Mime
Rencontre avec Vahram Zaryan, artiste de mimodrame
Vahram Zaryan, artiste de mimodrame d’origine arménienne, a présenté, en décembre 2010, à la cité universitaire à Paris, « Confession  », un spectacle aux résonances autobiographiques, créé en Arménie durant l’été dernier. L’actualité de cet ancien élève de Marcel Marceau le conduit, au mois de mars 2011, au Théâtre du tambour royal, à Paris, pour une nouvelle production de « La serva padrona  » de Pergolèse, dans une mise en scène de Martine Blanloeil. Quand le mime entre à l’opéra. Nous l’avons rencontré.
« Confession » est un spectacle qui s’adresse au cœur. Vahram Zaryan a créé des images impressionnistes extrêmement fortes, où un geste, pris dans un mouvement perpétuel, raconte la quête de l’autre et l’absence, le manque et l’espoir. C’est désespérément beau, et d’une poésie indicible, comme les pages de ce livre que déchire une petite fille, image d’une innocence confiante, sous le regard de deux hommes inquiétants, tout droits sortis d’un roman de Dostoïevski. Quand les mots sont impuissants, l’art de Vahram fait de l’alphabet des corps l’explorateur des choses enfouies… !
Rencontre avec Vahram Zaryan
C-G : Vous êtes un artiste de nouveau mime, vous avez notamment étudié avec Marcel Marceau. Quel a été votre parcours artistique jusqu’à votre venue à Paris ?
V-Z : J’ai découvert les arts du spectacle au studio théâtre d’Abalian, à Vanadzor en Arménie. J’y ai abordé différentes disciplines artistiques théâtrales. C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais passionné par le théâtre. Par l’intermédiaire de l’école, j’étais très souvent intégré à des productions. J’ai fait une partie de mon apprentissage en tant que figurant. Comme je désirais approfondir mes connaissances et aller plus loin dans la pratique du jeu, je suis parti à Erevan,la capitale, pour étudier à l’institut national de théâtre et de cinéma . Parallèlement à mes études, j’ai intégré la troupe de théâtre d’état de pantomime d’Erevan. Son directeur artistique, Zhiarayr Dadasyan, m’a offert mon premier rôle de mime dans un spectacle inspiré des « fleurs du mal » de Baudelaire. Il s’agissait de « L’envol » et je jouais un papillon bleu. C’était en 1999. J’avais très envie d’être comédien et en jouant dans ce spectacle, j’ai compris que le théâtre gestuel était l’art dans lequel je m’exprimais le plus naturellement. C’est finalement grâce à la poésie de Baudelaire et à ce spectacle, que je suis devenu aussi sensible au mime, et que j’ai développé ma pratique jusqu’au mime contemporain.
C-G : Vous avez côtoyé Marcel Marceau jusqu’à sa disparition en 2007. Que vous a apporté ce grand artiste et que souhaitez vous faire passer de lui, dans votre art ?
Marceau apportait avec lui un univers extrêmement créatif. Ainsi, pendant deux ans, il m’a permis d’intégrer toute une grammaire du corps.
V-Z : La remise de diplôme remonte à 2005. Cela fait déjà 6 ans. En dehors de la technique corporelle, la plus belle chose que je pouvais avoir, c’était sa présence, chaque jour, avec nous, et son regard. Il m’a accompagné pour traiter toutes les thématiques et pour interpréter différents personnages. Marceau apportait avec lui un univers extrêmement créatif. Ainsi, pendant deux ans, il m’a permis d’intégrer toute une grammaire du corps. C’est à moi, maintenant, à partir de cet héritage, de m’exprimer personnellement. Je ne pense pas faire passer quelque chose de Marceau, même si des traces sont visibles dans l’esthétique corporelle. Ce qu’il m’a transmis c’est le désir d’être à mon tour un créateur. Marceau était mon maître, il était génial. Mais Il n’y a aucun intérêt à l’imiter.
C-G : Vous êtes actuellement sur scène dans un spectacle intitulé « La serva padrona » de Pergolèse, au Théâtre du Tambour royal à Paris. Pourriez-vous nous parler de votre rôle dans cet opéra ?
V-Z : Je suis très intéressé par tous ces personnages muets dans l’art lyrique, que ce soit à l’opéra ou au ballet. Il y a là tout un répertoire de mime à explorer qui est souvent négligé dans les créations. Je suis heureux d’intégrer mon art à d’autres disciplines. Cette rencontre entre les genres est passionnante. Le personnage de Scapin se déguise au cours du spectacle, il devient un personnage dans le personnage, ce qui me permet de m’amuser vraiment en tant que comédien. Serpina, la servante, déguise Scapin pour le faire passer pour son futur mari. Il s’agit d’une ruse pour que son maître la remarque. Notre collaboration, avec la metteuse en scène, Martine Blanloeil, m’a permis de développer vraiment le rôle de Scapin et d’apporter à mon personnage une approche personnelle. La metteuse en scène m’a offert toute la liberté et la confiance pour que je crée corporellement cette figure avec une approche chorégraphique et que je puisse davantage développer son caractère.
C-G : Vous avez créé l’an passé, au festival international de mime de Tsarkhdzor, en Arménie, « Confession ». Ce spectacle a été repris à Prague, puis à la cité internationale à Paris, à l’espace Adenauer, avant d’autres représentations en France. Comment est née cette création ?
V-Z : Ce spectacle parle de plusieurs formes d’exil. J’ai rencontré Florent Bracon, qui est poète et dramaturge. Ensemble nous avons commencé à croiser nos visions de l’exil. Il écrivait une histoire poétique sur papier, j’écrivais dans l’espace. Parfois mes improvisations changeaient son écriture, d’autres fois, un de ses poèmes venait s’imprimer dans mes gestes. ”Confession”, c’est l’histoire d’un homme qui a toujours besoin de partir, et qui éprouve une nécessité perpétuelle de changement, un homme qui parcourt un chemin, et, chaque fois qu’il arrive dans un endroit, a besoin de le changer, de le mettre à l’envers puis de partir. C’est un chemin solitaire. Au milieu des objets, au milieu des autres, il danse sa solitude. Nous avons fait appel à Karen Hakobian, un chanteur lyrique haute-contre et compositeur, qui a créé une musique originale, ainsi qu’à Clément Vincent qui a composé le son du spectacle. Tous deux ont participé à créer l’atmosphère sonore si particulière de “Confession”.
C’est un art nécessaire, en mouvement constant, dans un monde trop souvent figé, tellement bruyant et bavard.
C-G : Qu’apporte le mimodrame à notre époque contemporaine ?
V-Z : Il y a un héritage du mimodrame dans plusieurs arts du spectacle vivant. Beaucoup de spectacles gestuels, aujourd’hui, s’appellent autrement. Certains sont basés sur le geste et sont influencés par le mime. Quelques pièces de danse contemporaine sont très marquées aussi par l’héritage de Decroux et par sa grammaire du mime, du corps et de l’art dramatique. Pour ma part, j’essaie de réinventer à chaque répétition une discipline de nouveau mime que je cherche à enrichir perpétuellement. C’est un art nécessaire, en mouvement constant, dans un monde trop souvent figé, tellement bruyant et bavard. Je me sens l’obligation de ne jamais être figé à mon tour dans une pratique, je fais avant tout du spectacle vivant.
Propos recueillis par Christophe Gervot.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses