
Festival du Cinéma Espagnol 2011
La famille espagnole, toute une histoire
Du 24 mars au 5 avril s’est déroulée la 21ème édition du Festival du Cinéma Espagnol, au Katorza. Parmi les trois thèmes sélectionnés pour le programme, figure en bonne place le cycle de la famille. Il s’agissait d’un thème inévitable pour un festival de cinéma espagnol, quand on connaît la place essentielle que tient la famille dans ce pays. Source intarissable pour les réalisateurs également, la famille a été maintes fois représentée au cinéma, le traitement variant selon les époques et les représentations.
Ma mère ne savait pas comment on faisait les bébés avant de se marier
Le 2 avril dernier s’est tenu un débat autour de « La famille dans le cinéma espagnol », en présence de Lluis Miňaro, réalisateur de Family Strip et producteur de La Moustiquaire, Agustí Vila, réalisateur de La Moustiquaire et Emmanuel Larraz, historien du cinéma à l’Université de Dijon. L’occasion de parler de cette thématique centrale en Espagne : la famille, son traitement cinématographique mis en parallèle avec la représentation que s’en fait la société.
De la famille traditionnelle à la famille recomposée
Ces dernières années, la société espagnole a connu de grands bouleversements, à commencer par la légalisation du mariage homosexuel, en 2005. Le catholicisme étant extrêmement présent en Espagne, la famille traditionnelle a longtemps été un modèle : le mari qui travaille, la femme toujours souriante qui reste à la maison, les enfants qui se soutiennent les uns les autres… La société prônait des valeurs telles que la foi, l’unité et la solidarité. Durant la dictature de Franco, les familles nombreuses recevaient des prix de natalité et celle qui avait eu le plus d’enfants avait l’honneur d’être invitée chez le dirigeant. À l’inverse, une femme qui n’était pas mariée n’avait aucune existence sociale.
« La guerre civile a été un traumatisme, explique Lluis Miňaro. Après cet épisode, notre vision des choses a été totalement modifiée, il y a eu 1,5 million de morts et il a fallu tout reconstruire ». La guerre a eu de graves conséquences sur la société, le dictateur bridait la population avec son idéologie conservatrice, jusqu’à la répression sexuelle : « Ma mère ne savait pas comment on faisait les bébés avant de se marier », précise-t-il. Puis, en 1975, quand la dictature prend fin, le gouvernement rend sa liberté au peuple, qui commence alors à développer un esprit plus critique sur la vision dominante de la famille.
Aujourd’hui, les familles sont diverses, un parent ou deux, du même sexe ou non, recomposées, etc. Le cinéma espagnol multiplie les productions la représentant sous toutes ses formes et nous donne alors différents points de vue.
Le cinéma familial et ses évolutions
Sous le régime de Franco, le cinéma était très contrôlé, la production est alors réduite au minimum à cause de la censure plurielle (militaire, politique, religieuse…). Les seuls films autorisés sont ceux qui mettent en scène les valeurs prônées par le dictateur, c’est-à-dire le passé glorieux du pays, le patriotisme, la religion catholique, le culte de la guerre et bien entendu, la famille traditionnelle. Ainsi, le film de Fernando Palacios, La Gran Familia (1962), au programme du festival, a été déclaré d’intérêt national. Le film montre une famille vivant à 18 sous le même toit : le père, dessinateur industriel, la mère toujours impeccable qui s’occupe des quinze enfants et le grand-père, qui participe à l’éducation. Cette famille représente parfaitement ce que la société attend d’eux. À l’époque, le cinéma familial n’était donc pas vraiment diversifié et l’image véhiculée, toujours la même.
La famille est une métaphore pour parler de la société
À partir de 1975, les cinéastes retrouvent leur liberté d’opinion et peuvent, dès lors, se permettre de critiquer la société. Pedro Almodovar en est l’exemple parfait et ne veut pas montrer de familles traditionnelles. Ses films tournent essentiellement autour de l’identité sexuelle et du rapport parent/enfant. Selon Agustí Vila, « la famille est une métaphore pour parler de la société ». Dans son film La Moustiquaire, il ne se limite pas à la réalité mais à des situations « connectées à la réalité », qui montrent les problèmes de la société actuelle, entre parents sur-protecteurs, manque de communication, etc.
Aujourd’hui, le cinéma familial est une mode, d’après Emmanuel Larraz. « On a longtemps fait du cinéma social en pensant qu’on pouvait changer quelque chose. Maintenant, on se rabat sur la famille. ». On parle plus facilement de ce que l’on connaît et le public s’y reconnaît. Agustí Vila précise qu’il voulait, au départ, que La Moustiquaire soit une comédie, mais il s’est finalement rendu compte que son film n’était pas si drôle. « Il faut prendre de la distance pour rire des choses qui nous sont proches », souligne-t-il. On pourrait croire, qu’aujourd’hui, le cinéaste peut montrer tout ce qu’il veut, mais – et c’est surtout vrai pour le cinéma familial – il faut malgré tout rester dans le « politiquement correct ».
Marine Toux
Photo de la Cosmo rencontre : Jorge Fuembuena
En savoir plus
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Équipe : Laurette Bouysse, Xavier Pennec, Marine Toux, Corentin Vital. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal.
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