anniversaire. Mais délaissez vos écrans et préférez le spectacle de danse contemporaine "L’homme à tête de chou" créé par le chorégraphe Jean-Claude Gallotta. Un ballet qui rend hommage, en douze tableaux, à l’album-concept éponyme de Gainsbourg sorti en 1976.
Un plateau épuré, au centre trône une chaise vide. La chaise de Gainsbourg, le fantôme de ce ballet ? Oui bien sûr, mais aussi celle d’Alain Bashung, l’autre fantôme de ce projet. Celui qui devait être assis sur cette chaise de bureau à roulettes et zigzaguer entre les danseurs. Les premières répétitions avaient débuté en mars 2009 lorsqu’il s’en est allé rejoindre son ami Serge. Pour autant, Alain Bashung est bien présent puisque c’est lui qui prête sa voix aux douze chansons de "L’homme à tête de chou" égrainées au fil du spectacle ; une voix suave et profonde qui nous enveloppe et nous emmène dans la folie du narrateur.
Les corps se frôlent, se touchent, s'apprivoisent... pour lentement et progressivement se désirer, s'aimer, puis bientôt se détester et se déchirer
"Ma Lou, Marilou"
Revenons à l’histoire de l’album écrit et composé par Serge Gainsbourg en 1976. Après "Histoire de Melody Nelson" écrit en 1971, "L’Homme à tête de chou" est son pendant où l’on suit les pérégrinations de Marilou, la petite shampouineuse délurée dont tombe amoureux le quadragénaire, narrateur de l’histoire. Chaque chanson raconte un épisode de cette aventure amoureuse et passionnelle : "Chez Max coiffeur pour hommes" pose la scène de départ, la rencontre des deux protagonistes dans le salon de coiffure où travaille Marilou. La célèbre "Ma Lou Marilou" décrit les sentiments amoureux : "Oh ma lou oh ma lou oh Marilou / Petite gueuse, shampouineuse de mes rêves / Oh ma lou oh ma lou oh Marilou / Si tu bronches je te tords le cou / Oh ma lou oh ma lou oh Marilou / Tu as mon âme monogame et ma sève / Oh ma lou oh ma lou oh Marilou / C’est pour toi et un point c’est tout..." ; "Variations sur Marilou" célèbre leurs jeux érotiques : "Lorsqu’en un songe absurde Marilou se résorbe / Que son coma l’absorbe en pratiques obscures / Sa pupille est absente, et son iris absinthe / Sous ses gestes se teintent extases sous-jacentes..."
Marilou, "petite gueuse shampouineuse", trompe son amant avec des petits rockeurs de passage, Marilou se couche dans le lit de qui le veut bien, l’histoire se finit donc forcément mal... Le narrateur commet l’irréparable quand vient l’une des dernières chansons de l’album "Meurtre à l’extincteur" : "Pour éteindre le feu au cul de Marilou / Un soir n’en pouvant plus de jalousie / J’ai couru au couloir de l’hôtel décrocher de son clou / L’extincteur d’incendie..."
Pour l’anecdote, c’est en passant devant une galerie d’art parisienne que Gainsbourg voit la sculpture de Claude Lalanne, "L’homme à tête de chou". Il entre dans la galerie, l’achète en la payant cash et la fait livrer à son domicile. Placée au centre de la cour de son hôtel particulier, rue de Verneuil, la sculpture l’inspire... il commence alors à écrire cette histoire d’amour... jusqu’à la mort.
Quatorze danseurs pour un ballet inspirant
Que donne donc un album-concept passé à la moulinette d’un chorégraphe pour en sortir un ballet de quatorze danseurs ? Gainsbourg aurait-il été fier de cette adaptation ? Sans nul doute ! L’âme de l’artiste plane sur ce spectacle. Provocant, subversif, érotique, sensuel, chacun de ces adjectifs peut convenir pour décrire le travail de Jean-Claude Gallotta. Les danseurs très déshabillés, voire entièrement nus, se livrent au regard du spectateur qui peut être déstabilisé au début. Mais passons au-delà de ce qui n’est en fait qu’un détail pour apprécier à sa juste valeur ce ballet inspiré, virevoltant aux sons des guitares, s’appuyant sur la voix de Bashung. Loin de se contenter d’illustrer l’histoire de Marilou et ses amants, les danseurs lui donnent vie. Ce qui pourrait n’être qu’un ballet mécanique désincarné est, au contraire, une succession de tableaux emplis d’émotions. Les corps se frôlent, se touchent, s’apprivoisent... pour lentement et progressivement se désirer, s’aimer, puis bientôt se détester et se déchirer. L’ingratitude de Marilou pour son amant amène ce dernier vers la folie. La scène finale du meurtre à l’extincteur (sans extincteur ! mais avec une guitare rouge sanguinolente) est une des scènes les plus impressionnantes. Ou comment montrer la folie, la tragédie et la violence sans une seule arme mais seulement avec des corps. Des corps comme des armes. Des corps pour parler des maux de l’âme. Des maux que Gainsbourg guérissait avec ses mots à lui.
Delphine Blanchard
Crédits photos : Guy Delahaye / Brigitte Enguerand
Info
Le spectacle est passé par la Cité des Congrès à Nantes en février mais il revient le 28 mai prochain.
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